Chapitre 96 : Le dragon et la chose

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 Malgré le sort de vent brisé, aucune harpie n'arrivait à s'échapper hors du village. À chaque battement d'ailes du dragon, de puissantes bourrasques les ramenaient au sol. Il était devenu impossible de voler avec cette créature mythique au-dessus d'eux.

— Nous sommes fichus, souffla Syara en s'effondrant.

— N'en sois pas si sûre... lui répondit Fos avec un sourire énigmatique.

L'apparition du dragon ne plaisait visiblement pas à la chose qui se mit à hurler et enchaîner les sorts sur lui. Cependant, contrairement à ce qui était arrivé jusqu'ici, aucun d'entre eux ne parvenait à percer les écailles de son adversaire. En vol stationnaire, le dragon ne bougeait que sa tête pour observer le sol, jusqu'à ce que son regard se pose sur la beast qui se cacha immédiatement derrière un mur de flammes.

C'était la première fois que la chose pensait à se défendre. Signe que cet adversaire était d'un tout autre niveau. Malgré tout, elle avait décidé que le dragon ne vivrait pas et enchaîna les traits d'énergies pures en faisant crisser son archet derrière son mur de feu. Vu sa stature imposante, il était difficile pour lui d'esquiver, mais vu que les attaques n'ébréchaient même pas ses écailles, il ne s'en souciait que très peu.

Après une longue minute, il décida enfin de passer à l'action. Sa gueule s'ouvrit et révéla des rangées de dents pointues et aiguisées.

— Elyazra ! tonna une voix roque qui fit trembler le sol. Je t'avais pourtant dit de faire attention et de te contrôler !

Même à l'intérieur du violon, Syara avait été obligé de plaquer ses oreilles contre son crâne pour réduire l'intensité. Rien que la voix de cette créature était une attaque redoutable à elle seule. Fos, lui, ne semblait pas dérangé par ça et continuait à sourire en observant, les bras croisés, ce que retransmettait le miroir.

Malgré le mur de feu noir, Syara crut déceler une explosion près de la tête du dragon. Ce sort ne venait pas de la chose qui essayait de le transperçait et le touchait à chaque fois. Ce devait être Ely qui l'avait lancé. D'ailleurs, elle n'avait pas rêvé, la voix qui faisait vibrer tout son corps avait bien prononcé le nom de son amie. Qu'est-ce qui se passait à la fin ici ?

Une fumée blanche, d'abord légère, puis de plus en plus épaisse, s'échappa de tout le corps du dragon jusqu'à le recouvrir totalement. La chose, croyant à une attaque, se mit à accélérer pour lancer plus d'attaques en un seul point.

Au bout de quelques secondes, l'un des rayons traversa enfin la fumée et fit un trou béant dans le nuage, mais celui-ci n'avait déjà plus la forme d'un dragon. Il n'était plus là. La mâchoire serrée par la frustration, la chose chercha autour d'elle quelque chose à tuer. Rien. Même les harpies avaient disparues de son champ de vision.

Depuis sa cachette, derrière l'une des maisons, Elyazra observait discrètement son amie sans pour autant chercher à intervenir. Elle avait beau être très forte, il ne lui avait fallu que quelques secondes pour se rendre compte qu'elle ne faisait pas le poids face à elle. À présent, elle n'espérait qu'une chose. Que le dragon ait compris son message.

— Donc, ça n'était pas toi, fit une voix derrière le groupe.

Tous se retournèrent et virent, à l'autre angle de la maison, qu'un homme imposant, aux cheveux blancs et à la barbe fournie, mais taillée se tenait devant eux.

— Shay ! Je suis contente de te voir. S'il te plaît, aide-nous !

— Vous vous êtes mis dans un sacré pétrin ! s'exclama-t-il. Cette chose est très puissante. Je vais l'arrêter, définitivement.

— Non ! C'est mon amie. Elle ne se contrôle pas. S'il te plaît, aide-là.

— Désolé, mais le monde se portera mieux sans elle. Si elle n'arrive pas à contrôler ce pouvoir, elle deviendra bientôt une véritable plaie pour ce monde.

Décidé à en finir, l'homme s'avança pour aller à la rencontre de la chose, mais fut intercepté par la chasseresse qui, rapière dégainée, lui faisait face.

— Tu ne la toucheras pas, rétorqua-t-elle avec détermination.

Même s'ils ne le connaissaient pas, tous les membres du groupe s'interposèrent, prêts à la protéger malgré son état. À sa droite, quelque chose tira légèrement ses vêtements. Une jeune harpie se tenait à côté de lui et le regardait d'un air implorant.

— S'il vous plaît, ne lui faites pas de mal. Sauvez là, lui demanda Sae.

— Cette chose a tué bon nombre des tiens. Pourquoi vouloir la protéger ?

— Je ne la connais pas depuis longtemps, mais je sais que ça n'est pas vraiment elle. Elle déteste par-dessus tout tuer. Elle nous a soignées, moi et mes sœurs, et nous a traitées en égales alors qu'elle ne nous connaissait pas et que nous avions attaqué les premières. S'il vous plaît, ne lui faites rien.

— Combien de fois a-t-elle été dans cet état-là ? souffla-t-il après un long moment.

— C'est la deuxième fois, répondit Telak, toujours sur ses gardes.

— La phase de l'avertissement, hun ? commenta-t-il. Et depuis combien de temps est-elle en possession du violon de cristal ?

Un instant, tous parurent étonnés qu'il évoque le violon, mais ça n'était clairement pas le moment de poser des questions.

— Un peu plus de deux mois.

— Votre amie est bien trop émotive, constata-t-il. C'est une force, mais aussi une grande faiblesse avec cet instrument. Mais au moins, je pense pouvoir la faire revenir assez facilement. Ne vous en faites pas, je ne la tuerai pas.

Elyazra, certaine qu'il n'avait qu'une parole, rengaina son arme et fit un pas de côté pour le laisser passer, immédiatement imité par les autres. Shay sortit lentement de la cachette et, de la main gauche, se mit à retrousser sa manche droite. Dès qu'il était apparu, la chose s'était mise à le bombarder de rayons d'énergie, mais le résultat était le même que lorsqu'elle s'était frotté à sa forme draconique.

Le voyant avancer de plus en plus, l'être corrompu créa une nouvelle barrière de feu noir. Elle ne resta cependant pas de cette couleur bien longtemps. Dès qu'il s'en approcha, les flammes s'illuminèrent d'un blanc aveuglant et l'homme les traversa sans y prendre plus attention.

Une fois qu'il fut à portée, la chose abandonna l'idée de le vaincre avec des sorts et leva son archet pour lui donner un coup à la carotide. Avec un cri suraigu, elle commença à abaisser son bras, mais s'interrompit lorsqu'elle reçut une gifle monumentale.

— Ça suffit les conneries maintenant ! Redonne ce corps tout de suite ou tu auras affaire à moi. Et tu sais très bien de quoi je suis capable !

Pendant quelques secondes, la chose le toisa avec un regard de défi, mais finit par baisser les yeux, les fermer et s'écrouler à genou, vaincue.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant