Chapitre 60: La chasseresse et le satyre (Elyazra)

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Comme le satyre l'avait prédit, les bandits encore vivants s'étaient réfugiés dans l'un des camps les plus éloigné et difficile d'accès qu'ils avaient. Les différents obstacles qu'ils avaient dressés n'impressionnaient nullement la chasseresse qui pensait qu'elle aurait déjà fini de tous les achever si elle n'avait pas eu à suivre son nouveau compagnon de route bien trop lent à son goût. Elle qui se réjouissait d'enfin pouvoir voyager à sa propre allure devait à présent s'accorder avec celle du satyre, encore moins rapide qu'Orélius.

Arrivé devant une paroi rocheuse, l'épéiste poussa les branches qui camouflaient l'entrée d'une grotte et pénétra à l'intérieur. Encore une fois, elle aurait très bien pu trouver la cachette seule. Pour elle, ce travail était bâclé et on voyait bien que ce genre de végétation n'avait absolument rien à faire dans un endroit pareil.

— Guard ? s'étonna l'un d'eux. Tu as réussi à échapper à ce monstre ?

— S'échapper ? Et puis quoi encore ?! tonna Elyazra en apparaissant à son tour. Et qui a osé me traiter de monstre ?!

Les bandits, en apercevant celle qui avait tué la moitié des leurs avec une facilité et un sang-froid hors du commun, paniquèrent et reculèrent plus profondément dans la grotte. Il n'y avait cependant aucune sortie, elle le savait. Si tel avait été le cas, ce boyau aurait été traversé par un quelconque courant d'air. Mais il n'en était rien. Elle gardait la seule sortie. Ils étaient pris au piège, fait comme des rats.

Certains tenaient désespérément leurs armes devants eux tandis que d'autres se recroquevillaient sur eux-mêmes et priaient pour être épargné.

— Alors ? À présent que nous sommes tous réunis devant toi, vas-tu tenir ta promesse ou non ? s'enquit le satyre.

— Je n'ai qu'une parole, répondit-elle. Je vois que ma présence dérange, je t'attends dehors.

— Je ne serais pas long, promit-il.

— Tu as intérêt, rétorqua-t-elle avec un léger sourire.

Une fois la fausse menace proférée, la chasseresse sortit de la grotte et attendit, adossée contre un arbre. Partir de chez elle était une bonne idée finalement. Elle pouvait faire ce qu'elle souhaitait, taper sur qui elle voulait et s'était même fait un ami. Enfin... Cela restait à voir. Après tout, elle n'avait côtoyé qu'Orélius et son père depuis qu'elle était âgée de huit ans, donc le principe d'ami et la manière de s'en faire était flou pour elle. Mais elle ne s'en faisait pas de ce côté-là. Le satyre n'avait rien à craindre d'elle s'il ne l'énervait pas, ne la contredisait pas ou très peu, restait aimable, attentionné mais pas trop, drôle, gentil, calme, riait à ses blagues, ne la réveillait surtout pas lorsqu'elle avait décidé de faire une sieste et s'ils échangeaient quelques passes d'armes de temps en temps. En somme, rien d'insurmontable.

Ce dernier point en tête, Elyazra repensa au combat qu'ils avaient mené. Guard était peut-être doué en escrime pour quelqu'un de sa race, mais il ne l'était pas au point d'être un adversaire sérieux. À l'avenir, il faudrait qu'elle fasse attention à ne pas l'abîmer. Déjà qu'une de ses cornes était coupée, il ne faudrait pas qu'il se retrouve avec un bras ou une jambe en moins.

Quelques minutes passèrent et son compagnon de route sortit enfin de la grotte.

— Nous pouvons y aller, affirma-t-il. Désolé pour l'attente.

— Ils vont arrêter les agressions et le vol ?

— Sans le chef pour les guider, je pense qu'ils n'auraient pas eu le courage de continuer. Je leur ai conseillé, comme tu me l'as dit, de rejoindre Sendra et d'aider à sa reconstruction. Ils ont tout de suite accepté. Quant à moi... Tu as tenu ta promesse, ma vie t'appartiens.

— C'est vrai. Mais évite de crier ça sur les toits, je n'ai pas envie que tout le monde te prenne pour mon esclave. Disons plutôt que tu es en liberté surveillée et que je suis celle qui est en charge de ta surveillance. Allez, détend-toi un peu, je ne vais pas te demander d'endurer mille souffrances pour mon plaisir personnel. Du moins, pas tous les jours, finit-elle avec un large sourire.

Pendant les deux jours qui suivirent, la chasseresse apprit à mieux connaître l'ex-bandit. Amnésique, il ne savait pas d'où lui venait cette maîtrise des armes. Il lui parla plus en détail de sa vie de bandit et elle fut d'autant plus surprise de savoir qu'il avait réussi à instaurer un certain code d'honneur dans son ancienne bande. Même s'ils paraissaient menaçants pour les simples voyageurs, ces derniers s'en sortaient toujours indemnes ou avec de légères blessures superficielles tout au plus. Ils étaient loin d'être assoiffés de sang et ne combattaient vraiment que si leur vie était en danger. Lorsqu'il aborda ce sujet, Elyazra se dit qu'elle avait peut-être fait une erreur finalement. Ils ne méritaient sans doute pas une peine aussi lourde que la mort.

Guard, quant à lui, n'apprit pas grand-chose de plus sur elle. À part son nom et sa destination, rien ne ressortait des discussions qui la concernait. Pourtant, cette femme était la plus énigmatique qu'il n'ait jamais rencontrée. Bien plus encore que la beast qui les avait mis en déroute par deux fois.

Quelle était sa race ? À première vue, elle avait l'air humaine, mais ses yeux anormalement colorés et aux pupilles fendues contredisaient cette hypothèse. Ensuite, d'où venaient ses facultés hors du commun ? Outre sa force démesurément grande, elle avait la faculté de se téléporter et ce, sans utiliser d'instrument. Jamais il n'avait entendu parler de mages qui pouvaient utiliser de tels pouvoirs sans jouer de mélodie. Elle n'était pas non plus d'une quelconque guilde d'aventuriers qui se servait d'enchantements. Sa manière d'utiliser ses pouvoirs étaient bien trop fluide pour que ce soit ça.

Alors qu'ils arrivaient à l'autre bout de la forêt, le satyre réussit tout de même à apprendre quelque chose. Elle avait été envoyée à Léfarène pour aider et comptait bien se lancer dans la carrière de mage. Même si son futur s'avérait dangereux à ses côtés, au moins, il pourrait œuvrer pour le bien et rembourser d'une certaine façon tout le mal qu'il avait commis en tant que voleur.

Le jour commençait à décliner et la nuit ne tarderait pas à tomber. Elyazra allait proposer de s'arrêter là lorsqu'une lumière, juste après les derniers arbres, attira son attention. En s'approchant, un large sourire illumina son visage. Elle ne connaissait pas la personne qui avait eu la merveilleuse idée de construire une auberge ici, mais elle l'aimait déjà. Ce soir, elle dormirait dans un lit !

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant