Chapitre 194 : Cacher la vérité

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 Le spectacle et les courses terminées, Syara, Phi et Guard rentrèrent à leur appartement. Sur le chemin, la jeune fée arborait une démarche sautillante, fredonnant l'une des musiques qu'elle avait entendues pendant l'animation. La voir ainsi heureuse comblait la violoniste de joie, mais d'un autre côté, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle le serait peut-être plus avec une vie un peu moins mouvementée que celle qu'elle avait en l'accompagnant en mission.

Avec eux, elle pouvait découvrir le monde, mais mission impliquait problèmes. En étant à leur côté, il était possible qu'elle soit confrontée à ce qui se faisait de pire. Mais le pire, elle l'avait déjà entraperçu avec les deux alchimistes qui l'avaient enfermée et qui comptaient se servir d'elle comme d'un vulgaire composant pour leur horrible mixture. À bien y réfléchir, il valait mieux qu'elle reste auprès d'elle.

Enfin arrivés à leur appartement, ils retrouvèrent Elyazra qui, pour passer le temps, essayait de composer de nouvelles musiques. Si elle était dotée d'un don insolent qui lui permettait de maîtriser un instrument à peine quelques minutes après l'avoir touché, il lui manquait tout de même l'expérience nécessaire à l'élaboration de nouvelles mélodies.

En jetant un œil à la partition sur laquelle la demi-dragonne ne cessait de griffonner des choses, la beast ne put que difficilement s'empêcher de rire. Cela ressemblait à tout sauf à une partition et même sa propre expérience ne suffisait pas pour déchiffrer le torchon qu'elle avait devant les yeux.

— Bah quoi ? J'y comprends rien à tes machins où il faut mettre des points sur les lignes, alors j'ai inventé ma propre méthode.

— Je vois ça, rit-elle. Et ça marche bien ?

— À merveille ! Tu veux une démonstration ?

— Je n'osais pas demander.

Prenant cela comme un défi, Elyazra serra un peu plus la guitare contre elle, scruta sa feuille pendant quelque secondes, puis se mit à jouer un air simple digne d'un premier année en école de musique. Sa nouvelle méthode d'écriture de la musique sembla marcher quelques instants jusqu'à ce qu'elle se stoppe net et regarde avec insistance sa feuille tout en marmonnant quelque chose d'inaudible.

— Un problème ? demanda Syara en essayant de dissimuler son sourire.

— Non... Enfin si... Ça n'est pas encore tout à fait au point, admit-elle.

— Ah bon ? Je croyais pourtant que ça marchait à merveille, se moqua la beast.

— Rho, ça va ! Madame a fait de la musique toute sa vie et se croit meilleur que tout le monde !

— Je n'ai jamais prétendu ça ! se défendit-elle. Je comprends qu'une partition n'est pas simple à lire. Si tu veux, je peux même t'aider à mettre au point ta nouvelle méthode. D'après ce que j'ai vu lorsqu'on était dans le passé de Fos, ils utilisaient quelque chose de similaire et je pense avoir compris comment ça marchait.

— Pourquoi pas, mais pas maintenant. Je jouais juste un peu pour vous attendre. Tout s'est bien passé ?

— Tu aurais dû venir ! s'exclama Phi. Il y avait plein de choses super !

Comme un événement auquel il ne fallait pas qu'elle aille, pensa Syara. Concrètement, cela ne la dérangeait pas qu'elle puisse boire à l'œil, c'était même une bonne nouvelle pour leur porte-monnaie. Le vrai problème était le comportement d'Elyazra lorsqu'elle était alcoolisée. Même si elle n'avait pas l'alcool mauvais, loin de là, elle avait du mal à contrôler sa force. Cela était d'autant plus problématique que son sang de dragon lui en donnait une surhumaine.

Tandis que la demi-dragonne reposait l'instrument, quelqu'un frappa à la porte de l'appartement. Ne s'attendant à aucune visite, Elyazra fixa Syara d'un air interrogateur, puis se rendit jusqu'à la porte, suivie par la beast.

— Bonjour ! salua joyeusement Rael dès que la porte fut ouverte.

— Bonjour Rael ! Qu'est-ce qui t'amène ?

— Je suis passé par la place du marché ce matin et j'ai vu qu'il y avait...

En entendant qu'il allait tout révéler, Syara écarquilla les yeux et fit de grands gestes derrière Elyazra pour lui indiquer qu'il ne fallait absolument rien dire. Il dut comprendre immédiatement car interrompit sa phrase en plein milieu.

— Qu'il y avait ? questionna la demi-dragonne devant le silence qui commençait à durer.

— Qu'il y avait... Des... Spectacles vraiment amusants !

— Et alors ? Il y en a chaque semaine, commenta-t-elle.

— Tu les as vus toi aussi ? s'émerveilla Phi.

— Heu... Oui... Mais seulement de loin, inventa-t-il. En vérité, je suis juste passé dire un petit bonjour.

— Dans ce cas, entre, soit le bienvenu ! l'invita Syara pour couper court à cette discussion qui allait peut-être mener à une quelconque suspicion de la part d'Elyazra.

Acceptant l'invitation, Rael resta près d'une heure avec eux avant d'annoncer qu'il devait repartir. Sur le pas de la porte, l'elfe terminait de dire au revoir lorsque deux personnes passèrent derrière lui.

— Ce soir, je vais boire au point de ne plus tenir debout ! annonça l'un d'eux.

— Et moi donc ! Si on gagne, on a rien à payer !

— Et merde, souffla Syara.

— Bon, bah moi je vais y aller, s'empressa de dire Rael avant de se diriger d'un pas rapide vers le couloir de lévitation.

Fermant la porte, Syara se retourna lentement vers Elyazra dans l'espoir qu'elle n'ait rien entendu. Cependant, son regard et sa position, les poings sur les hanches, indiquaient que son ouïe se portait à merveille.

— C'est quoi cette histoire de boire sans avoir à payer.

— Aucune idée, répondit la beast avec un rire nerveux.

— Ne me prend pas pour une imbécile, tu sais très bien de quoi ils parlaient.

— Bon, d'accord, céda-t-elle. Sur la place du marché, un bar organise un concours de boisson où le vainqueur ne paye pas ses consommations.

— C'est tout ? Si ça n'est que ça, pas besoin de me cacher quoi que ce soit.

— Tu ne vas pas y aller ?

— Non, répondit-elle en s'étirant. Je suis trop épuisée pour pouvoir tenir un tel rythme et avoir une chance dans un tel concours. D'ailleurs, je vais aller faire une petite sieste. À tout à l'heure !

Étonnée qu'elle le prenne ainsi, Syara regarda son amie entrer dans la chambre et fermer la porte. Qu'est-ce qui lui arrivait ? Pour une telle occasion, elle aurait cru qu'elle se serait précipité dans le couloir pour rejoindre le bar qui organisait ce concours.

Après quelques minutes de réflexion, Syara trouva que cela ne lui ressemblait définitivement pas d'aller faire la sieste dans ces conditions. La beast eut alors un étrange pressentiment et alla ouvrir discrètement la porte de la chambre pour y jeter un coup d'œil.

À l'intérieur, le lit était vide et la fenêtre grande ouverte. Elle ne trouva aucune trace d'Elyazra. La dizaine d'étages qui séparaient l'appartement du sol n'avaient pas du la dissuader bien longtemps.

— C'est pas vrai, souffla la beast.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant