Chapitre 53 : La chasse (??????)

2.1K 296 52
                                    

Au nord de la chaîne d'Hara, entre les montagnes et l'océan, la forêt d'Oclat s'étendait d'ouest en est. Les températures agréables, la terre fertile et la brise de la mer rendaient l'endroit verdoyant et propice à une faune et une flore variée et prospère.

À la lisière sud, au pied des montagnes, une biche se délectait de quelques bourgeons au sol, sans se soucier de ce qui l'entourait. Il n'y avait, de toute façon, que très peu de prédateurs ici. Cette forêt était définitivement un vrai paradis pour les herbivores.

Alors qu'elle mâchait une nouvelle plante, un bruit de branche craquée résonna dans les bois. Ça n'était son doute rien, mais elle releva tout de même la tête pour voir d'où venait ce bruit. Un autre craquement se fit entendre, juste au-dessus d'elle. Ça n'était pas un oiseau vu le bruit. Un écureuil ? Non plus, cette chose était bien trop grosse.

Inquiète, la biche préféra s'enfuir pour ne courir aucun risque. Cette intuition lui sauva cependant la vie. Sortant des branches où il s'était caché, un homme plongea, lames en avant, à l'endroit exact ou elle s'était tenue une seconde avant. L'assaillant faucha l'air devant lui et retomba avec une agilité hors du commun sur ses pieds.

Paniquée, la biche s'enfuit à tout allure à travers cette forêt qui l'avait vu grandir. Le chasseur à ses trousses, elle slaloma entre les arbres dans l'espoir de poursuivre son assaillant qui, malheureusement, semblait tout aussi à l'aise qu'elle dans les bois.

Comment était-ce possible ? Elle courait aussi vite qu'elle pouvait. Elle courait pour sa vie ! Et pourtant, il arrivait parfaitement à la suivre. Pire, il gagnait peu à peu du terrain. Il fallait qu'elle fasse quelque chose, qu'elle trouve un moyen de le semer, mais comment ?

Entre deux arbres, elle aperçut son salut. Le fond d'un ravin étroit. Si elle y tournait au dernier moment, il n'aurait pas le temps de réagir et continuerai tout droit. Ces quelques secondes lui permettraient de prendre n'importe quel chemin ensuite et de le semer pour se cacher dans un endroit sûr.

L'entrée approchait, elle y était presque. Encore quelques mètres et... maintenant ! La biche effectua un virage en angle droit à une telle vitesse que son arrière-train dérapa. Elle se rétablit en un rien de temps et continua sa course. Comme elle s'y attendait, le chasseur n'avait pas anticipé cette action et ne l'avait pas tout de suite suivi dans le passage. Elle était sortie d'affaire, sa vie ne s'achèverait pas aujourd'hui !

La biche bifurqua à droite, puis à gauche pour perdre le chasseur. Il n'arriverait pas à la retrouver dans ce dédale. Malheureusement, la bête était tellement focalisée sur cet assaillant qu'elle ne vit pas l'étrange brouillard noir devant elle. De cette fumée émergea quelque chose, cependant, elle ne vit jamais de quoi il s'agissait et mourut dès qu'elle fut à portée de la chose.

Peu de temps après, l'homme arriva en courant et ne put que contempler son échec.

— Ça fait vingt-deux à dix-neuf, annonça la jeune femme aux cheveux noir de jais, aux yeux de la couleur de l'ambre et à la pupille fendue qui nettoyait sa lame dans l'herbe fraîche.

— Celle-ci ne compte pas, affirma l'homme en remettant en place l'une de ses mèches blondes qui pendait juste au-dessus de ses yeux bleus azurs qui arboraient les mêmes pupilles que la femme.

— Et de quel droit ?

— Tu as triché ! accusa-t-il.

— pardon ? S'offusqua la chasseresse. Tu es de mauvaise foi, c'est tout.

— Si on enlève tous les points où tu as triché, nous en sommes à dix-neuf pour moi et seulement quinze pour toi.

— Dans tes rêves.

— Depuis le début, on ne compte un point que si aucune magie n'a été utilisée. Et ne me ment pas, je sens encore les résidus de ta téléportation !

— N'importe quoi, tu viens juste d'inventer cette règle.

— Bien sûr que non ! Elle est là depuis qu'on a commencé ce stupide concours !

— Haha ! S'exclama-t-elle avec une mine triomphante. Tu viens de me donner la preuve que ce point compte bel et bien et que tu es juste mauvais perdant !

— Explique, l'invita-t-il, dubitatif.

— Tu viens juste de dire que ce concours était stupide, or, si l'on regarde le score que tu donnes, tu es en tête. Tu vois ou je veux en venir ? Tu n'es pas cohérent dans tes propos. Personne ne dirait qu'un concours est stupide alors qu'il est en train de gagner, j'ai donc raison et nous sommes à vingt-trois contre dix-neuf.

— Très bien, souffla l'homme, vaincu. Mais ca ne fait que vingt-deux pour toi, pas vingt-trois.

— Si, vingt-trois. Ta mauvaise fois m'en a octroyé un supplémentaire.

— Si seulement ce jeu valait du début à la fin de la journée et non juste pendant la chasse, je serais premier sans avoir à tuer une seule bête, marmonna-t-il.

— Tu as dit quelque chose ?

— Non, rien.

— Bien, je préfère ça. Aller, retournons à la maison, et n'oublie pas, le perdant porte le gibier !

Sans attendre une nouvelle réplique de sa part, la chasseresse rangea son arme et s'enfuit à travers les bois, laissant seul l'homme avec son fardeau.

En une vingtaine de minutes, les deux chasseurs atteignirent une clairière où se trouvait une petite chaumière en bois. Sur le pas de la porte, un homme aux cheveux blancs et à la barbe parfaitement taillée les attendait. Il avait exactement les mêmes yeux que le jeune homme et arborait une posture droite et imposante.

— Nous sommes de retour père, indiqua le blond en déposant la carcasse à ses pieds. Nous allons nous régaler ce soir.

Sans un mot, le père s'approcha du pauvre animal mort et apposa ses mains sur son crâne. Une intense lumière les éblouit tous et, un instant plus tard, l'animal se releva, sans aucune crainte.

— Je suis vraiment désolé pour ce qu'ils t'ont fait. Tu peux t'en aller à présent.

Comme si elle comprenait, la biche repartit dans la forêt et disparut entre deux buissons.

— Tien, notre dîner est en train de se carapater.

— Non mais ça va pas ? Vous vous rendez compte du mal que j'ai eu à l'attraper celle-là ? s'énerva la chasseresse.

— Du coup, ton point compte ou pas ? se moqua le jeune homme.

— Toi, la ferme !

— Du calme Elyazra. Je n'ai pas fait ça pour t'embêter, mais parce que notre temps ici est révolu.

— Quoi ? S'exclamèrent-ils en cœur.

Elle ne savait pas ce qu'il allait leur annoncer, mais Elyazra avait le pressentiment qu'elle n'allait pas du tout apprécier.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant