Suite à sa chanson, Syara observa pendant un temps le public qui avait écouté sa chanson. Si certains avaient trouvés les paroles obscures, ceux qui, comme elle, avaient passé avec succès l'épreuve du coffre de cristal savaient très bien de quoi elle parlait. Après avoir salué quelques instants les personnes qui applaudissaient, tous trois retournèrent s'asseoir à leur table.
— Tu es sûre de ne jamais avoir touché à un piano ? Demanda Syara après avoir bu quelques gorgées pour se rafraîchir.
— Absolument sûre. Je n'avais jamais touché d'instrument de ma vie. Mais pourquoi cette question ?
— Pourquoi cette question ? répéta la beast, incrédule. Parce qu'il m'a fallu des années pour atteindre le niveau dont tu as fait preuve à l'instant !
— Ha bon ? Mais Guard a aussi très bien joué et pourtant il n'est pas musicien.
— Même si j'ai perdu une grande partie de mon passé, je crois que je jouais de la musique et que mon corps se souvient de comment faire.
— Quant à toi, il va falloir que tu m'expliques les paroles de ta chanson. J'ai l'impression que tu parles de toi dedans, mais je n'ai pas bien saisi la fin.
— Même si je t'expliquais, tu ne comprendrais pas.
— Va-y, essai quand même.
— Non, je t'assure...
— Essai ! insista Elyazra.
— Très bien, souffla la violoniste. Pour devenir mage, tu dois passer une sorte d'épreuve qui consiste à plonger sa main dans un coffre en cristal. Si tu y ressors un instrument, tu as réussi, si tu ne sors rien, toute trace de l'épreuve, qu'ils appellent la cérémonie, est effacée de ta mémoire. L'un de mes amis a échoué et la chanson parle de lui.
— Pardon ? Désolé, mais tu viens de parler quelle langue là ?
Comme Syara s'y attendait, Elyazra ne pouvait pas entendre quoi que se soit concernant le coffre de cristal vu qu'elle n'était pas mage. Et au vu de la tête étrange que tirait le satyre, ce devait en être de même pour lui. Dans le passé qu'il avait perdu, Guard n'était certainement pas un mage.
— Dès que je parle de cet événement, ceux qui n'ont pas vécu la même chose ne peuvent pas comprendre.
Même si la chasseresse avait du mal à comprendre ça, elle n'insista pas et préféra se resservir une bière. Ils restèrent ainsi à parler pendant toute la soirée dans le bar, enchaînant bières sur bières sans se soucier de la note qui gonflait. Seul Guard avait été raisonnable et s'était arrêté à deux.
Au final, Syara était contente d'avoir fait cette rencontre. Elle s'était faite une nouvelle amie qui, à mesure que le temps passait, se trouvait avoir la même manière de penser qu'elle. Ça n'est qu'à la fermeture du bar que la beast proposa à ses deux compagnons de beuverie de passer la nuit chez elle.
Fortement alcoolisée, elle ne retrouva cependant pas tout de suite le bon chemin et mit trois fois plus de temps que la normale pour se retrouver devant son immeuble.
— Et voila... s'exclama-t-elle en ouvrant la porte. Par contre... Il n'y a qu'un canapé et...
Avant qu'elle n'ait fini sa phrase, Elyazra tituba vers la chambre et s'affala sur le lit.
— Non, gémit la beast. C'est mon lit hips... Ça !
La chasseresse était étalée de tout son long en travers du lit et s'était endormie en posant la tête sur l'oreiller. Syara, dans un effort aussi hasardeux que son taux d'alcoolémie était haut, réussit à pousser la duelliste pour se faire une petite place et se coucha à son tour.
Guard, amusé par cette scène, ferma la porte entre la chambre et le salon et s'installa sur le petit canapé pour trouver lui aussi le sommeil.
En milieu d'après-midi, Syara se réveilla enfin. Elle tenta de se relever dans son lit, mais abandonna vite cette idée et retomba lourdement sur son oreiller en poussant un gémissement plaintif.
— Ho ma tête, grogna-t-elle, une main sur ses yeux pour cacher toute lumière.
Cela faisait bien longtemps qu'elle ne s'était pas prise une cuite pareil et tout son corps la faisait souffrir. Guard, en l'entendant, ouvrit la porte de la chambre et s'approcha du lit, un verre à la main.
— Tu te souviens de ce qui s'est passé ou je dois te rafraîchir la mémoire pour éviter que tu me frappes ? Plaisanta-t-il à voix basse.
— Même si je ne me souvenais de rien, je ne suis pas en état de te botter le cul pour l'instant.
— Bien, alors bois ça, rétorqua-t-il avec un sourire tout en lui tendant le verre.
— Un remède contre la gueule de bois ?
— En quelque sorte. Personnellement, j'appelle ça de l'eau.
— J'aurai préféré quelque chose de plus efficace, mais je m'en contenterai, merci.
Un peu plus éveillée, la beast s'assit dans son lit et prit le verre que le satyre lui tendait. Au même instant, Elyazra se réveilla à son tour et s'étira longuement avant de regarder ses deux nouveaux amis.
— C'était marrant hier. On remet ça quand ?
— Pas avant trois mois, rétorqua la mage.
— Et de toute façon, ta bourse ne supportera pas d'autres sorties de ce genre, compléta Guard.
— Comment ça ?
— Tu étais trop soûle pour payer alors je l'ai fait à ta place, mais avec ton argent.
— Quoi ! s'écria la chasseresse.
— Haaaa, ne criez pas, ma tête va exploser.
— Tu as dit que c'est toi qui invitais, se défendit-il. En plus, je n'avais rien sur moi et je n'allais pas voler la bourse de Syara.
— Et tu as préféré voler la mienne ! On s'en est tiré pour combien ?
— Cinq-cent pièces, grimaça-t-il.
— Et sa fait beaucoup ? Je ne connais pas vraiment la valeur de l'argent.
— En comparaison, je dirais que le loyer de cet appartement doit tourner autour des sept-cent...
— Quoi ?! Tu m'as laissée dépenser autant ?!
À bout, Syara prit son oreiller et frappa à tour de rôle Guard et Elyazra avec.
— Sortez de ma chambre ! hurla-t-elle.
N'en ayant pas fini avec son compagnon de route, la duelliste se faufila hors du lit et suivit le satyre à l'extérieur. Ce dernier prit soin de fermer la porte, mais cela n'empêcha pas la beast de les entendre comme si elle se trouvait à côté d'eux.
Regrettant son choix de les avoir invités chez elle, la jeune femme prit l'un de ses oreillers et le plaqua sur sa tête pour ne plus les entendre. L'isolation qu'il offrait n'était pas terrible, mais cela lui permit au moins de se rendormir pour se soustraire à sa gueule de bois et au bruit qui l'entourait.
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Le violon de cristal: les partitions perdues
FantasyDans un monde où musique est synonyme de magie, où presque toute forme de technologie à disparue, où les humains ne sont plus les seuls êtres pensants de la planète depuis bien longtemps et où la terre, ravagée par les guerres, se remet peu à peu, v...