Chapitre 183 : La salle des statues

1.3K 216 30
                                    

 — Trente-six ?! répéta l'esprit du violon. Mais qu'est-ce qui t'as pris de faire ça ? Lorsque je suis parti, il n'y en avait que trois !

— Je te l'ai dit, je m'ennuyais, alors je me suis occupé comme je le pouvais.

— Tu ne comptes pas leur faire passer toutes les épreuves j'espère ?

— Bah...

— Mais qu'est ce qui t'as pris ?!

— Je te l'ai dit, je m'ennuyais ! Toi, tu vois peut-être du pays, mais moi, je suis enfermé ici avec comme seule fenêtre sur le monde extérieur un amphithéâtre vide la plupart du temps. Du coup, je me suis dit que si des personnes venaient chercher les partitions, avec pleins d'épreuves j'aurai de la compagnie plus longtemps.

Tandis que l'esprit du violon commençait à insulter son homologue sous le regard amusé d'Elyazra qui trouvait qu'être ici était bien plus divertissant que d'attendre à l'extérieur, Syara passa la porte et rejoignit Phi.

— Fais attention à toi, ces statues ne m'inspirent pas confiance, prévint la beast en voyant son amie déambuler entre elles.

Pour la rassurer et éviter qu'elle n'ait à la surveiller, la fée alla se placer aux côtés de la beast et ne la quitta pas d'une semelle. Ainsi, Syara put se focaliser sur cette nouvelle salle qui allait être le théâtre de la nouvelle épreuve.

Tout comme la précédente, le sol s'étendait jusqu'à l'horizon sans rencontrer le moindre mur pour l'arrêter. Cependant, cette linéarité était brisée par environ deux-cents statues d'homme alignées les uns derrière les autres par rang de dix. Ils étaient tous identiques. Hauts d'environs trois mètres, ils portaient un bouclier au bras gauche et une épée à la ceinture.

— Leurs armes ne me disent rien qui vaillent, souffla-t-elle.

— Tu penses que l'épreuve sera de se battre contre ces statues ? s'inquiéta Phi.

— Si c'est bien ça, tu iras te mettre à l'abri. Si l'un des deux Fos est complètement fou, j'ai confiance en l'autre et je suis certaine qu'il te protégera si...

— Non ! protesta la jeune fée. Je ne veux pas rester à vous regarder faire tout le travail. Je veux aider !

Sa détermination se lisant dans son regard, Phi fixait Syara droit dans les yeux et semblait prête à tout pour lui montrer que cela n'était pas des paroles en l'air. Avec un léger sourire, la beast posa une main sur la tête de la jeune fée et lui caressa le cuir chevelu.

— C'est d'accord, céda-t-elle. Si tu veux vraiment aider, alors je compte sur toi pour utiliser ta magie et nous protéger. Mais je veux être certaine qu'il ne t'arrive rien, alors tu resteras quand même à l'écart du combat pour ne pas te prendre de mauvais coup. Compris ?

— Je ne m'approcherai pas, affirma-t-elle.

— Dans ce cas, retournons voir Fos pour lui dire que nous voulons commencer.

Phi sur les talons, Syara rebroussa chemin et passa la grande porte en sens inverse. À peine était-elle revenue dans la salle précédente qu'elle croisa Elyazra qui, elle, allait de l'autre côté.

— C'est marrant deux minutes de les voir se chamailler, mais je préfère de loin quand c'est moi qui me dispute avec quelqu'un. Là ils me donnent juste mal à la tête et je sens que je vais en frapper un si je reste avec eux. Je vous attends de l'autre côté pour la suite, dit-elle pour toute explication avant de passer la porte.

Connaissant Elyazra, ce comportement étonna Syara. Vu son tempérament, la beast aurait cru qu'elle aurait fini par les frapper au lieu de s'éloigner tout simplement. Devenait-elle enfin mature et raisonnable ?

Pour l'heure, cette énigme devait attendre. Un peu à l'écart, les deux Fos se disputaient et le ton montait à chaque instant. Si elle ne faisait rien, ils en viendraient bientôt aux mains et l'épreuve ne serait pas prête de commencer. Ne voulant pas s'éterniser et moisir ici, Syara décida de leur mettre un coup de pression et invoqua son violon, prête à s'en servir.

— Ça suffit maintenant ! Si vous ne voulez pas goûter au pouvoir de votre propre instrument, arrêtez de vous engueuler et faites nous passer cette foutue épreuve !

Un instant, les deux Fos se turent et la regardèrent, puis, celui du coffre écarquilla les yeux stupéfait.

— Mon violon ! s'exclama-t-il en se précipitant sur Syara.

Surprise, la beast n'eut même pas le temps de réagir que Fos était déjà sur elle et lui prenait l'instrument des mains.

— Mais qu'est-ce que vous lui avez fait !

— Mais... Rien ! Se défendit la violoniste qui ne comprenait pas cette accusation.

— Écoute, calme-toi, je vais tout t'expliquer... tenta de le raisonner l'esprit du violon.

— Tu as intérêt à me dire pourquoi il est dans cet état ! hurla-t-il, presque en pleur.

— Nous n'avions pas le choix. L'autre s'était déjà manifesté deux fois, nous ne pouvions laisser Syara et le monde entier courir le risque qu'il se réveille pour de bon. Shay a donc scellé les pouvoirs du violon pour qu'il ne puisse plus se manifester. Elle doit encore gagner de l'expérience pour contrôler les pouvoirs du violon et apprendre à ne pas se faire submerger par ses émotions. Rappelle-toi du désastre qu'ont engendré les deux précédents porteurs. Tu veux que cela se reproduise ?

— Non, admit-il.

— Rappelle-toi aussi qu'elle n'a pas le même lien avec le violon que nous. Elle n'a pas eu à endurer de cérémonie de passage et ce violon n'est pas celui qui lui était destiné. L'autre est donc plus enclin à se manifester.

Entendant les arguments de l'autre esprit, celui du coffre se rapprocha de Syara et lui rendit l'instrument. Malgré tout, la beast venait d'entendre quelque chose d'étrange qu'elle voulait clarifier avant de passer à la nouvelle épreuve.

— Pour le fait que cet instrument ne soit pas vraiment le mien, je comprends, mais qu'est-ce que ça a à voir avec la cérémonie de passage ?

— Eh bien, pour faire court, le lien qui existe entre un instrument et un mage est bien plus fort si le mage est passé par la cérémonie normale, celle mortelle. Il en ressort des pouvoirs plus puissants. La création du coffre a eu deux effets sur ce monde. Premièrement, une disparition des morts à cause de la cérémonie et, deuxièmement, une baisse des pouvoirs chez les mages.

— Tu veux dire que les mages de ton époque étaient plus puissants ?

— Bien plus, confirma-t-il. Mais nous en reparlerons plus tard. Pour le moment, tu as une épreuve à passer.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant