Accompagnée des deux Fos, Syara retourna dans la deuxième salle. Cependant, ce qu'elle venait d'apprendre sur les mages du passé et leur puissance supérieure à ceux du présent avait piqué sa curiosité. Elle voulait en savoir plus. Malgré tout, ça n'était ni l'endroit, ni le moment de discuter de cela, surtout en sachant qu'Elyazra avait la patience d'un enfant hyperactif de cinq ans.
Après avoir passé la grande porte, la beast remarqua immédiatement quelque chose. L'enfant hyperactif avait encore frappé. Le peu de temps qu'elle avait passé à discuter avec les deux Fos pour les convaincre de passer à l'épreuve lui avait suffi pour réduire toutes les statues en un immense tas de gravas.
— Mais qu'est-ce qui s'est passé ici ? s'exclama l'esprit du coffre.
— Ely ?
Prise la main dans le sac, la demi-dragonne s'approcha rapidement de son amie avec une expression désemparée sur le visage.
— Je suis désolée, je n'ai pas eu le choix, ils s'étaient mis à bouger et à m'attaquer !
— C'est impossible, je ne les avais pas encore activées, c'était des statues tout ce qu'il y a de plus normal !
D'un côté, Syara avait son amie qui se disait avoir été attaquée et, de l'autre, le maître de ce monde, qui pouvait littéralement en dicter les règles, disait que sa défense ne tenait pas. Qui croire ? La violoniste avait envie de pencher en faveur de la demi-dragonne, mais quelque chose la dérangeait. Une certaine lueur de culpabilité dans son regard. De plus, son inquiétude sonnait faux. La connaissant, elle se serait plus vantée d'avoir vaincu à elle seule autant d'ennemis.
— Ely... Tu es certaine que les statues t'ont attaquée ?
— Oui... Enfin... Elles... Elles m'avaient mal regardé, voilà !
— Comment une statue peut mal regarder quelqu'un ? intervint Phi.
Cette simple question posée innocemment par la fée venait de déstabiliser en un rien de temps la défense de la demi-dragonne. De plus, encore une fois, ce discours quoi que déjà plus proche de la réalité ne correspondait pas au tempérament d'Elyazra.
— Donc, tu as détruit deux-cents statues parce que tu as cru que l'une d'elles t'avais mal regardée, résuma la beast.
— Elles m'avaient toutes mal regardé !
— Elles étaient absolument identiques en tout point, 'est normal qu'elles aient le même regard ! s'emporta Fos.
— Ely, je commence à bien te connaître et je sais que tu n'es pas du genre à t'emporter comme ça pour un simple regard. S'il te plaît, dis-moi la vérité.
— Bon... D'accord ! céda-t-elle.
Si Elyazra pouvait être entêtée, son impatience ne jouait pas en sa faveur et l'empêchait de se murer dans un mensonge trop longtemps. Le fait qu'elle ait passé une grande partie de sa vie isolée et coupée de la société faisait aussi qu'elle devait être incapable de tenir un mensonge et, surtout, de se tenir à une seule version de ce mensonge.
Si elle avait insisté sur le fait qu'elle s'était défendue parce que les statues l'avaient attaquée, Syara se serait rangée de son côté et aurait fini par lui trouver une explication logique. À présent, elle était impatiente de connaître la vérité.
— Je m'ennuyais, voilà ! Leur petite dispute interminable m'avait énervée et il fallait que je tape sur quelque chose. J'ai donné un coup à une statue et elle s'est brisée, j'ai trouvé ça amusant, alors j'ai recommencé avec une autre et je n'ai pas réussi à m'arrêter.
— Elle est exactement comme son père ! Elle s'amuse à casser tous mes jouets ! accusa le Fos du coffre.
— Mais il ne nous a jamais rien cassé, réfléchit l'autre esprit.
— Si ! Il n'arrêtait pas de me casser les c...
Avant qu'il n'ait fini sa phrase, l'autre Fos lui donna un coup derrière la tête pour éviter qu'il ne continue.
— Surveille ton langage, il y a une jeune fille ici.
Et c'était reparti pour une autre scène entre les deux Fos, souffla intérieurement la beast. Même si elle était contente de savoir qu'il se souciait de Phi, elle avait malheureusement entendu bien pire lorsqu'elle avait servie de récompense pour le tournoi des fées et ça n'était pas le mot qu'il était sur le point de prononcer qui allait la choquer.
Pourtant, la jeune fée les dévisageait avec de grands yeux, comme si elle n'avait pas réussi à compléter la phrase de l'entité qui vivait dans le coffre. Cette expression d'innocence fit sourire Syara un instant, puis elle revint sur les deux parties de l'âme de Fos qui avaient recommencé à se chamailler.
— Dites... Vous pouvez faire ce que vous voulez ici. Pourquoi ne pas reconstruire les statues ?
— Parce que j'ai mis un temps fou à les créer ! Si elle en avait épargné au moins une, j'aurai pu faire quelque chose, mais là, je suis incapable d'en refaire.
— On peut donc considérer que c'est une victoire par abandon, proposa l'esprit du violon, visiblement amusé par la situation, contrairement à l'autre partie de son âme.
— Par abandon ? Par sabotage oui ! Si un athlète ne se présente pas à une compétition parce que les amis de son concurrent lui ont cassé la gueule sur la route, le concurrent devrait être disqualifié.
— Vous êtes fautifs vous aussi, accusa Elyazra. Si vous ne passiez pas votre temps à vous disputer, peut-être que les gens seraient moins enclins à avoir envie de taper dans quelque chose pour se passer les nerfs.
— Et puis ça t'apprendra à créer autant d'épreuves, compléta le Fos du violon.
— J'y crois pas. Elle détruit mes belles statues et c'est moi qui me fais engueuler !
— Allons, tu n'as qu'à relativiser. Elles auraient fini en miette de toute façon. En même pas deux semaines, Syara a réussi à invoquer deux tornades en même temps. Malgré son apparence, Elyazra est bien plus forte qu'un simple humain, au point de pouvoir détruire un instrument lié et Phi a un pouvoir de soin et de protection presque du même niveau que le nôtre. Ta malheureuse petite armée n'aurait pas tenue plus d'une minute face à elles et elles s'en seraient sorties sans une égratignure et à peine essoufflées.
Les yeux rivés vers l'horizon et se caressant la barbe d'une main, Fos se mit à réfléchir. Il resta dans cette position un long moment, jusqu'à ce que la jeune fée se poste devant lui, les mains jointes et le regard implorant.
— S'il vous plaît, laissez-nous continuer. On sera sage, c'est promis !
— Comment refuser une telle demande, répondit-il, immédiatement attendri.
Étonnée par la rapidité de la réponse, Syara se demanda un instant si, en plus de ses pouvoirs curatifs, sa jeune amie n'avait pas un puissant pouvoir de persuasion qu'elle utilisait sans même s'en rendre compte. Chacun de ses gestes et de ses paroles respirait la sincérité et l'innocence, et le fait qu'elle saute au cou de Fos pour l'embrasser sur la joue en entendant sa réponse en était une autre preuve.
En détruisant les statues, Elyazra avait créé une autre épreuve qui consistait à convaincre Fos et Phi l'avait réussi haut la main.
À côté d'eux, une autre porte, cette fois-ci à taille humaine, sortit du sol et s'ouvrit. Une intense lumière venait de l'autre côté, si bien qu'il était impossible de voir ce qui s'y trouvait. S'attendant à à peu près tout, la beast passa la porte, immédiatement suivie par ses deux amies, et se rendit dans la salle de la prochaine épreuve.
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Le violon de cristal: les partitions perdues
FantasyDans un monde où musique est synonyme de magie, où presque toute forme de technologie à disparue, où les humains ne sont plus les seuls êtres pensants de la planète depuis bien longtemps et où la terre, ravagée par les guerres, se remet peu à peu, v...