Chapitre 17 : Réconciliation

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Bien que le sommeil survint assez rapidement après sa discussion avec l'aubergiste, la nuit fut tout de même de courte durée. Telak l'avait réveillé à l'aube et intimé de se dépêcher, ce à quoi la beast avait répondu par un grognement rauque.

Après cinq minutes supplémentaires dans son lit, temps qui, elle en était sûre, ferait une différence certaine sur son état de fatigue, la jeune femme se leva et descendit dans la salle commune.

L'aubergiste s'affairait déjà à rendre son établissement le plus présentable possible. Il venait tout juste de poser son balai et s'apprêtait à prendre un chiffon pour astiquer le comptoir. Il s'arrêta cependant lorsqu'il la vit. D'un signe de la tête, accompagné d'un sourire, il salua Syara qui lui rendit la politesse avant de s'installer à la table de son mentor.

— J'ai manqué quelque chose ? demanda le démon qui avait remarqué le sourire de son élève.

— Qu'est-ce qui te fais dire ça ?

— Hier tu traitais presque le patron d'opportuniste sans cœur, et aujourd'hui, tu lui fais les yeux doux.

— Fais attention à ce que tu dis ! Je ne t'ai toujours pas pardonné pour hier.

Premièrement, elle n'avait aucune envie de se justifier. Deuxièmement, elle n'aimait pas du tout l'expression qu'il venait d'utiliser.

— À peine réveillé et déjà de mauvaise humeur ?

Et à qui la faute ? S'il choisissait un peu mieux ses mots, elle ne serait peut-être pas dans cet état-là.

— Et donc ? Tu ne veux pas me le dire ? Très bien, libre à toi.

Comme s'il avait la moindre légitimité pour l'obliger à se justifier.

— Quel est le programme pour aujourd'hui ? demanda la jeune femme.

Par cette question, Syara fit comprendre, une bonne fois pour toute, que son changement d'humeur vis-à-vis de l'aubergiste ne le regardait en rien.

— Le programme ? répéta Telak. Matin, marche dans la forêt. Midi, pause déjeuner dans la forêt. Après-midi, marche dans la forêt et soir, bivouac...

— Dans la forêt, coupa la beast, j'ai compris.

— Il va falloir s'y habituer. En passant par là, nous en avons encore pour quatre jours de voyage, dont trois en forêt.

Trois jours ? Mais elle devait être immense ! Même si se retrouver entourée d'arbre ne la dérangeait pas, bien au contraire, une question lui brûlait cependant les lèvres.

— C'est le chemin le plus direct ?

— Pas vraiment, mais c'est le plus sûr. Cette forêt sépare les plaines sauvages en deux et, pour je ne sais quelle raison, la plupart des créatures dangereuses n'osent pas y pénétrer.

— Et si on passait par les plaines ? proposa la violoniste.

— Je préfère les éviter tant que tu ne maîtrises pas un temps soit peu tes pouvoirs.

Ce qu'il disait était vrai, mais, encore une fois, Syara prit cette remarque personnellement. Elle avait l'impression que chaque phrase qu'il prononçait devenait une pique qui lui était directement destinée. Pour elle, tu ne maîtrises pas un temps soit peu tes pouvoirs voulait dire qu'ils ne prenaient pas le chemin le plus court à cause d'elle.

— Si nous étions restés à Léfarène, histoire que je m'entraîne un peu, nous aurions pu passer par les plaines et arriver plus vite.

— Ce n'est qu'un petit détour, tu t'entraîneras quand...

Le démon s'interrompit soudainement au milieu de sa phrase. Intriguée, Syara se tourna pour regarder dans la même direction qui lui. L'aubergiste approchait de leur table, un large plateau de viennoiseries dans chaque main.

— Bonjour patron ! salua-t-elle.

— Bonjour gamine. Bien dormi ?

— La nuit a été courte, mais ça peut aller.

— Attends, attends ! interrompit le démon. Il t'a appelé gamine ?

— Oui, et alors ? rétorqua-t-elle avec un haussement d'épaule.

— Non rien. Il va falloir que vous m'expliquiez comment vous faites pour lui parler sans qu'elle ne s'énerve. Personnellement, je n'y arrive pas.

Ne sachant pas quoi répondre, le nain resta aussi immobile qu'une statue. Du moins, jusqu'à ce qu'il remarque un léger signe d'énervement sur le visage de la beast. Rien qu'un léger mouvement de mâchoire qui présageait de la tempête qui s'abattrait bientôt dans la salle commune.

Syara était consciente que l'aubergiste avait remarqué la colère qui grandissait en elle. Au plus profond de son être, elle voulait que le nain trouve les mots juste, et vite. S'il ne faisait rien, la pièce serait bientôt entièrement recouverte des tripes du bassiste !

Les petites remarques du démon n'étaient, en elle-même, pas méchante et avaient la plupart du temps une vocation humoristique. Cependant, elle avait l'impression qu'il la comparait à une bête sauvage que quelqu'un arrivait miraculeusement à approcher. Et elle détestait ça !

— Vous savez, je ne fais rien de spécial. Une oreille attentive, un sourire franc, des conseils si la personne en demande. Au final, je ne fais qu'être moi-même.

— Et donc ? Votre conseil pour qu'elle ne me regarde plus comme-ci j'étais la pire chose qui lui soit arrivé et qu'elle allait faire en sorte que je disparaisse à jamais est ?

Mais il le faisait exprès ou quoi ?! Si l'aubergiste arrivait bel et bien à trouver les mots juste, ceux de Telak contrebalançaient largement et la rendait encore plus de mauvaise humeur.

— Le dialogue est la meilleure des solutions. Pourquoi me demander cela alors qu'elle est en face de vous ? Mais, si vous êtes partis sur de mauvaises bases, pourquoi ne pas vous mettre d'accord et effacer l'ardoise. Repartir à zéro, sur des bases saines.

— Qu'en penses-tu ? Questionna le démon. La décision te revient.

Oublier la raison de sa colère et ne plus lui en vouloir ? Juste comme ça, en un claquement de doigts ? Pourquoi pas. Après tout, tout était parti d'un geste stupide et irréfléchi. En plus, elle ne se voyait pas voyager aussi longtemps avec quelqu'un à qui elle en voulait.

— D'accord, on oublie tout, décida-t-elle.

Après avoir dit cela, la jeune femme trouva que sa décision avait été prise un peu trop rapidement. L'aubergiste avait-il, en réalité, un pouvoir caché pour apaiser les gens ? Qu'importe, c'était une bonne excuse pour en finir avec cette querelle unilatérale.

— Bien, heureux d'entendre ça. Voilà pour vous. Cadeau de la maison.

L'aubergiste posa son plateau sur la table et repartit vers une autre table où de nouveaux clients venaient de s'installer.

— À vous l'honneur très chère, invita Telak.

Syara sourit à cette proposition et commença son petit-déjeuner, toute rancœur évanoui.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant