Chapitre 112 : La mort du général

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 D'un pas qui se voulait assuré, Fos traversa la place devant le palais, sans chercher à se cacher. Les soldats postés derrière les fortifications de fortune l'avaient remarqué et braquaient leurs armes à feu sur lui. Ça n'était pas le moment de se dégonfler. Au moindre geste suspect, s'il reculait ou faisait mine de ralentir le pas, il se retrouverait transpercé de dizaines de balles.

— Halte ! ordonna un soldat lorsqu'il arriva à portée de voix.

Sans réfléchir, le violoniste s'arrêta net et fixa celui qui avait crié.

— Je viens au rapport depuis la porte sud, expliqua-t-il d'une voix claire et assurée. Les communications ont été coupées et mon commandant aimerait avoir des instructions claires de la part de l'état-major !

Ses mots avaient été soigneusement choisies. Il savait que la porte sud tenait encore car il y avait envoyé peu de monde, les communications avaient été brouillées dès le début de l'attaque et il savait de source sûre que les dirigeants se réfugiaient dans le palais, place forte à l'intérieur de la forteresse, lors des crises.

— Votre matricule !

— Seize B cinquante-six, troisième régiment.

Là par contre, il se fiait en partie à la chance. S'il savait de quoi était composé un matricule et que le régiment qui gardait le secteur dont il prétendait venir était bien le troisième, le reste avait été choisi au hasard. Ce qu'il venait de révéler était qu'il était le seizième homme de la seconde escouade du troisième régiment. Pour le cinquante-six cependant, il n'avait aucune idée de ce que pouvait vouloir dire ce nombre. En vérité, il comptait autant sur la chance que sur le fait que la personne qui l'interrogeait n'était qu'un simple soldat.

— Vous pouvez venir, déclara-t-il en baissant son arme, immédiatement imité par le reste des troupes.

Fos s'avança et passa les fortifications. Il allait pour gravir les marches du parvis lorsque le même soldat qui lui avait parlé s'interposa.

— Nous allons vous escorter.

— Ça ne sera pas nécessaire, je connais le chemin. Et puis, l'ennemi arrivera bientôt et vous aurez besoin d'un maximum de monde pour les repousser. Croyez-moi, vu leur nombre, chaque soldat peut faire pencher la balance.

Cette fois-ci, ce n'était plus sur sa chance qu'il comptait, mais sur la crédulité de son interlocuteur. Il avait bien pris soin de prendre un uniforme d'un gradé, de manière à avoir l'avantage si une telle confrontation arrivait. Cependant, être escorté était normalement une obligation, mais il n'avait aucune envie d'aller voir les dirigeants de l'armée. Le dictateur ne se trouvait pas avec eux, il le savait. Ce lâche était confortablement installé sur son trône, juste à côté du brouilleur, et attendait que tout se termine pour récolter la gloire d'avoir repoussé l'ennemi grâce aux stratégies qu'il avait, soi-disant, mises en place.

— Nous ne pouvons pas vous laisser entrer seuls...

Avant que le soldat n'ait fini sa phrase, une explosion retentit à seulement quelques rues et une épaisse fumée noir monta dans le ciel.

— Je vous ai dit qu'ils étaient proches. Vous ne pouvez pas vous permettre de manquer d'hommes !

— Très bien, allez-y, se pressa-t-il de répondre avant de retourner à son poste.

Une fois que le soldat l'eut quitté, Fos ne put s'empêcher de lâcher un léger souffle de soulagement avant d'entrer dans l'enceinte du palais. Visiblement, tous les gardes se trouvaient déjà à la porte, il serait donc facile de se déplacer sans paraître suspect. L'un de ceux qui avaient été capturés lors de leur conquête des camps avait révélé de son plein gré qu'il s'était déjà rendu au palais et avait dessiné, de mémoire, l'itinéraire qu'il fallait emprunter pour se rendre à la salle du trône. Avant de lancer l'assaut, le violoniste avait pris soin apprendre par cœur le chemin le plus rapide ainsi que ceux détournés s'il y avait eu des gardes.

Il se trouvait en bas des escaliers. Il ne restait que quelques marches et un couloir à franchir avant d'arriver à son but. Presque arrivé en haut, Fos ralentit lorsqu'il entendit des éclats de voix.

— Vous êtes fait ! clama une personne avec un fort accent.

— C'est ce que tu crois, railla un autre. Approche cette trompette de ta bouche et je te transperce la tête.

À pas de loup, Fos s'avança pour voir ce qui se passait. Une porte entrouverte donnait sur la salle du trône et il pouvait déjà voir en partie ce qui se passait à l'intérieur. Un démon se tenait devant le dictateur, un cor à la main. De plus, il n'était pas n'importe quel mage, c'était l'un des membres du conseil. Comment avait-il fait pour entrer sans se faire repérer alors que des gardes se trouvaient sur le toit pour éviter toute incursion aérienne ?

Toujours sans faire de bruit, le violoniste entra dans la pièce. Le dictateur l'avait remarqué mais fit mine de rien pour ne pas le trahir. Après tout, il portait l'uniforme de son armée.

Lentement, Fos dégaina son arme accrochée à sa ceinture et la pointa sur le démon. Sans aucune hésitation, il appuya sur la détente et ne tressaillit même pas lorsque le sang et la cervelle de celui qu'il venait d'abattre le recouvrirent en partie.

— Bien joué soldat, félicita le dictateur en se retournant pour aller s'asseoir. Même si j'aurais pu m'en charger, vous avez très bien fait et agit pour le bien de l'humanité.

— Oui... Pour le bien de l'humanité.

Avant que le général n'ai eu le temps d'arriver à son trône, Fos appuya de nouveau sur la détente et l'abattit d'une balle dans le dos. Le dictateur s'écroula et une flaque de sang commença à grandir sous lui. Il avait envie de s'acharner sur son corps, de lui vider son chargeur dans la tête pour toutes les atrocités qu'il avait faites subir aux humains comme aux autres races, mais il y avait bien plus urgent que ça à faire.

Le violoniste rangea son arme et invoqua son instrument. La machine qui brouillait les flux de téléportations ressemblait à un ordinateur géant comme ils en faisaient il y a des décennies, à l'époque où cette technologie nouvelle pouvait remplir des salles entières pour faire des calculs dérisoires.

Il n'était pas un expert en informatique, mais il en connaissait assez pour savoir que cette machine arrêterait d'émettre lorsqu'elle serait détruite. En quelques coups rapides d'archet, Fos invoqua une petite tornade qui se chargea de broyer la machine.

Le résultat ne se fit pas attendre. Dès que le sort se dissipa, il entendit les gardes hurler que l'ennemi se téléportait. Heureusement pour lui, il avait été assez rapide pour qu'ils n'aient pas le temps de rappliquer après avoir entendu ses coups de feu et ils allaient être bien trop occupé à présent pour se soucier de lui.

Sa mission accomplie, Fos se dirigea vers le trône et s'y installa en attendant que tout soit terminé. Les combats ne devraient plus durer encore bien longtemps et le conseil allait sans doute se précipiter vers la salle du trône. À cet instant, il serait là pour les accueillir.  

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant