Dès que la reine harpie avait révélé qu'elle était la propriétaire du cerbère, tout le groupe s'était rendu compte que la voie diplomatique avait échoué avant même d'avoir eu sa chance. Sans attendre que la reine ne fasse quoi que se soit, Guard la repoussa violemment, aida l'aînée des sœurs harpies à se relever et l'emmena auprès de Telak.
Une fois tous regroupés, Elyazra les entoura d'un mur de flammes noires. Elle savait pertinemment que les harpies pouvaient voler, mais au moins, cela les empercherait de les attaquer depuis le sol. Un instant, elle jeta un coup d'œil en direction de Sae, de peur qu'elle se mette, comme le craignait Syara, à paniquer, mais elle était bien trop focalisée sur la blessure de sa grande sœur pour prêter attention au feu.
Telak, lui, ne s'intéressait que très peu aux centaines de harpies qui l'entouraient. Il était bien plus focalisé sur sa protégée qui, dès qu'elle avait entendu le mot cerbère, s'était mise à respirer de plus en plus fort et rapidement, les poings serrés.
— Du calme Syara, lui dit-il en se plaçant devant elle, les mains sur ses épaules. Tu m'as dit que tu savais ce qui t'était arrivé ce jour-là. Il y a pleins d'innocents ici et je ne pourrais pas tous les protéger si tu libérais cette chose. Pense à Sae et calme-toi !
Malgré la colère qui l'envahissait et les souvenirs du massacre qui revenaient, les mots du démon arrivèrent à la détendre un peu. De leur côté, les autres avaient dégainé leurs armes ou, pour Rael, commencé à chanter à voix basse pour préparer un sort en attendant l'assaut.
Cependant, aucune harpie ne bougeait. Sans doute attendaient-elles un signal de la part de leur reine. L'un des individus s'approcha alors d'elle, les yeux rivés vers le sol en signe de soumission. Celle-ci était différente des autres. Les traits de son visage étaient moins fins, ses ailes plus grandes et son torse était dépourvu d'attribut féminin.
— Ma reine, commença-t-il d'une voix légèrement plus grave que celles des autres harpies qu'ils avaient entendues jusque-là. Ce que cette personne a fait n'est pas plus mal. N'oubliez pas que nous avons dû déplacer votre cerbère en bas des montagnes après qu'il ait dévoré une vingtaine des nôtres. Et là encore, nous avons perdu encore une dizaine d'habitants dans la mission pour le faire descendre.
Ses traits déformés par la rage, la reine harpie leva son bras pour lui asséner le même coup qu'elle avait donné à la sœur de Sae. Elle se ravisa tout de même au dernier moment et baissa ses serres. Les hommes étaient rares chez les harpies, elle ne pouvait sans doute pas se permettre de le traiter comme les autres habitantes.
— Je n'en ai que faire de leur mort. Si elles se sont faites dévorer, c'est qu'elles le méritaient !
Son discours empli de haine et de dédain envers sa propre race et son propre clan commençait à réellement énerver Syara qui, malgré les paroles de Telak, commençait à bouillir intérieurement.
— Maman s'est faite tuer par ce monstre ! hurla Sae à ses côtés.
— Alors tu devrais être honorée qu'elle ait servi de repas à une si noble bête ! Mais ne t'en fait pas, tu la rejoindras bientôt. Ce n'est qu'une question de temps avant que l'on m'en apporte un autre. Tu serviras alors de premier repas à mon nouvel animal de compagnie, déclara-t-elle avec un sourire sadique.
S'en était trop. Une personne, quelle que soit sa race, ne pouvait être aussi maléfique. Il fallait que Syara se calme avant de déraper. Cependant, les images du cerbère et du charnier n'arrêtaient pas de lui revenir en tête. À cela s'ajoutait son imagination qui transformait toutes les paroles de la reine en images.
Elle voyait parfaitement les harpies se faire déchiqueter. Elle voyait la mère de Sae être dévorée devant ses yeux, impuissante. Enfin, elle voyait Sae elle-même, la harpie pour laquelle elle s'était prise d'affection, celle à qui elle avait promis de faire découvrir le monde des autres races. Elle la voyait dans l'une des gueules du cerbère, appelant à l'aide alors que la mâchoire se refermait inexorablement sur elle.
Un instant, la beast crut que cette scène était vraie et appela intérieurement n'importe qui pouvant l'aider à la sauver. Suite à cela, sa vision s'étrécit et elle se sentit basculer en arrière. La beast tomba, mais ne toucha pas le sol. Elle se sentit chuter pendant un long moment dans l'obscurité la plus totale jusqu'à ce qu'elle touche enfin le sol. Le choc fut incroyablement violent et elle voulut hurler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Chose étrange, mis à part le choc initial, elle ne ressentait absolument aucune douleur et réussit même à se relever.
Elle ne se trouvait plus dans le village harpie, mais dans un endroit sombre illuminé de runes rouges qui parcouraient le sol et le plafond, pulsant au rythme d'un battement de cœur. Tout cela lui était familier. Elle était déjà venue ici, même si la dernière fois, cet endroit rayonnait d'un bleu azur. À présent, il ressemblait au violon que tenait la chose qui vivait à l'intérieur de l'instrument.
Tout n'était cependant pas baigné dans ce noir. Au loin, une lumière bleutée brillait et l'attirait vers elle tel un phare. Syara ne savait pas quel danger pouvait se trouver ici et cette lueur semblait être son seul espoir. Comme si la mort elle-même la poursuivait, la beast courut aussi vite qu'elle le pouvait vers ce point lumineux.
À mesure qu'elle approchait, une silhouette se dessinait dans la lumière. Immobile et les bras croisés, Fos la regardait courir vers lui. L'homme se tenait au milieu d'un cercle d'à peine quelques mètres qui n'avait pas subie la corruption comme le reste de cet endroit.
— Bonjour Syara, salua-t-il lorsqu'elle pénétra dans la zone pure.
— Que se passe-t-il ?
— Tu t'es laissée envahir par la colère et tu as appelé à l'aide pour que l'on te tire de ce mauvais pas.
— Ça n'était que pendant un fragment de seconde et dans mon imagination !
— Mais cela a suffi à l'ombre pour s'engouffrer dans la brèche et prendre le contrôle.
— Vous voulez dire que c'est cette chose qui a pris le contrôle de mon corps ?
— Oui. La première fois était la découverte, la seconde sert d'avertissement. C'est pour cela que tu es encore consciente dans le violon. Veux-tu voir ce qui se passe à l'extérieur ?
À part pour satisfaire une curiosité morbide, Syara n'en voyait pas vraiment l'intérêt. Cependant, à bien y réfléchir, elle pouvait très bien s'assurer que ses amis étaient en sécurité et pouvaient trouver un moyen de l'arrêter.
— Tu veux donc voir ça, conclu-t-il. Je te préviens, si ton ami pense pouvoir te faire revenir à la raison en te prenant dans ses bras, il ne récoltera que la mort.
À ces mots, Fos leva un bras et fit apparaître devant eux un grand miroir. Reflétant tout d'abord la beast et l'esprit, il s'obscurcit peu à peu et des couleurs se mirent à danser jusqu'à former des images, celles du monde extérieur.
VOUS LISEZ
Le violon de cristal: les partitions perdues
FantasyDans un monde où musique est synonyme de magie, où presque toute forme de technologie à disparue, où les humains ne sont plus les seuls êtres pensants de la planète depuis bien longtemps et où la terre, ravagée par les guerres, se remet peu à peu, v...