Chapitre 4 : Dix pourcent

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La première personne fut appelée. Toute la tribune retenait son souffle avoir que l'élève descendait lentement les marches. Alors qu'il montait sur l'estrade, l'enseignant l'invita à tenter sa chance, une main tendue vers la caisse et un sourire amical aux lèvres. Il plongea sans hésitation sa main à l'intérieur dans l'espoir de se saisir de quelque chose, le bras enfoncé jusqu'au coude.

Les secondes paraissaient des minutes alors que la panique commençait peu à peu à le gagner. Il avait beau remuer son bras dans tous les sens, rien. La caisse restait vide.

— Je suis désolé, dit le professeur d'un ton solennel.

Ce mec était schizophrène ou quoi ? Un instant, il passait pour le grand méchant avec un discours et une gestuelle digne d'un fou, celui d'après, il était la personne gentille qui réconfortait la personne qui avait échoué.

— Non, non, non ! hurla l'élève qui s'accroupit pour trouver son éventuel instrument au fond du coffre.

— Ce n'est pas une question de profondeur... Je suis désolé, répéta monsieur Vedo.

Dépité, le premier concurrent se releva et, de rage, donna un violent coup de pied dans la caisse. Un léger son aigu arriva jusqu'aux oreilles de Syara. Trop subtil pour que la plupart des races ne l'entendent, cet ultrason n'augurait rien de bon. Elle n'était cependant pas la seule à l'entendre. Les autres Beasts présents et sensibles à ses fréquences semblaient troublés. Le sifflement s'accentua d'un coup et monta vite en intensité.

— Attention ! cria-t-elle depuis le fond de l'amphithéâtre.

Trop tard, un éclair violet frappa l'élève près de la caisse et le projeta en arrière sous les cris horrifiés des tribunes. Il tomba lourdement au sol, les yeux clos. De la fumée remontait de son torse. Il ne bougeait plus.

— Ça, ça doit faire mal ! Vous êtes maintenant prévenus. Rien ne sert de s'énerver ! s'exclama le professeur.

Le fou était de retour.

— Ho, et puis ne vous en faite pas pour lui, ajouta-t-il comme-ci ce n'était qu'un détail. Il s'en remettra, la décharge n'est pas mortelle... Suivant !

Les candidats s'enchaînèrent, la boule au ventre. Dix... Vingt... Trente ! Pas un seul ne réussit à sortir un instrument. Pour l'instant, la promotion était loin des dix pourcent annoncés. La situation se débloqua cependant lorsque l'un d'eux réussit à sortir quelque chose. À peine avait-il plongé sa main qu'il l'avait retiré. Cela semblait si facile avec lui.

Syara plissa les yeux pour mieux voir l'objet qu'il tenait. De petite taille, ce n'était certainement pas un instrument à cordes. Un harmonica peut-être ? Ou une très petite flûte ? La beast s'aperçut que le nouveau propriétaire de l'objet était tout aussi interloqué qu'elle.

— Toutes mes félicitations au tout premier mage chanteur de la promotion ! Ce pendentif te permettra d'utiliser ta voix à son plein potentiel. À présent, il ne te reste plus qu'à choisir une porte !

Heureux d'avoir réussi, il suivit les directives de Monsieur Vedo et passa l'une des nombreuses portes proposées.

Les élèves s'enchaînèrent, les uns après les autres avec, cette fois, plus de réussite que précédemment. Le taux était conforme aux estimations du professeur. Environ un élève sur dix arrivait à sortir un instrument de la caisse. Le temps passait, mais pour la première fois de sa vie, cela ne dérangeait pas le moins du monde la jeune femme d'attendre, jusqu'à ce que l'un des moments fatidique n'arrive. Kuta venait de se faire appeler.

Le pauvre tremblait légèrement et commençait même à suer. Syara ne savait même pas s'il était en état de descendre jusqu'à l'estrade. Elle posa une main sur la sienne ce qui sembla le calmer un peu.

— Syara, commença-t-il, sa voix aussi tremblante que lui. Cela fait bien longtemps que j'essaie de trouver le courage de te le dire, mais là, je pense que c'est le moment ou jamais. Syara, je...

— Bon Kuta ! Hurla le professeur. Je ne sais pas toi, mais moi, je n'ai pas toute la journée ! Alors soit tu descends tout de suite, soit je te disqualifie !

Mais quel enfoiré ! Il pouvait très bien faire passer d'autres personne avant au lieu de lui donner cet ultimatum ! Résultat, son ami était encore plus stressé.

— Tu me diras ça lorsque tu auras ton instrument, sourit-elle.

Ce commentaire le rassura. Mieux, lorsqu'il descendit les marches, il semblait plus déterminé que jamais. Comme pour chaque élève, le professeur l'invita à tenter sa chance. Kuta plongea la main jusqu'au coude dans la boite et commença à fouiller. Il n'avait pas attrapé l'instrument de premier coup, et alors ? Certaines personnes avaient passé un peu de temps à fouiller la caisse avant de sortir leurs instruments. Le satyre sortit sa main et regarda sa paume. Il avait trouvé quelque chose ? Un pendentif peut-être ?

— Je suis désolé Kuta...

Non, ça n'était pas possible ! De toute la promotion, ce devait être celui qui nourrissait le plus son rêve de devenir mage ! Il ne pouvait pas échouer, pas lui !

Kuta descendit de l'estrade et se dirigea vers la porte latéral de l'amphithéâtre, celle empruntée par ceux ayant échoué. Alors qu'il avançait, il fixait inlassablement un point au fond de la salle. Il la fixait, elle. Les larmes s'accumulaient au bord de ses yeux rougis, mais refusaient de couler. Malgré tout, il continuait à sourire. Il continuait à lui sourire ! D'un léger mouvement de la main, il dit au revoir à son ami et disparut dans l'embrasure de la porte.

Le défilé d'élève continuait, mais la jeune femme s'en fichait. Avant le passage de Kuta, elle s'émerveillait de voir chaque instrument sortir. Elle était contente pour ceux qui réussissaient et sincèrement peinée pour ceux qui échouaient. À présent, elle ne regardait même plus en direction de l'estrade. Les yeux rivés sur ses pieds, elle ne ressentait qu'une chose : l'injustice.

— Syara ? entendit-elle.

La beast releva la tête et vit que tout le monde la regardait.

— Syara ? répéta monsieur Vedo d'un ton clame, comme s'il parlait à une personne venant de perdre un proche. Tu peux descendre s'il te plaît ? C'est ton tour.

La jeune femme se leva et serra les poings. Elle était énervée et sa proie se trouvait juste en bas. Pourquoi était-il gentil avec elle, il ne l'avait d'ailleurs jamais été, alors qu'il avait été exécrable avec Kuta ? C'était peut-être même à cause de cet enfoiré que la caisse ne l'avait pas reconnu comme mage. Alors oui, elle allait descendre. Mais pas pour les raisons qu'il croyait.  

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant