Chapitre 155 : La vengeance de la beast

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 Le plus discrètement possible, Syara ouvrit la porte de la chambre ou dormait Elyazra et y pénétra sur la pointe des pieds, suivi par Guard. La pièce était totalement plongée dans l'obscurité et la demi-dragonne dormait à poings fermés sur le lit, l'heure de la vengeance était arrivée.

La beast logea le violon qu'elle utilisait avant de devenir mage contre son cou et rapprocha l'archet des cordes. Elle avait passé une bonne partie de la nuit à imaginer ce qu'elle pourrait lui faire subir et s'était souvenue qu'une des choses les plus désagréables qu'elle connaissait était sans doute le son de cet instrument lorsqu'il n'était pas du tout maîtrisé.

— Et trois, quatre, chuchota-t-elle avec un large sourire.

Auprès d'elle, le satyre se retenait de rire. Il était impatient de voir ce spectacle, mais avait aussi peur qu'Elyazra le prenne très mal et ne mette le feu à l'appartement. Syara n'avait pas du tout pensé à ça et débuta sa « complainte de l'ivrogne ». L'archet crissa sur les cordes dans une cacophonie à en faire saigner les oreilles. Ce bruit était presque insupportable pour Syara, mais les gémissements plaintifs de sa colocataire compensaient largement ce petit désagrément.

Le morceau, si l'on pouvait l'appeler ainsi, dura un peu plus de deux minutes. Elyazra avait enfoui sa tête sous son oreiller dans l'espoir d'échapper à ce supplice, mais au vu de ses grognements, elle entendait toujours ce son désagréable.

— Phase deux, à toi Guard.

— Avec plaisir.

Dans ses mains, le satyre tenait deux cymbales qu'il rapprocha l'une de l'autre. Le bruit produit par ce nouvel instrument provoqua un léger cri chez la demi-dragonne qui sursauta dans le lit et se releva d'un bond.

— Laissez-moi tranquille, se plaignit-elle en retombant sur le dos.

— C'est vrai, on y est peut-être allé un peu fort... répondit Syara. On te laisse dormir maintenant.

Avec un air surpris, Guard fixa la beast. Elle avait promis une vengeance digne de ce nom, alors savoir qu'elle abandonnait déjà l'étonnait. Cependant, la beast n'en avait pas fini avec elle. Juste avant de sortir, elle se dirigea vers la fenêtre et tira l'épais rideau. La lumière s'engouffra dans la chambre et provoqua de nouveaux râles chez Elyazra.

— Allez, repose-toi bien, rit la violoniste.

Comme un petit animal effrayé qui voudrait rentrer dans son terrier, la demi-dragonne chercha à tâtons le bord de la couette. Lorsqu'elle le trouva enfin, elle rampa sous le regard amusé de Syara qui était restée sur le pas de la porte et se cacha dessous pour échapper à la lumière. La beast referma alors la porte et se retrouva nez à nez avec le satyre.

— C'est tout ? Je pensais que tu allais la harceler jusqu'à ce qu'elle se lève.

— Elle se lèvera tôt ou tard, pas besoin de se précipiter, répondit-elle avec un large sourire sadique. Allons d'abord déjeuner.

Pendant que le satyre et la beast s'attelaient à préparer la table pour déjeuner, Phi, depuis son lit de coton posé sur une étagère, s'étira et bailla avant d'aller les rejoindre.

— Bonjour Phi. J'espère qu'on ne t'a pas trop dérangée.

D'un signe de tête, elle signifia que non et se rendit vers une tranche de brioche d'où elle prit un morceau de la taille d'une miette. Syara n'avait pas pensé à ça avant, mais sans Rael, la fée ne pouvait pas communiquer clairement avec eux.

— Il va falloir que j'apprenne le sort de Rael pour que tu puisses parler avec nous, dit-elle en regardant Phi engloutir sa miette en une bouchée.

— Prends ton temps, conseilla Guard. On se trouverait bête si tu venais à t'étouffer.

La miette de brioche gonflant ses joues, Phi regarda le satyre avec de grands yeux, puis prit son temps pour bien mâcher avant d'en reprendre une, cette fois-ci plus petite. Amusée, Syara regarda la fée se régaler tout en mangeant elle-même des tartines de confiture. Une fois qu'elle eut terminé, la beast partit dans la salle de bain sans dire un mot. Elle n'y resta cependant pas très longtemps et ressortit presque immédiatement avec un seau à la main.

— Tu ne vas quand même pas...

— Je vais me gêner tiens ! répondit-elle en ouvrant la porte de la chambre.

Toujours dans le lit, Elyazra avait réussi à se rendormir. Seule sa tête dépassait de la couette. Sans hésiter, Syara jeta le contenu du seau sur la demi-dragonne qui, cette fois-ci, ne gémit pas, mais hurla.

— Maintenant tu te lèves ! ordonna Syara avant de refermer la porte.

— Il y avait quoi dans le seau ? s'inquiéta Guard.

— De l'eau glacée.

— Tu es diabolique, souffla le Satyre.

— Elle l'avait cherché.

Fixant tour à tour ses deux amis, Phi ne comprenait pas ce qui se passait. Elle se souvenait avoir été réveillée pendant la nuit, mais ne gardait aucun souvenir de ce qui s'était passé précisément. Avant qu'elle n'obtienne une quelconque réponse, Elyazra sortit de la chambre, la tête trempée et un regard noir vissé sur Syara.

— Ça, tu me le paieras, grogna-t-elle en soufflant sur l'une de ses mèches qui lui tombait devant les yeux.

— Ça t'apprendra. On ne m'embrasse pas sans mon autorisation.

— Mais j'étais bourrée ! s'exclama-t-elle pour toute justification.

— Tu as aussi pris toute la place dans le lit, ce qui m'a forcée à aller dormir dans la baignoire.

— Mais j'étais bourrée ! s'entêta-t-elle.

— Et tu as failli faire du mal à Phi.

— Mais j'étais... Ho ! Pardon, s'excusa la demi-dragonne.

— Aller, prépare-toi, aujourd'hui on sort.

— Pour aller où ?

— À l'orphelinat.

— Quoi ? Non, je ne veux pas. Il y aura des enfants !

— Oui... C'est un peu le principe d'un orphelinat, souffla Syara. Pourquoi ? Tu n'aimes pas les enfants ?

— Si, mais ils ont une voix aiguë et ils crient tout le temps. J'ai la tête totalement retournée et j'ai besoin de repos.

— J'en suis parfaitement consciente, mais tu vas m'accompagner quand même. Ça fait partie de ta punition. Tu as le choix entre ça et assister à la première leçon de violon de Guard.

— Je viens, je viens !

Même si elle avait eut certains éléments de réponse à sa question, Phi ne comprenait pas vraiment ce qui se passait. Cependant, elle ne regrettait pas d'avoir laissé sa couronne de côté pour être avec eux. Se trouver auprès de ses amis était bien plus amusant que de diriger un royaume. En tout cas, si Elyazra n'était pas vraiment contente d'aller à l'orphelinat, la fée, elle, était impatiente de voir cet endroit.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant