Chapitre 141 : Pour le bien de Phi

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 De retour dans le salon qui lui servait de salle d'attente le temps que se déroule les trois autres combats de la première manche, Syara s'attela à faire quelques mouvements avec l'arme d'Elyazra pour en avoir une plus grande maîtrise. Finalement, elle aimait bien les rapières. Fine, légère, épurées et distinguée, ce genre de lame privilégiait l'agilité et la rapidité à la force. Si elle n'était pas devenue mage, elle serait sans doute entrée dans une guilde d'aventurier et aurait fini par se battre avec une arme similaire.

La beast se souvint que ce genre d'institution avait été l'un des premiers sujets de conversation qu'elle avait eu avec son amie. À l'époque, elle ne connaissait pas encore ses pouvoirs destructeurs et ne voyait pas comment elle pouvait utiliser de la magie sans instrument. Elle en avait donc conclu, à tort, qu'elle faisait partie d'une telle guilde.

Se remémorer ce passage la fit légèrement sourire vu qu'Elyazra pensait qu'elle prenait ce genre de personne de haut. Mais pour elle, ils étaient bien plus courageux que n'importe quel mage vu qu'ils accomplissaient les mêmes missions sans aucun pouvoir. À ses yeux, un aventurier qui réussissait une mission périlleuse avait bien plus de mérite que n'importe quel mage.

En un sens, Guard était l'un d'entre eux. Même s'il avait au départ accompagné Elyazra pour sauver la vie de ses amis bandits, il était resté honnête et les avait accompagnés dans leur mission sans avoir aucun pouvoir. Sa relation avec le satyre avait bien mal commencé, mais à présent, il était un ami au même titre que Telak ou Rael. Une fois qu'elle aurait réuni assez d'argent pour payer ses loyers et qu'elle aurait quelques économies, sans doute changerait-elle d'appartement pour que le pauvre ne dorme plus sur le canapé du salon, mais ait une chambre à lui. Il en était de même pour Elyazra, même si la beast était certaine qu'elle continuerait malgré tout à squatter son lit.

Toutes ses divagations lui avaient fait perdre le fil de son petit entraînement, mais aussi du temps, si bien qu'elle fut quelque peu surprise lorsqu'elle vit que la rune au sol s'était de nouveau illuminée. Sans hésiter une seconde, la violoniste monta dessus et, après avoir été enfermée dans un tube de lumière, se retrouva de nouveau dans l'arène flottante.

En face d'elle, de l'autre côté de la plate-forme, son adversaire apparut. Il s'agissait de la fée à qui elle avait parlé peu de temps avant. Lui aussi avait réussi à se qualifier malgré son jeune âge apparent. S'était-il confronté à l'une des deux fées qui voulaient clairement du mal à Phi, ou avait-il éliminé l'un de ceux qui était resté discret, tout comme elle ?

— Nous voici à présent arrivé au deuxième tour de cette dernière épreuve ! clama l'arbitre. D'un côté, Syara, maître gardien des partitions d'Atéa, de l'autre, Yamaré de la famille Uasal. Que le combat commence !

À ses mots, le même gong qu'au premier affrontement retentit. Vu la brève présentation et l'enchaînement direct avec le début du combat, ils devaient être pressés que tout ceci se termine. Cependant, la précipitation ne menait à rien pour les combattants qui dégainèrent leurs armes et se rapprochèrent l'un de l'autre. Arrivés assez proches pour se retrouver sur leur adversaire en quelques pas, les deux combattants commencèrent à décrire un cercle, toujours l'un en face de l'autre. Chacun observait les mouvements de l'autre et les analysait, cherchant la faille dans laquelle ils pourraient s'engouffrer et prendre l'avantage.

— Je vois que tu as réussi à te qualifier, dit la beast en continuant à tourner. Tu as pu te défouler sur l'un des deux imbéciles au premier tour ?

— J'en ai éliminé un, confirma-t-il.

Ne pas pouvoir assister aux affrontements des autres était assez frustrant. Il venait de lui apprendre que l'un des pires n'était plus dans la course, mais elle n'avait aucun moyen de savoir si l'autre s'était qualifié ou non.

— Je sais que tu ne veux pas faire de mal à Phinderellia, mais je n'hésiterai pas à te vaincre pour autant, annonça Yamaré.

— Tout comme moi, tu veux son bonheur, mais il y a une différence entre nous deux qui me pousse à ne pas te laisser gagner.

— Laquelle ?

— Si je gagne, Phi restera libre !

Sans attendre une réponse de sa part, Syara chargea la fée. Bien plus à l'aise avec son arme que pendant le premier combat, elle tenta une première estoc à l'épaule. Son objectif n'était pas de le blesser gravement, mais de faire en sorte qu'il lâche son arme et ne puisse plus l'utiliser.

Malgré sa vitesse, la fée réussit à parer l'attaque avec sa propre lame et, de son autre main, fit jaillir un trait de feu qui frôla la cuisse de la beast. Surprise, elle recula de quelques pas et jeta un regard interrogateur vers l'arbitre.

— Je croyais que la magie était interdite !

— La magie est autorisée. Vous pouvez vous-même y avoir recours si vous le souhaitez. Seule l'utilisation de votre instrument considéré comme trop puissant est interdit.

En d'autres mots, ses adversaires avaient le droit et pas elle. Pourquoi n'avait-elle pas laissé Elyazra concourir à sa place ? Tout ceci aurait été une formalité pour elle. Shay lui avait bien parlé d'une puissante magie qu'elle avait instinctivement utilisée contre le roi et qui ne demandait aucune invocation de son instrument, mais il avait aussi insisté sur le fait qu'elle était bien trop destructrice et puissante pour quelqu'un qui possédait le violon de cristal depuis si peu de temps. De plus, elle ne savait même pas comment utiliser consciemment ce qu'il avait appelé la symphonie de l'âme.

Un léger coup d'œil en direction de Phi lui apprit qu'elle n'était pas sereine pour la suite. Avec ce nouvel handicap, son avenir et sa liberté devenaient incertains. Mais tout ceci n'allait pas décourager la beast pour autant. Une nouvelle fois, elle se rapprocha de son adversaire et tenta le même coup. Celui-ci fut paré de la même manière et, comme elle s'y attendait, la fée tourna sa paume dans sa direction pour lancer son sort.

Il avait beau être doué pour quelqu'un de son âge, il restait encore inexpérimenté et la beast en profita. De sa main libre, elle saisit son adversaire au poignet et le força à lever sa main vers le ciel. Le sort partit la verticale et toucha l'immense sphère lumineuse au plafond sans faire de dégâts apparents.

Avant qu'il ne tente de se débattre, Syara lui fit une clé de bras et se retrouva dans son dos. Finalement, toutes ses années passées à persécuter gentiment Kuta lui avaient servi. Grâce à lui, elle maîtrisait parfaitement cette technique d'immobilisation.

Paume pointée vers son dos pour éviter de se prendre un sort dans le ventre, la beast donna un coup de pied dans le creux du genou de son adversaire et le força à s'agenouiller. Elle avait comme l'impression de se retrouver dans la même position que pendant le premier combat.

— Abandonne, tu ne peux plus rien faire.

Pour tenter de s'échapper, Yamaré donna des coups d'épée à l'aveugle dans son dos et battit des ailes pour se libérer. D'un coup de rapière, Syara envoya l'arme de son adversaire au loin, se saisit de son poignet pour l'immobiliser et bloqua ses ailes en tordant un peu plus son autre bras.

— Abandonne, répéta-t-elle. Je ne veux pas te faire de mal.

— Jamais ! Je n'abandonnerai jamais Phindéréllia.

Une nouvelle fois, Syara observa la réaction de la princesse. Si elle était plus ou moins restée de marbre lors du premier combat, ici, elle avait porté ses mains devant sa bouche et ses yeux brillaient de larmes qu'elle tentait de retenir. Ce combattant n'était pas n'importe qui pour elle, c'était un ami d'enfance et les dix minutes qu'elle avait passées avec lui juste avant l'épreuve avaient dû lui ouvrir les yeux sur tous les sacrifices qu'il avait faits pour elle ces deux dernières années.

Malgré la douleur, Yamaré continuait de se débattre et, avec un cri de désespoir, alluma la paume de la main qui se trouvait dans son dos.

— Ne fais pas ça ! lui hurla la beast.

Trop tard. Le sort partit et le toucha entre les ailes. Avec un dernier râle, il se cambra, puis tomba face contre terre, inerte.  

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant