Chapitre 165 : Désert de cendres

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 — Alors... Tu vas finir par me dire ce que l'on fait ici ? questionna Shay avec une pointe d'impatience dans sa voix.

Pour appuyer sa question, le dragon montra la plaine sur laquelle ils se trouvaient. Cela faisait deux mois qu'ils étaient partis de Méralys et malgré sa promesse de tout lui expliquer, Fos ne lui avait presque rien dit. Leur voyage les avait menés à cet endroit désolé où le sol n'était que cendres grises et terres stériles à perte de vue. Si Fos cherchait un moyen de changer la cérémonie de passage pour devenir mage, il était difficile de s'imaginer que la solution se trouvait ici.

— Cela m'étonne qu'un dragon n'ait pas remarqué ce que je n'arrête pas de ressentir en foulant ces terres, sourit le violoniste.

— De quoi tu parles ?

— Finalement, j'aurai peut-être dû demander à ton frère plutôt qu'à toi, souffla-t-il.

— Je parie que c'était ton idée initiale mais que tu n'as pas réussi à le trouver. Il a toujours su se faire oublier et disparaître avec bien plus d'efficacité que moi.

— Détrompe-toi, je sais exactement où il se trouve. Cependant, tu étais le plus proche lorsque j'ai eu cette idée. Sachant que des personnes meurent chaque jour en échouant lors de la cérémonie, je ne pouvais me permettre de perdre du temps en voyage.

— Dans l'autre monde, avant l'ouverture du portail, Toutes les villes étaient reliés par un réseau de portails. S'ils mettaient en place un tel système, nous n'aurions pas eu à voyager aussi longtemps pour aller à l'autre bout du monde.

— Je me souviens que les races de l'autre monde utilisaient une forme éphémère de ce dont tu me parles pour traverser de grandes distances. Pour le moment, je pense que nous sommes un peu trop concentré sur la construction de nouvelles villes pour penser à ça, mais je suis sûr que ces portails réapparaîtront un jour ou l'autre.

— Et donc, ça ne répond toujours pas à ma question. Que faisons-nous ici ?

Pour toute réponse, Fos se baissa et balaya les cendres qui se trouvaient à ses pieds. À main nue, il creusa un trou de quelques centimètres dans la terre sèche et craquelée, puis y extirpa une petite pierre bleue translucide aux reflets violets qu'il tendit à Shay.

— Sais-tu ce que c'est ?

— On dirait de l'énergie cristallisée, répondit le dragon en observant la pierre dans la paume de sa main.

— On en retrouve un peu partout sur les lieux qui ont servi de champs de bataille pendant les deux guerres. Ces cristaux regorgent d'une énergie qui peut être exploitée. Elle l'est d'ailleurs par les végétaux qui ne se privent pas de puiser à l'intérieur pour puiser la force qu'ils ne peuvent plus recevoir grâce à la photosynthèse.

— Difficile à croire avec ce paysage, commenta Shay.

— Cet endroit est à ce jour l'un des seuls à être à la fois dans cet état tout en étant jonché de cristaux. Pourquoi à ton avis ?

Avant de répondre, le dragon scruta plus attentivement la pierre qu'il avait dans la main. En se focalisant un peu plus dessus, il remarqua que de minces filins d'énergie, à peine perceptible pour lui et donc totalement invisible pour les humains et les autres races le reliait à différents endroits de la terre. En suivant l'un d'eux, il put déterrer un nouveau cristal lui aussi relié à la terre par de nouveaux filaments.

— Les cristaux ne sont pas isolés et forment un véritable réseau, conclut-il.

— Serais-tu capable de sectionner ce lien ?

En se concentrant un peu plus sur les pierres et en y insufflant lui-même son énergie à l'intérieur, le dragon vit les liens avec la terre se rompre un à un. Lorsque tous furent sectionnés, les deux cristaux qu'il tenait perdirent instantanément de leur éclat. Une légère lueur bleue pâle subsistait, mais elle était loin d'être aussi rayonnante qu'avant.

— Si l'on prive quelqu'un de nourriture, il meurt, mais il en est de même si on le force à en manger trop. Une quantité inimaginable d'énergie traverse ces terres dans le réseau que forment ces cristaux et tue tout ce qui essaie de prendre vie ici.

— Tu veux donc savoir pourquoi les cristaux ont créé un tel réseau ici, c'est ça ?

— Pas exactement. Ce genre de réseau existe aussi dans les régions où la nature l'utilise pour s'épanouir. Concrètement, il répartit l'énergie de façon homogène entre tous les cristaux. Rappelle-toi ce qui s'est passé lorsque tu as brisé les liens.

— Tu sais que cette façon de parler qui me donne l'impression d'être un gamin à qui on apprend une leçon est vraiment dérangeante ?

— Pour une fois que c'est toi qui te trouves dans la peau du gamin, ça ne va pas te faire de mal. Alors, ta réponse ?

— Merde ! Voilà ma réponse. Deux mois qu'on voyage et tout ce que tu trouves à dire pour répondre à mes questions, c'est d'en poser d'autres. Je croyais que le temps était compté, alors arrête un peu et dis-moi tout.

— Très bien, céda Fos. Lorsque tu as rompu le lien, tu as bien vu que le cristal avait perdu la majeure partie de son énergie. Dans les autres régions, ce phénomène n'est pas aussi marqué et on ne voit presque pas cette perte.

— Viens en au fait, s'impatienta Shay.

— Imagine que chaque cristal est un bassin. L'énergie qui se trouve à l'intérieur est symbolisée par de l'eau. L'énergie du cristal en lui-même est représentée par un filet d'eau qui tombe dedans. Tu me suis ?

— Pour l'instant oui, souffla le dragon qui aurait voulu une réponse plus direct.

— Alors maintenant, imagine que chaque bassin est relié aux autres par des tuyaux et qu'ils se trouvent tous sur un terrain plat et parfaitement horizontal. Que va faire l'eau ?

— Elle va se répartir équitablement entre tous les bassins.

— Exactement. De ce fait, si les bassins sont les mêmes, que l'eau apportée à chacun d'entre eux les remplis à moitié et que l'eau contenu dans les tuyaux est considéré comme négligeable, tu es d'accord avec moi si je dis que le niveau de l'eau dans un bassin ne devrait pas changer s'il est relié ou non aux autres.

— Continue...

— Voilà donc ma question. Si on se trouvait dans cette situation, alors pourquoi celui-ci, qui est à peu près de la même taille que les autres, s'est retrouvé gorgé d'autant d'énergie ? Je pense que tu as compris ce que nous cherchons à présent. Ce réseau est relié à un bassin bien plus grand dans lequel se déverse non pas un filet, mais un véritable torrent. Ce que nous cherchons ici, c'est un cristal de la taille d'un homme.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant