Chapitre 50 : l'esprit du violon

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Malgré le fait que l'homme ait dit qu'il voulait lui parler, ce dernier n'ajouta rien de plus. Il préféra tout d'abord jouer quelques notes avec le violon de cristal devant l'air surpris de Syara. Qu'essayait-il de faire ? Un instrument lié n'obéissait qu'à son porteur et n'était qu'un objet banal pour tout autre personne. Quelques notes passèrent et, étrangement, la beast sentit les épines qui lui lacéraient la chair se rétracter. Peu de temps après, les ronces entières la libérèrent de leur étreinte et disparurent dans le sol.

L'homme entama alors une nouvelle mélodie, plus douce, qui referma toutes les plaies de la jeune femme.

— Comment avez-vous fait ? Je suis la seule à pouvoir l'utiliser.

— La réflexion que tu te faisais dans ta tête était bien plus correcte, répondit-il en lui rendant l'instrument. Seul son porteur peut utiliser les pouvoirs d'un instrument lié.

— C'est la même chose... Attendez, vous lisez dans mes pensées ?

— Ça aurait été la même chose, si ton violon n'avait eut qu'un propriétaire. Mais ne t'en fait pas, cela fait bien longtemps que je ne suis plus de ce monde, je ne vais pas essayer de te le reprendre. Ce que tu vois ici n'est qu'un écho de ma conscience qui est resté enfermé dans l'instrument.

— Impossible ! Le coffre de cristal créé les instruments, il ne les redistribue pas à la mort de leur propriétaire !

— C'est en effet le cas pour les autres instruments, cependant, tu as dû te rendre compte que le tien n'était pas comme les autres. Le coffre a détecté le potentiel qui sommeillait et sommeille toujours en toi et t'as nommé comme mon héritière.

Syara n'en croyait pas ses oreilles. Toute cette histoire semblait ne pas tenir debout, et pourtant, quelque chose lui disait de faire confiance à cet homme dont elle ne connaissait même pas le nom. Une intuition qu'elle avait déjà ressentie lorsqu'elle se trouvait à Sendra, sur le rempart de la ville. La présence bienveillante auprès d'elle à ce moment-là était donc...

— Moi, dit-il pour finir sa pensée.

— Donc, si je comprends bien, je me suis endormie dans la réalité et me suis retrouvé dans ce monde.

— Magnifique, n'est-ce pas ?

— Oui, c'est très... Bleu.

— Il faut que tu comprennes que cet endroit est tout aussi réel que le monde que tu arpentes tous les jours. Certaines règles sont différentes et d'autres sont semblables.

C'était donc pour cela que sa chute ne lui avait rien fait. Ce qui préoccupait la beast à présent était de savoir ce qui lui serait arrivée s'il n'était pas intervenu pour la sauver.

— Tu serais morte, répondit-il.

— Arrêtez de lire dans mes pensées, c'est agaçant.

— Toutes mes excuses, mais c'est assez difficile. Je suis aussi lié à toi que le violon lui-même.

— Alors faites de votre mieux pour laisser ma tête tranquille et passons à un autre sujet. Quelle était cette chose qui voulait ma mort ?

Un instant, Syara crut déceler une expression gênée sur le visage de l'ancien propriétaire du violon. Son visage redevint cependant impassible immédiatement après.

— Pour répondre à cette question, il va falloir que je t'explique ce qui est arrivé au pied de la chaîne d'Hara.

— Ha, enfin !

— Lorsque tu as aperçu le cerbère et fait le lien avec la mort des villageois, tu es entrée dans une colère noire. La chose qui t'as attaqué tout à l'heure en a profité pour prendre possession de ton corps et se déchaîner. Elle a paré au plus urgent et a tué la bête, mais s'est retourné contre ton ami et l'a attaqué vu qu'il n'y avait plus d'autres cibles. C'est une créature qui a tout le temps soif de sang et de massacre. Telak a eut une très bonne idée, la meilleure de sa vie selon moi, en ne l'affrontant pas et en te faisant revenir à la raison.

— C'est donc moi qui l'ai blessé...

— Non, c'est cette chose. Et ça n'est pas tout. Ne trouves-tu pas étrange que tu sois plus affecté par la mort de ses personnes que leurs proches ? Ils font leur deuil et remontent peu à peu la pente pendant que tu restes cloîtrée dans ton appartement, assise sur ton lit, les volets fermés pour ne pas voir la lumière du jour.

— J'ai déjà eu cette discussion avec Telak et je n'ai aucune envie de l'entendre de nouveau.

— Elle commence certes de la même manière, mais la fin sera sensiblement différente. Lui te poussait à aller de l'avant, moi, je vais t'expliquer pourquoi tu restes dans cet état.

— Je vous écoute.

— Avant les événements au pied des montagnes, la chose qui t'a attaqué dormait au plus profond de ton instrument, cependant, toute cette colère et ce chagrin l'ont fait ressurgir. Le problème, à présent qu'elle est éveillée, est qu'elle se nourrit de tous les sentiments négatifs, tes sentiments. De plus, elle les alimente pour que tu restes dans cet état le plus longtemps possible afin qu'elle se renforce encore plus.

— Donc, si je suis comme ça, c'est à cause d'elle ?

— Lorsque tu as pris le violon pour la première fois, j'ai eut accès à ton passé. Tu es une battante. En temps normal, tu te serais déjà remise de cette épreuve.

C'est vrai, qu'importe ce qui se passait, elle faisait toujours en sorte d'aller de l'avant. Ce qui l'inquiétait plus, par contre, était le fait qu'il ait vu son passé.

— Ne t'en fais pas, de toute façon, il me serait difficile de révéler quoi que ce soit. Et même si je le pouvais, je ne dirais rien, promis... Oh, pardon, j'oubliais que tu ne voulais pas que je lise dans tes pensées.

— En conclusion, reprit la beast qui ignora cette fois-ci l'intrusion dans sa tête, je ne dois plus ressentir de tristesse, de rage, de colère ou tout autres émotions négatives pour éviter de la renforcer.

— Non. Ses émotions sont tout aussi naturelles que la joie et le calme. Essayer de contenir ses émotions serait la pire chose à faire car elles finiraient par exploser un jour. Ce qu'il va falloir apprendre, et ça ne sera pas simple, c'est de savoir quand ses émotions seront naturelles et quand elles te seront insufflées par l'ombre.

— Vous avez réussi vous. Comment avez-vous fait ?

— Qui te dis que j'ai réussi ?

— Lorsque vous êtes arrivés, j'ai eu l'impression qu'elle vous craignait. Ça ne serait pas le cas si vous n'aviez pas réussi à la dompter.

— En mon temps, j'ai en effet réussi. Cependant, je ne peux pas te révéler comment. C'est en traversant les épreuves sans les connaître que tu réussiras. Mais cette discussion à assez durée. Il est temps pour toi de te réveiller. N'oublie pas cette conversation, reprends-toi et redeviens la combattante impulsive que le coffre a choisie comme porteuse du violon de cristal.

Syara se sentait en effet partir, cependant, une dernière question restait en suspend. Elle ne connaissait même pas le nom de cette personne qui se disait être l'ancien propriétaire du violon de cristal.

— Mon nom a été perdu pendant des centaines d'années. Cependant, si tu tiens réellement à le savoir, je m'appelle...

La beast n'entendit pas la fin et se réveilla dans son lit. Cependant, son violon auprès d'elle, un mot voulait absolument sortir de sa bouche, un nom.

— Fos.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant