Chapitre 166 : Forêt hantée ?

1.4K 203 49
                                    

 Cela faisait à présent deux jours que le mage et le dragon arpentaient les terres désolées recouvertes de cendres. S'ils avaient pensé que retrouver le cristal géant qu'ils étaient venus chercher allait être rapide, ils s'étaient lourdement trompé. En examinant plus attentivement les liens qu'il y avait entre les cristaux, ils avaient fini par remarquer que l'énergie était en réalité un flux. De ce fait, il s'écoulait de cristaux en cristaux.

Seulement, ce mouvement était tellement discret que même Shay avait du mal à le discerner en y prêtant toute son attention. De ce fait, il était impossible pour lui de remonter le courant d'énergie jusqu'à la source tout en se déplaçant rapidement. Le vol était donc exclu de leurs options.

Tous les cristaux qu'ils avaient trouvés jusque-là étaient tous plus ou moins de la même taille et leur plus grosse découverte était aussi longue et large que leur index. Celui-ci renfermait certes beaucoup plus d'énergie que les autres, mais ils étaient encore bien loin de l'objet de leur quête et sa taille estimée à deux mètres.

Alors que la lumière s'atténuait peu à peu à mesure que l'astre solaire se couchait au-dessus de la couche de nuages, ils sentirent enfin que ce qu'ils cherchaient n'était plus très loin. Le flux, si difficile à percevoir, était bien plus intense et les cristaux qu'ils déterraient étaient tellement gorgés d'énergie qu'ils vibraient en émettant un léger tintement cristallin.

— On continue ou tu veux t'arrêter pour la nuit ? demanda Shay.

— Je ne savais pas que les dragons fatiguaient si vite, railla Fos. Tu t'es ramolli depuis la fin de la guerre. C'est comme tu veux, mais me concernant, tu connais déjà mon avis.

— Comment un humain peut faire pour ne dormir que deux heures par nuit ?

— Je me rattrape quand je retourne chez moi et j'hiberne pendant un mois, répondit-il en riant.

La discussion sur le fait de s'arrêter ou non étant close, le dragon et le mage continuèrent leur route. Plus ils avançaient, plus ils sentaient qu'ils approchaient du but. Alors que la nuit était totalement tombée, leurs pas les menèrent à une forêt. N'ayant pas la nyctalopie des dragons, Fos invoqua son violon de cristal qui se mit à briller et à éclairer les environs d'une douce lumière bleutée.

Devant lui, les arbres étaient noircis et dépourvus de feuilles. Rien qu'en posant sa main sur le tronc de l'un d'eux, il réussit à décrocher un gros bot d'écorce. Si ces arbres tenaient encore debout, ce devait être uniquement parce qu'aucun vent ne soufflait sur ces terres. Pour être certain qu'ils ne courraient aucun risque, le mage jeta un œil à un appareil attaché à sa ceinture. Ce boîtier pourvu d'un cadran et d'une aiguille était l'un des rares objets dont personne ne pouvait se passer lorsqu'ils étaient en terrain inconnu. Même les technophobe le toléraient.

Celui-ci n'était, après tout, qu'un appareil de mesure pour savoir si le taux de radiation était acceptable où non. Lorsque l'endroit était dangereux, l'aiguille s'affolait et l'appareil émettait d'étranges crépitements. Ici, elle était proche du zéro, bien loin de la limite qu'il ne fallait pas dépasser. Ils ne courraient donc aucun risque en pénétrant dans cette forêt, de ce côté-là du moins.

Alors qu'ils s'enfonçaient dans le bois, guidés par les flux d'énergie qui convergeaient vers le cœur de la forêt, les innombrables branches tombées craquaient sous leurs pieds. Ce bruit sinistre semblable à de vieux os que l'on casse ajoutait à ce bois des airs de forêt hantée et maléfique.

— Il ne manque plus que les ronces et les hurlements de loup, souffla Fos.

— Tu m'as parlé ? questionna le dragon qui, lui, était occupé à pister les flux d'énergie.

— Non, rien. Avant les guerres et la venue des autres races, les humains étaient friands d'histoires qui avaient pour but de faire peur. Je me disais juste que ce genre d'endroit aurait été parfait comme base pour inventer ce genre d'histoire.

— Et que font les loups hurlements de loup dans cette histoire ?

— Disons que, pendant très longtemps, cet animal était considéré comme malveillant. Son hurlement effrayait les gens et il arrivait parfois que des animaux d'un troupeau soient tués. Il n'a pas fallu attendre bien longtemps avant que des histoires de loups mangeurs d'homme apparaissent.

— Et toi, tu avais peur des loups ?

— Pas vraiment. Les seuls que j'ai vus étaient dans des parcs, je ne craignais pas grand-chose. Je trouve cet animal bien plus fascinant qu'effrayant, même si à l'époque, je n'aurais pas fait le fier si je m'étais retrouvé entouré d'une meute à l'état sauvage.

— Devant un cerbère, je ne dis pas... Mais un loup...

— Facile à dire quand on est en réalité un lézard de trente mètre de haut et qu'on crache du feu. Nous par contre, nous n'avions pas de créature aussi terrifiante avant l'ouverture du portail. Pour nous, un chien géant à trois têtes n'existait que dans les histoires ou dans des religions qui avaient disparu depuis longtemps.

— Les hommes craignent ce genre d'animal qui n'a presque jamais tué leurs semblables, mais se complaisent et se baignent dans leur bêtise qui fait bien plus de victimes.

— Sur ce point-là, il n'y a qu'à jeter un œil autour de nous pour se rendre compte que tu dis vrai. S'ils ne s'étaient pas entêtés à croire que les autres races ne nous envahissaient pas, mais se réfugiaient sur notre monde parce que nous avions tué le leur, cette forêt serait encore luxuriante, les plaines recouvertes de cendres que nous avons traversées seraient recouvertes d'herbe grasse et le ciel serait bleu le jour et constellé d'étoiles la nuit... Déjà avant tout ça, nous étions en train de tuer notre planète pour satisfaire notre confort. J'espère juste que l'énergie qui a été volée de l'autre monde aura été utile et qu'elle finira par guérir.

— Que veux-tu dire par là ?

— Transfuser le sang d'un vivant à un malade peut aider à la guérison, mais le faire sur un cadavre n'a jamais ramené qui que ce soit à la vie.

— Ne t'en fais pas, ce monde est encore vivant. Il est faible, mais finira par guérir et...

Avant qu'il n'ait fini sa phrase, Fos se frappa rapidement la nuque, puis regarda l'intérieur de sa main.

— Un problème ?

— Je viens de me faire piquer.

À peine avait-il dit cela que Shay eut exactement le même réflexe que lui en sentant quelque chose lui piquer la nuque.

— Dis-moi une chose. Dans ces terres sans verdures et sans animaux, comment un insecte comme un moustique pourrait survivre ? s'inquiéta le mage.

Avant qu'il ne puisse répondre à sa question, le dragon sentit ses membres s'engourdir et sa vue se troubler. Ses oreilles se mirent à bourdonner et il vit son ami s'écrouler par terre. Malgré sa constitution et sa volonté, le dragon se sentit partir lui aussi et ne tarda pas à rejoindre Fos dans l'inconscience.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant