Chapitre 95 : ... Et échouer

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 Grâce au miroir qu'avait invoqué Fos, Syara pouvait voir ce qui se passait à l'extérieur. D'après ce qu'elle appercevait de la scène, celui-ci retranscrivait directement ce qu'elle voyait avec ses propres yeux. Telak était devant elle et arborait un visage apeuré. Il avait compris ce qui lui était arrivé et reculait à présent de quelques pas pour éviter qu'elle l'attaque en premier.

Cependant, la chose ne semblait pas lui prêter attention et fixait, par-dessus l'épaule du démon, la reine des harpies. Cette dernière semblait fière d'avoir instigué la peur chez la jeune harpie et s'apprêtait à lancer tout le village sur les aventuriers.

— L'ombre fera toujours ce pour quoi tu l'as appelée, puis se déchaînera une fois sa mission terminée, expliqua l'esprit. En tuant la reine, il n'y aura pas d'autre cerbère, donc Sae ne se fera pas dévorer. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu'elle l'épargnera.

Lentement, la chose dans le corps de Syara s'avança en direction de son adversaire. Elle se trouvait toujours dans le cercle de flammes d'Elyazra et s'approchait dangereusement du mur de feu. Pour avoir vu l'état dans lequel avait fini la petite harpie, la beast commençait à avoir un peu peur pour son propre corps.

— Syara, qu'est-ce que... s'exclama la chasseresse.

Trop tard, elle avait déjà posé un pied dans le cercle, et continuait à avancer sans se soucier du feu. Le mur de flammes n'était pas épais, si bien qu'à peine était-elle entrée qu'elle en était déjà ressortie, indemne. Même ses vêtements n'avaient rien.

— Mais... ne put qu'articuler Elyazra, incrédule.

Syara, ou plutôt la chose, ne l'écoutait même pas. Toute son attention était rivée sur la reine des harpies qui, en la voyant approcher, arborait un large sourire. Elle ne semblait pas impressionnée et ne ressentait pas la menace que représentait cet envahisseur.

— Ça n'est pas parce que tes yeux ont changé de couleur que tu vas me faire peur. Je vais en finir avec toi, ici et maintenant.

Dès qu'elle fut à portée, la reine leva son bras et l'abaissa violemment sur elle pour lui donner un coup de serre. Cependant, avant de se faire lacérer le visage, la chose la saisit au poignet et interrompit son geste. Surprise, la harpie tenta de se dégager, en vain. Avec un sourire sadique, la chose resserra sa prise. La reine hurlait, mais son cri déchirant atteignit son paroxysme lorsqu'un effroyable craquement résonna dans tout le village.

La chose décida de la lâcher et invoqua son violon tandis que son adversaire reculait en se tenant le poignet.

— Massacrez-moi cette salope ! ordonna-t-elle.

Trois harpies, partisanes dévouées de la reine, lui sautèrent dessus dès que la reine eut donné son ordre. À peine étaient-elles arrivées à portée pour la lacérer que la chose fit crisser son archet sur le violon noir. Les assaillantes ainsi que deux autres harpies qui n'avaient rien demandé s'enflammèrent intégralement du même feu que celui d'Elyazra et tombèrent au sol, mortes calcinées.

Voyant cela, la reine arborait un visage terrifié. Non pas parce que la chose venait de tuer cinq de ses sujets, mais à cause de la facilité avec laquelle elle s'en était débarrassée. Les autres habitantes, de peur de finir en dommage collatéral, s'éloignèrent le plus qu'elles pouvaient de la chose.

Pendant une fraction de seconde, l'être corrompu se tourna en direction des corps et se fendit d'un sourire satisfait avant d'avancer de nouveau vers la reine. La harpie reculait à chaque pas. Un instant, elle pensa à s'enfuir par les airs, mais la douleur provoquée par son poignet cassé était bien trop forte pour bouger convenablement son bras. Il était même possible que son avant-bras ait aussi subi de graves dommages.

Ne pouvant que reculer, la reine sursauta lorsque son dos cogna contre le mur d'une des maisons. Paniquée, elle tourna la tête de gauche à droite à la recherche d'une échappatoire, en vain. La foule était bien trop dense pour qu'elle puisse s'enfuir.

De son côté, la chose continuait d'avancer en souriant de plus en plus jusqu'à arriver à portée de la harpie. D'un geste vif de la main, elle fit glisser le crin de son archet sur la gorge de sa victime et observa le sang couler, d'abord en un mince filet, puis en un flot écarlate ponctué de gargouillis qu'émettait la reine en essayant de respirer. De plus en plus livide, elle s'écroula à terre alors que son sang continuait à rougir l'herbe sous elle.

Satisfaite, la chose poussa un cri suraigu qui glaça le sang de l'assemblée, puis se retourna en quête d'une nouvelle victime. Son regard croisa celui de toutes les harpies, mais une seule n'arborait pas cette étincelle de crainte dans les yeux. Elle jeta donc son dévolu sur elle et s'approcha lentement de Sae.

— Non ! hurla Syara depuis l'intérieur du violon en frappant son poing contre le miroir. Cours Sae ! Fuis !

La jeune harpie n'avait visiblement pas encore compris que la personne qui se trouvait devant elle n'était plus son amie. Dès que la chose se retrouva en face de Sae, elle leva son archet et donna un coup net et précis en direction de sa gorge.

Heureusement pour elle, les compagnons de route de la beast savaient ce qui se passait. Pour la protéger, Guard se jeta devant elle et encaissa l'attaque. Le crin, aussi coupant que des lames de rasoir, passèrent à travers ses vêtements et lui lacérèrent profondément le dos.

— Ely, fait disparaître ce feu ! Que tout le monde fuis ! ordonna Telak.

Tandis que les flammes s'abaissaient, les villageois paniqués s'envolèrent et partirent dans tous les sens. Seules les deux sœurs de Sae étaient restées au sol pour s'assurer qu'elle puisse se mettre à l'abri. Un instant, la jeune harpie essaya de relever Guard, mais ce dernier la repoussa violemment pour l'inciter à aller se cacher.

L'envol des harpies avait au moins eut le mérite de détourner l'attention de la chose et permit au groupe de se cacher derrière l'une des maisons. L'être corrompu commença alors son carnage et débuta par un puissant sort de vent pour retenir ses victimes. Il était impossible de fuir par le haut et le seul accès vers l'extérieur était gardé. S'ensuivirent plusieurs crissements d'archet créant des rayons d'énergie pure qui abattaient plusieurs habitants à chaque coup.

Les corps pleuvaient dans tout le village et le cri aigu des harpies terrifiées brisait le cœur de Syara qui fondit en larmes, impuissante devant ce spectacle macabre.

— Je t'en pris, fait quelque chose, implora-t-elle en tombant à genoux.

— J'en suis incapable, répondit calmement Fos. Je n'ai aucune emprise sur elle dans le monde extérieur.

Pendant que la violoniste cherchait en vain une solution pour l'arrêter, le sort de vent qu'avait créé la chose se dissipa soudainement. Cela n'était visiblement pas de son fait vu qu'elle paraissait surprise et observait le ciel.

Une ombre recouvrit alors tout le village, ombre projetée par une créature gigantesque pourvue d'un long cou, d'une grande queue, d'ailes de cuir allant d'un bout à l'autre du village et d'un corps puissant recouvert d'écailles dorées. Un dragon.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant