Chapitre 102 : Rituel d'entrave

1.6K 265 53
                                    

 Assise en tailleur, Syara, malgré les consignes de Shay qui lui avait demandé de garder les yeux fermés, ne pouvait s'empêcher de les ouvrir de temps en temps pour voir ce qu'il faisait. Le dragon n'arrêtait pas de tourner autour d'elle tout en traçant d'étranges symboles sur le plancher. Même si elle arrivait à en reconnaître certains qui figuraient sur son instrument, la plupart ne lui disait rien et l'ensemble échappait totalement à sa compréhension. Au bout de vingt minutes, Shay se redressa et se tourna vers les autres membres du groupe.

— La partie facile est terminée. Ce qui va suivre va me demander une concentration extrême, alors je vous prierai de sortir au moins de cette pièce. Elyazra, même si je sais que tu ne me gêneras pas, je veux que tu les accompagnes aussi et que tu surveilles la fée. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il serait regrettable qu'elle s'enfuie alors que nous allons la ramener chez elle.

Surveiller une créature si petite qui pouvait se rendre invisible à volonté ? Comme si c'était possible sans l'enchaîner, pensa la demi dragonne. La fée, elle, comprit tout ce que le dragon disait et quitta son poste d'observation sur la table pour rejoindre l'épaule de celle à qui il avait parlé. Elle ne comptait plus les quitter, mais espérait tout de même que cette personne sur laquelle elle se posait était aussi attentionnée que celle qui se trouvait au milieu de tous ces tracés bizarres.

Un à un, les compagnons de Syara sortirent de la maison et la laissèrent avec le dragon. Ce dernier, une fois seul avec elle, lui fit face avec un regard sévère.

— Tu crois que je ne me suis rendu compte de rien ?

— Comment ça ? s'étonna-t-elle.

— Je t'avais dit de fermer les yeux, répondit-il. Heureusement, ça n'était pas bien grave à ce moment-là mais pour la suite, il va vraiment falloir m'obéir. Tu veux voir ce que j'ai fait ? Très bien, contente ta curiosité pendant que tu le peux encore et lorsque tu seras prête, ferme les yeux et ne les rouvre pas.

Elyazra ne devait pas s'amuser tous les jours avec quelqu'un comme lui, pensa-t-elle. La violoniste tourna la tête et observa les runes autour d'elle. Comme elle l'avait remarqué, elle en connaissait certaine alors que d'autres étaient inconnues, mais leurs significations lui échappait totalement. Le tracé global formait un huit et elle se trouvait dans l'une des boucles. Shay, lui, s'installa face à elle, dans l'autre. Une fois sa curiosité satisfaite, Syara ferma les yeux et attendit les instructions.

— À présent, imagine ton violon sans pour autant l'invoquer et laisse faire le reste. Si ta vision change, ne cherche pas à retrouver l'aspect original et observe ce qui se passe.

Les yeux toujours clos, la beast hocha légèrement la tête pour signifier qu'elle avait compris puis commença à visualiser son instrument dans son esprit. Shay commença alors à psalmodier une incantation dans une langue inconnue. Sa voix faisait froid dans le dos. Sous sa forme humaine, elle était déjà grave, mais là, elle était encore plus roque, caverneuse, presque gutturale.

Plus il parlait dans cette langue étrange et plus l'image du violon devenait net dans son esprit. D'abord, elle le vit resplendissant comme lorsqu'elle le tenait en main, puis, il s'assombrit petit à petit et les runes prirent une teinte rouge sang luminescente. Ce violon n'était pas le sien, mais celui de la chose. Elle l'entendait d'ailleurs hurler, faiblement au début, puis de plus en plus fort jusqu'à cacher totalement la voix du dragon.

Ça n'était pas des cris de peur, mais plutôt de rage et de haine qui animait cette chose. Plus ils étaient forts, plus Syara voyait une aura maléfique sous forme d'un épais brouillard noir s'échapper de l'instrument et se répandre dans sa vision.

Peu à peu, la voix du dragon reprit le pas sur celui de la chose et le brouillard se dispersa. Des chaînes apparurent alors au bord de son champ de vision. Pendant un instant, Syara essaya de focaliser sa vision sur elles pour voir d'où elles venaient, mais elle était irrémédiablement ramenée sur le violon.

— Reste concentrée ! tonna la voix du dragon dans sa tête.

L'avertissement de Shay avait été si puissant et sa voix si forte que Syara avait l'impression que quelqu'un s'était attaqué à son esprit. Le choc psychique avait été tel qu'elle manqua presque de s'évanouir. Elle tint tout de même bon et se focalisa de nouveau sur le violon.

Les chaînes commencèrent à s'enrouler autour de l'instrument et à l'entraver.

— Non ! hurla la chose. Tu n'arriveras pas à me retenir de cette façon, je t'en empêcherai !

La vision du violon se mit à devenir flou et à être remplacée de plus en plus souvent par des images que Syara voulait absolument oublier. La chose remontait dans son esprit et montrait des scènes de plus en plus anciennes. D'abord, elle vit l'image qu'elle s'était faite de la mère de Sae en train de se faire dévorer par le cerbère, ensuite vint la plaine remplie des cadavres des villageois humains au pied des montagnes. La vision suivante montra la sirène, désespérée dans l'aquarium géant puis le cadavre des bandits qu'elle avait elle-même tués.

S'en était trop pour la jeune femme et elle sentait qu'elle craquerait et stopperait tout si la chose continuait ainsi.

— Tu n'es pas seule dans cette épreuve, chuchota Fos.

Au lieu d'une autre image cauchemardesque, Syara vit le visage souriant et les yeux remplis d'étoiles de la petite harpie, puis tous les enfants de l'orphelinat qui l'accueillaient avec joie, les mages qui la félicitaient après avoir délivré Sendra. Enfin, elle vit Kuta, le seul ami qu'elle avait eu pendant bien longtemps. Il n'arborait pas ce visage triste qu'il avait eu lors de la cérémonie du coffre de cristal, mais était souriant et lui tendait un sac qui contenait des viennoiseries. Cette vision finit de la calmer et l'image du violon revint à son esprit. Il n'était plus corrompu, mais n'était pas totalement comme avant. La plupart des runes qui le parcourait étaient grisées et seule cinq d'entre elles luisaient faiblement d'un bleu azur.

— C'est terminé, annonça Shay.

Sachant cela, Syara essaya de rouvrir les yeux, mais n'y parvint pas. Elle sentit son corps partir sur le côté et être retenu juste avant de heurter le sol. Épuisée, elle ne chercha pas à faire quoi que se soit et laissa son esprit divaguer, s'endormant instantanément dans les bras du dragon.

__________

Petit mot de fin, une fois de temps en temps, ça ne fait pas de mal. J'ai hésité un moment à le faire au chapitre 100, mais je pense que le 102 est un peu plus important pour une chose. 102 chapitre et deux prologue. Tout cela à 2 publication par semaines.

 Faisons donc un petit calcul: (102+2)/2=52.

 Et oui, cela fait un an que j'ai commencé à publier cette histoire. Ce petit mot de fin est donc là pour vous remercier, vous, lecteurs. Même si les votes font plaisir, ça n'est vraiment pas le plus important pour moi. Je préfère de loin lire vos commentaires et parler avec vous. Cependant, je sais aussi que certains lisent sans pour autant commenter et, pour vous, je suis tout simplement heureux de vous faire découvrir cette histoire. 

Enfin bref, je ne suis pas vraiment doué pour ce genre de chose, mais encore merci de suivre cette histoire qui me tient à cœur. Après tout, j'avais pensé à celle-ci bien avant de commencer à écrire Scyllia. 

Moi Sirfalas, mais aussi Syara, Elyazra, Telak, Guard, Rael, Fos, Shay et tous les autres vous disons un grand "MERCI!!!!"  et à dimanche prochain pour la suite ;-)

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant