Chapitre 9 : Léfarène

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Si de l'intérieur, le Hall des musiciens semblait immense, de l'extérieur, il était tout aussi impressionnant. Une volée de marches permettait d'accéder à un grand parvis couvert. Le toit, qui dépassait du bâtiment, était soutenu par cinq gros piliers blanc. L'endroit donnait l'impression qu'un dragon pouvait très bien entrer par la porte principale et avoir assez de place pour se retourner et faire sa toilette.

Un grand nombre de statues ornaient chaque angle de l'édifice. Syara avait lu, dans un livre d'histoire, qu'elles représentaient des créatures appelées gargouilles et qu'elles étaient censées protéger ce lieu. Pour la beast, elles ressemblaient bien plus à des diablotins, d'horribles bêtes, qu'à des protecteurs. Mais il fallait bien avouer qu'elles donnaient un certain charme, une certaine ambiance au bâtiment.

Le reste de la ville, elle, n'était pas en reste. De grands bâtiments gris clairs entouraient de larges allées sur lesquelles carrioles et passants allaient et venaient. Léfarène était bien plus animée que la ville qui l'avait accueilli pendant ses études. Échoppes et ateliers d'artisan courraient le long des rues. La jeune femme se demandait même comment il pouvait y en avoir autant sans que la concurrence ne force la plupart à fermer boutique.

Telak mena ensuite Syara sur une grande place. Si les magasins dans les rues permettaient d'obtenir tout et n'importe quoi, les stands disposés sur cette esplanade, eux, ne vendaient que des produits frais. Le démon lui apprit que c'était le meilleur endroit pour se ravitailler et être sûr autant sur la qualité des produits que sur leur fraîcheur. Avec toutes les odeurs alléchantes qu'elle perçut alors qu'elle traversait le marché, Syara ne douta pas une seconde des dires du démon.

Une poignée de rues plus tard et la beast se retrouva au milieu d'une seconde place, plus petite. Il n'y avait pas de marché sur cette dernière, mais des bars et des restaurants à profusion. Telak poussa la porte de l'un d'eux et l'invita, par un geste de la main, à le suivre. Il était vrai que, libéré de la pression de la cérémonie, cette petite marche lui avait ouvert l'appétit.

Un serveur les mena jusqu'à une table dans le coin de la salle. Un endroit où, elle avait du mal à l'admettre, elle mangerait en tête à tête avec lui. Il n'avait cependant pas choisi au hasard. La décoration était sobre mais raffinée, le nombre de tables n'était pas excessif et leur répartition permettait de garder une grande partie d'intimité. Quant aux plats. Voir ce que les serveurs ramenaient des cuisines donnait tout simplement l'eau à la bouche.

Cette sensation fut décuplée lorsqu'on lui présenta la carte. Il y en avait pour tous les goûts, surtout pour ce qui était de la viande qui, d'après les descriptions, était de premier choix. Un coup d'œil à côté des plats refroidit tout de même son envie de commander l'intégralité de la carte. Il y en avait peut-être pour tous les goûts, mais visiblement pas pour toutes les bourses. Le comble, c'est qu'elle n'avait absolument rien sur elle !

— Ne t'inquiète pas, c'est moi qui invite, sourit Telak, le visage à moitié caché derrière sa carte.

Manœuvre habile ! Il l'invitait dans un restaurant en sachant très bien qu'elle n'en avait pas les moyens, payait pour elle et, de ce fait, l'obligeait à avoir une dette envers lui... Non ! Elle devait arrêter de penser comme ça. Il faisait juste ça par gentillesse. Oui, c'est vrai. Il était gentil, c'est tout ! Très gentil... Trop gentil. Ça cachait quelque chose... La tête embrouillée, Syara commençait à maudire la paranoïa qui s'insinuait en elle.

— Je te rembourserai dès que j'aurai récupéré mes affaires, rétorqua-t-elle pour s'assurer de ne rien lui devoir.

— Pas la peine...

Ha ! Maintenant c'était sûr, il cachait quelque chose !

— Vois ça comme un cadeau de bienvenu dans le monde des mages ! Commande ce que tu veux et régales-toi !

La balance penchait plus vers la gentillesse que la manipulation, mais la jeune femme resta tout de même prudente. Après tout, elle ne le connaissait que depuis quelques heures. Elle ne commanda donc qu'un plat et un dessert.

Après seulement quelques minutes, qui parut être une éternité pour Syara, leurs deux assiettes arrivèrent en même temps. Voir toute cette nourriture lui passer sous le nez lui avait donné une faim de loup ! La beast attaqua donc son « steak saignant à la sauce maison, accompagné de ses petits légumes » dès que le serveur l'eut posé devant elle.

Un régale ! Le goût était aussi bon que l'assiette était belle. Telak semblait amusé de voir sa nouvelle protégée engloutir tout ce qui se trouvait à sa portée, oubliant presque de mâcher à certains moments.

— Quoi ? demanda Syara lorsqu'elle s'aperçut qu'il ne mangeait presque pas et la regardait.

— Sans indiscrétion, de quel animal descends-tu ?

— Du loup, pourquoi ?

— Non rien...

— Pourquoi ? Insista-t-elle.

— Pour rien, sourit-il.

Tout compte fait, elle s'était peut-être jetée un peu trop vite sur son assiette. Avec un peu plus de contenance, la beast finit son repas et attendit dehors que le démon paye l'addition. Ce déjeuner s'était mieux passé que ce qu'elle pensait. Mise à part lorsqu'il avait demandé des précisions sur ses origines, les conversations avaient été agréable et leur avait permis de mieux se connaître.

Telak avait le rire facile et enchaînait les phrases légères, mais il était aussi très sensible et se rendait tout de suite compte lorsqu'il allait trop loin. Attentionné, il avait passé un long moment à lui donner des conseils pour survivre dans cette ville. En fin de compte, elle l'aimait bien, ce gars tout rouge avec des ailes dans le dos.

Le démon sortit et arbora son plus joli sourire, toutes dents pointues dehors.

— Où est-ce qu'on va maintenant ? s'enquit Syara.

— Dans un endroit merveilleux, le plus beau que tu n'aies jamais vu de toute ta vie !

— Si tu me dis ton lit, je t'arrache la langue en passant par le nez. Avertit-elle.

— Je n'oserai jamais enfin ! se défendit-il, faussement outré.

— Alors où ?

— Je t'emmène à ton nouveau chez-toi !

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant