Chapitre 46: retour à l'auberge de la forêt

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À l'aube, la caravane sortit du renfoncement qui l'avait accueilli pour une nuit. Leur sommeil troublé par la fraîcheur de la forêt, les enfants, bien qu'épuisés par le voyage, avaient plutôt mal dormis, si bien que leur vitesse de progression en fut ralentie. Cela ne dérangeait pas Syara pour autant qui avait du mal à bien tenir les rennes de sa monture avec ses mains bandées.

Heureusement pour eux, aucun obstacle ne vint se mettre en travers de leur route. La nuit commençait tout juste à tomber lorsqu'ils arrivèrent enfin près de l'auberge installée sur le chemin, juste à l'extérieur de la forêt. Celle-ci était totalement entourée de charrettes et l'intérieur semblait bien animé.

Une fois de plus, le grand-père aida les enfants à mettre pied à terre pendant que Syara et Telak entraient dans l'établissement. L'ambiance contrastait radicalement avec ce qu'ils avaient connu à l'aller. Toutes les tables étaient occupées, les gens riaient et parlaient fort, heureux d'enfin pouvoir rentrer chez eux.

Lorsqu'il aperçut les deux mages, le patron s'empressa de poser son plateau et vint les saluer comme de vieux amis.

— Alors ? De retour de mission ? Un franc succès d'après ce que j'ai entendu ! Il va falloir que vous me racontiez ça !

La beast ne répondit pas et préféra détourner le regard. Elle ne considérait pas le sauvetage de la ville comme une réussite, mais plutôt comme une preuve de son égoïsme qui avait coûté la vie à plusieurs dizaines de personnes.

— À vrai dire, nous sommes encore en mission, et nous avons un service à vous demander.

— Dites toujours, rétorqua-t-il avec son sourire habituel caché par sa barbe.

— Il y a un peu trop de monde ici, pouvons-nous aller dans un endroit moins bruyant ?

— Bien sûr, suivez-moi.

Syara allait pour lui emboîter le pas, cependant, Telak la retint par l'épaule.

— Tu devrais aller dehors pour voir si tout se passe bien.

Ça n'était pas un ordre ou, tout du moins, l'intonation de sa voix n'en donnait pas l'impression. Pourtant, la violoniste avait l'impression qu'elle n'avait d'autre choix que de lui obéir. Après tout, à part paraître misérable et se taire pendant qu'il expliquait la situation, elle n'allait pas être d'une grande utilité.

La jeune femme ressortit donc de l'auberge et trouva de quoi s'occuper en faisant en sorte que leurs charrettes ne gêne pas le passage. Une fois qu'elle eut fini, elle se rendit compte que le nain se trouvait à l'entrée de son établissement et arborait une mine gênée.

— Je... Je n'aurai jamais assez de place pour tout le monde, balbutia-t-il. J'affiche déjà complet et je me demandais comment faire pour vous héberger vous, alors là...

— Excusez-nous d'arriver aussi nombreux à l'improviste, commença le vieil homme.

— Telak m'a tout raconté. Vous n'avez pas à vous excuser après ce qui vous est arrivé. J'aimerais vous aider, de tout mon cœur, mais rien que la salle principale est totalement pleine. Je n'ai pas la place pour vous accueillir. J'ai cependant assez de stock pour vous faire à manger. Laissez-moi vous offrir un bon repas, c'est tout ce que je peux faire.

— Donc ça n'est qu'une question de place, réfléchit le démon.

— En effet, et vous m'en voyez navré.

Sans dire un mot, le bassiste invoqua son instrument et commença une complainte lente et grave qui, par moment, montait crescendo et accélérait. En un instant, l'un des murs latéral de l'auberge vola en éclats sous les cris de stupeur et d'effroi des voyageurs qui se trouvaient à l'intérieur.

— Mais que faites-vous ? Vous êtes fou ! hurla l'aubergiste.

— Un peu de patience, dit calmement le démon sans perdre sa concentration. Je ne compte pas réduire votre établissement en un tas de gravas. Je règle votre problème de place.

À peine avait-il fini ses maigres explications qu'une dalle de pierre parfaitement lisse sortit de la terre et remonta jusqu'à arriver au niveau du sol de l'auberge. Quelques notes plus tard, se fut au tour des murs d'apparaître et de se caler parfaitement avec ce qui avait déjà été construit.

— Il va falloir que je passe à l'intérieur pour faire le toit et l'étage, annonça le démon, à bout de souffle.

— Vous... Vous avez doublé la taille de mon auberge, constata le patron avec la mâchoire décrochée. T...T... Tournée générale !

Le nain hurla cette phrase plusieurs fois en courant partout dans son établissement avant de revenir vers les deux mages et le groupe d'enfant réfugier.

— Il va falloir que j'achète du nouveau mobilier, dit-il. À moins que vous puissiez en créer aussi.

— Désolé, mais mes compétences s'arrêtent ici. Je pense que Syara en sera capable un jour, mais elle manque encore un peu d'expérience et risquerai de nous faire tomber le toit sur la tête.

La beast, juste à côté de lui, ne releva même pas la pique qu'il venait de lui lancer. Il n'en fallut pas plus à l'aubergiste pour comprendre que quelque chose n'allait pas avec elle. Il se promit d'avoir une discussion avec la violoniste, puis invita tout le monde à entrer et à s'installer comme il le pouvaient dans cette nouvelle salle.

Le démon entra en premier, instrument à la main, et façonna en vitesse une dalle pour refermer le haut de l'habitacle. Pendant qu'il œuvrait à ses travaux de maçonnerie, le nain se planta devant la jeune femme et la regarda droit dans les yeux.

— Ce sont de bien vilains bandages que vous avez là, remarqua-t-il.

Suite à ces paroles, Syara cacha ses mains en toute hâte derrière son dos et détourna de nouveau le regard.

— Où est passé la jeune mage explosive qui était venue dans mon établissement en hurlant sans se soucier du monde qui se trouvait autour ? Où est passée cette personne qui disait ouvertement ce qu'elle pensait et qui défiait du regard quiconque la contredisait ? Où est cette femme qui promettait mille tourments à ceux qui se moquaient gentiment d'elle ?

— Elle a disparu en même temps que les parents de ses enfants, rétorqua-t-elle avant de sortir.

— Je n'en crois pas un mot ! Hurla l'aubergiste, juste avant qu'elle ne passe la porte. Tu es bien assez forte pour surmonter ça. Il faut juste que tu aies envie de le surmonter...

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant