Chapitre 48 : Le rêve

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Les yeux clos, Syara sentait que quelque chose d'étrange lui arrivait. Malgré son ouïe fine, aucun son ne lui parvenait et elle avait l'impression de ne plus sentir l'air autour d'elle. Comme si la délimitation entre son corps et ce qui l'entourait n'existait plus. Elle se sentait flotter dans cet étrange atmosphère. Non. Au fond d'elle, la jeune femme savait qu'elle était en train de chuter comme le ferait une plume au gré du vent.

Les secondes passèrent et, enfin, son pied toucha la terre ferme. Là, la beast s'autorisa enfin à ouvrir les yeux. Tout ce qui se trouvait autour n'était que du bleu cristallin à perte de vue. Le ciel était parsemé d'étranges runes familières alors que le sol, lui, était recouvert de magnifiques arabesques légèrement plus pales que le reste de ce monde étrange.

Syara comprit de suite ce qui lui arrivait. Elle rêvait et, dans ce rêve, le décor n'était autre que son violon. Afin de s'assurer de cela, la violoniste toucha la surface lisse sur laquelle elle marchait. La sensation était belle et bien la même que lorsqu'elle se saisissait de son instrument. La seconde chose qui la confortait dans cette idée de rêve était ses mains dénuées de bandages et parfaitement soignées.

Même si cet endroit n'était que le fruit de son imagination, la jeune femme sentait qu'elle devait y faire quelque chose. Pourtant, elle avait beau regarder tout autour d'elle, rien ne dépassait ni ne donnait d'indication sur la marche suivre ou la direction à prendre. La beast se releva donc et partit, totalement au hasard, dans ce désert de cristal.

Le son de ses bottes résonnait à chacun de ses pas et se répercutait en un millier d'échos dans cette plaine monochrome.

Alors qu'elle marchait déjà depuis un long moment, un étrange vrombissement la fit se retourner. Un miroir sans bord était apparu là où elle s'était tenue quelques secondes avant. Son reflet tenait dans sa main gauche le violon de cristal et, dans sa main droite, l'archet au crin transparent. En reportant son regard sur ses propres mains, Syara vit qu'elle tenait effectivement l'instrument en main. Elle ne s'était même pas rendu compte qu'elle l'avait invoqué et encore moins qu'elle s'en était saisie. Non. C'était comme s'il était apparu au moment où elle avait décidé de regarder.

Un autre bruit bien plus faible atteignit ses oreilles aux aguets, mais elle ne s'en soucia pas. Elle avait enfin trouvé quelque chose sur cette étendue plane et avait l'impression que cette chose disparaîtrait si elle détournait le regard.

La jeune femme commença donc à détailler chaque caractéristique de cet objet qui se tenait devant elle. Les contours étaient presque invisibles, à tel point que Syara avait l'impression de se trouver non pas devant son image, mais en face d'un clone d'elle-même. Un pas de côté lui apprit cependant que ce n'était bien qu'un miroir posé en plein milieu et non autre chose.

Mis à part cet étrange effet d'optique, il n'avait rien de spécial. Son reflet calquait parfaitement ses gestes et... Non, pas totalement. À présent qu'elle l'avait remarqué, ce détail lui sautait aux yeux. Elle avait beau sourire, le visage de son reflet restait désespérément tiré vers le bas et triste. Plus elle le regardait et plus il lui semblait qu'il était avachi avec les épaules tombantes.

Une nouvelle fois, un son lui parvint dans son dos. C'était une voix, mais elle n'arrivait pas à discerner ce qu'il disait. La beast, cette fois-ci, ne put pas résister et se retourna pour voir s'il y avait quelqu'un.

Personne, pas même un point à l'horizon. Était-ce son imagination qui lui jouait des tours ? Drôle d'euphémisme sachant qu'elle se trouvait déjà dans un environnement créé de toute pièce par son esprit. La jeune femme revint sur le miroir et sursauta de surprise. Son reflet arborait à présent une expression de profonde colère. Sa mâchoire était serrée, ses yeux lançaient un regard noir droit devant elle et ses poings étaient refermés sur l'instrument avec une tel force que ses phalanges en était blanchies.

Autre phénomène étrange, il ne la suivait plus du tout et restait droit comme un i. Syara se sentait mal à l'aise. Elle avait l'impression qu'il était prêt à lui sauter à la gorge. La jeune femme repensa au groupe de bandit qu'elle avait mis en fuite. Si c'était cela qu'ils avaient vu fondre sur leur chef, elle comprenait à présent pourquoi ils n'étaient pas intervenus. La peur s'était insinué en eux comme elle le faisait avec elle ici.

— A...

Encore cette voix. Mais d'où venait-elle ? Qui essayait de lui parler ? Il n'y avait pourtant personne ici. Personne à part elle et son refl... Une nouvelle fois, son image avait changé et l'avait surprise. La colère s'était transformée en rage. Ses pupilles arboraient une teinte rouge sang alors que le blanc de ses yeux était passé au noir, comme s'ils provenaient d'un démon. Son violon, lui aussi, n'était plus le même. Si de celui qu'elle tenait en main émanait une douce lueur bleutée réconfortante, celui de son reflet, lui, semblait absorber la lumière autour de lui pour la restituer aux runes écarlates.

Le miroir en lui-même semblait différent. Ses bords étaient encore plus fins à tel point qu'il donnait le sentiment que... Pour s'en assurer, Syara approcha lentement sa main de la surface vitrée. Le reflet lui jeta un regard encore plus noir et, avant que la violoniste ne puisse réagir, lui donna un coup d'archet sur le dos de la main. Le crin n'avait fait qu'effleurer sa peau, pourtant, du sang perlait et s'écrasait au sol. Avec un léger cri de douleur, la beast recula de quelques pas et examina la plaie.

De cette coupure, Syara en déduisit plusieurs choses. Premièrement, l'archet était aussi coupant qu'une lame de rasoir, deuxièmement, ça n'était pas son reflet mais un double qui se trouvait devant elle et, troisièmement, même si c'était un rêve, la douleur était bien présente.

— Attention ! hurla la voix qui avait désespérément tenté de la prévenir.

Trop tard. Le double saisit la beast à la gorge et la souleva du sol. Syara se débattait, donnait des coups de pied où elle pouvait, serrait les mains de son agresseur pour lui faire lâcher prise. Il n'y avait rien à faire. Plus elle se débattait et plus elle s'épuisait. La violoniste suffoquait, tous ses muscles la brûlaient alors qu'elle commençait à faiblir.

Elle se sentait partir, mais, put respirer de nouveau au dernier moment alors que son adversaire la projetait au loin. Le répit et la sensation de libération furent cependant de très courte durée. La beast s'écrasa violemment au sol et roula sur plusieurs mètres avant de se stabiliser. Alors qu'elle tentait de reprendre autant sa respiration que ses esprits, la voix inconnue raisonnait dans sa tête.

— Fuis !

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant