Chapitre 7 : Explications en chaîne

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Syara était stupéfaite, pour le plus grand amusement de Telak qui la regardait d'un air moqueur.

— Léfarène ? Répéta la jeune femme. Vous vous foutez de moi !

— Absolument pas.

— Mais c'est à l'autre bout du monde !

— C'est vrai que Symphonia, ça n'est pas la porte à côté. Vous avez fait bon voyage ?

— Arrêtez tout de suite ou je vous en fous une !

— Mais c'est qu'elle serait prête à mordre ! rit le démon.

Surtout rester calme et ne pas lui répondre. Passer à un autre sujet et ignorer ses remarques débiles... Mais merde quoi ! Pourquoi Léfarène ? Elle ne connaissait ni la ville, ni la région, ni qui que ce soit ici !

— Bon, commença-t-elle les yeux fermés, tout en se pinçant l'arête du nez. Pourquoi ici ?

— Pourquoi ailleurs ?

— Écoutez, j'ai déjà pété le nez de celui qui présidait cette foutue cérémonie, alors ne m'obligez pas à faire pareil avec vous et répondez à ma question.

— Très bien, très bien, dit-il les mains levées. Tout d'abord, pourquoi avoir choisi la porte qui menait ici ?

Une question et pas de réponse directe. Encore un qui n'allait pas tarder à l'énerver. Enfin bon, ça allait peut-être mener à quelque chose autres que des moqueries.

— J'ai choisi par rapport au signe sur la porte. C'était celui qui me parlait le plus, et aussi celui qu'aurait choisi mon meilleur ami.

— Donc nous attendons bien une deuxième personne ! s'enthousiasma Telak.

— Il a passé l'épreuve bien avant moi.

— Ho... se désola le démon en comprenant ce qu'elle insinuait.

— Et donc ? souffla-t-elle pour éviter de s'éterniser sur ce sujet encore douloureux. En quoi le symbole peut m'aider à comprendre ce que je fais ici ?

— Léfarène est la capitale de Firaé. Et Firaé est un pays où le genre majeur joué est celui que tu as choisi. Tu me suis ?

— Vous voulez dire que chaque pays à un style bien à lui ?

— Tu ne le savais pas ? Ça m'étonne. C'est pourtant quelque chose de connu.

Toute moquerie avait disparu de sa voix, mais il semblait tout aussi étonné que si elle lui avait appris qu'elle ignorait qu'il y avait quatre cordes sur un violon.

— Disons qu'avant d'intégrer l'école, je ne suis pas beaucoup sortie de chez moi. Et même là-bas, ils se sont bien gardés de m'apprendre ça.

D'un autre côté, pourquoi l'auraient-ils fait si tout le monde le savaient déjà et voyaient ça comme une évidence ?

— Tu as sans doute d'autres questions, mais moi, j'aimerais bien savoir ce qui a bien pu arriver pour que tu frappes le maître de cérémonie.

Des questions ? Ho ça oui, elle en avait. Cependant, elles se bousculaient tellement dans sa tête qu'aucune ne se démarquait réellement des autres. La jeune femme accepta donc de raconter le déroulement de la cérémonie à ce presque inconnu, le temps qu'elle remette toutes ses questions en ordre.

À mesure qu'elle avançait dans son histoire, le visage du démon changeait. Elle ne savait pas s'il se foutait encore d'elle ou s'il était sincère, mais elle pouvait facilement distinguer de la peine lorsqu'elle évoqua l'échec de son ami, le sérieux au moment où elle en était venue à frapper le professeur et l'étonnement quand elle décrivit comment elle avait obtenu son violon.

— C'est la première fois que j'entends une histoire pareil. Tu dis avoir ressenti deux mains glacées de saisir le poignet et t'entraîner au fond ? demanda-t-il stupéfait.

— Juste le bras, mais oui, confirma-t-elle.

— Je ne sais pas encore quoi, mais, pour sûr, il y a quelque chose de spécial en toi.

Youpi ! Elle était spéciale au point qu'une boite bleue avait voulu lui arracher un bras. Ça lui faisait une belle jambe ! D'ailleurs, qu'est-ce que c'était exactement que cette boite ? Et comment pouvait-elle juger qui était digne ou non de devenir mage ?

— C'est le coffre qui vous a donné votre instrument aussi ?

— Bien sûr. Tous les instruments liés viennent de ce coffre.

— J'ai du mal à croire qu'il n'y en ait qu'un...

— Et pourtant si. Ils le baladent d'école en école pour les cérémonies. C'est pour ça qu'elles sont toutes décalées les unes des autres. Le reste du temps, il est tenu dans un lieu secret.

— Je comprends, si quelqu'un arrivait à s'en emparer, ce serait catastrophique.

Telak hocha la tête de haut en bas. Elle avait parfaitement compris. Mais une dernière question quant à la cérémonie subsistait.

— Pourquoi effacer la mémoire de ceux ayant échoué ?

— Il vaut mieux que les non-mages ignorent l'existence du coffre de cristal, répondit-il gravement.

— Mais un mage peut très bien tout leur dire, réfléchit-elle à haute voix.

— Hé non.

Le démon sourit devant la mine perplexe de la jeune femme. Après tout, qu'est-ce qui empêchait une personne ayant réussi l'épreuve d'en parler autour de lui ?

— Tu ne t'en es pas rendu compte, mais toi aussi, tu as été victime d'un sort. À présent, si tu évoques quoi que ce soit en rapport avec la cérémonie ou le coffre, les non-mages ne te comprendrons pas. Ils croiront que tu parles une autre langue.

Syara comprit tout de suite le message. Mise à part certaines langues bien spécifiques telles que celles des élémentaux, totalement imprononçable d'ailleurs, toutes les autres avaient disparues pour n'en laisser qu'une seule et unique, commune à tout le monde. Elle devait donc éviter de parler de ce sujet en public si elle ne voulait pas passer pour une folle et être enfermée.

— Et, sans indiscrétion, quel est votre instrument ? demanda la beast pour changer de sujet.

— Qui te dis que j'en ai un ? rétorqua le démon, son visage affreusement sérieux.

— Vous ne pourriez pas parler de la cérémonie si vous n'en aviez pas, déduisit-elle.

— Bravo, tu es vive d'esprit. Je suis bassiste. Et tu peux me tutoyer si tu le souhaites.

Vive d'esprit ? Un enfant de cinq ans aurait pu faire le lien entre les différents éléments et répondre la même chose. Il lui avait même avoué que le coffre lui avait remis un instrument ! Mais, alors qu'elle s'apprêtait à poser une autre question, ou une remarque cinglante, elle ne s'était pas encore décidée, le portail par lequel elle était arrivée disparut dans un léger vrombissement.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant