Chapitre 197 : Une traversée peu rassurante

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 — C'est ça le bateau qui doit nous emmener sur l'île d'Horn ? questionna Syara en retrouvant le reste du groupe sur le quai.

Vu qu'il était le seul qui se trouvait à proximité, il était évident qu'elle allait monter sur celui-ci, mais sa question avait plus pour but de montrer sa crainte et ses appréhensions que d'avoir une véritable réponse. L'embarcation de taille modeste était pourvue d'un seul mât, mais ça n'était pas sa taille qui la rebutait.

Toute la coque était recouverte d'un vert sombre qui n'était certainement pas de la peinture. La moindre petite vague en faisait craquer les planches et n'inspirait absolument aucune confiance. Pour la beast, c'était un miracle que cette épave arrive encore à flotter et ne soit pas au fond de l'eau. Quoi que... Vu son allure, il pouvait très bien y avoir fait quelques tours et avoir été remonté par un quelconque moyen.

— Si vous n'êtes pas contente, vous pouvez très bien vous trouver un autre capitaine et un autre navire, répondit sèchement un homme à côté du groupe. Mais ça m'étonnerait que vous trouviez. Personne n'a envie de s'approcher de cette foutue île avec tous les enchantements qu'ils ont à bord de leurs rafiots.

— Je ne voulais pas vous offenser, mais il y a quand même une différence entre un bateau sans enchantement classique et le vôtre...

— Tien donc, vous ne m'aviez pas dit qu'il y avait une spécialiste dans votre petit groupe de marchand, railla-t-il. Vous êtes plutôt mignonne, alors on ne vous a peut-être jamais dit ça, mais y faut pas juger sur les apparences. Ça fait vingt ans que je navigue sur ce bateau et je ne l'échangerai en aucun cas contre un autre, aussi beau et bourré d'enchantement soit-il. J'en ai vu des petits merdeux qui se prenaient pour des capitaines avec leur navire flambant neuf qui n'avaient jamais touché une seule goutte d'eau. Aujourd'hui, ils nourrissent les poissons pendant que je continue de voguer sur ce que vous pensez être une épave. Maintenant, vous embarquez ou non, moi je m'en fous, mais grouillez-vous, j'ai pas que ça à foutre.

Visiblement, ce capitaine n'avait pas l'habitude de se trouver en compagnie d'autres personnes. Son franc-parler mettait d'ailleurs Phi mal à l'aise. Pourquoi avait-il fallu que le seul qui accepte de les emmener soit comme ça ?

De toute façon, ils n'avaient pas vraiment le choix. Ils n'allaient pas rester indéfiniment sur le quai. Plus vite ils seraient montés sur ce bateau, plus vite ils seraient arrivés et plus vite ils pourraient s'éloigner de cette personne qui sentait plus l'alcool qu'une dizaine de tonneaux ouverts. En somme, il cochait presque toutes les cases de la caricature du marin peu recommandable.

Un à un, les membres du groupe empruntèrent la planche étroite qui menait au pont. Tout comme le reste du bateau, ce dernier donnait l'impression que les planches de bois qui le constituait étaient pourris jusqu'au cœur et pouvait céder au moindre faux pas. Le grincement qu'elles faisaient à chacun de leur pas n'allait pas non plus les aider à être rassurés.

Malgré tout, le capitaine ne semblait pas s'en soucier et arpentait le pont d'un pas lourd tout en transportant des tonneaux depuis le quai.

— Si vous avez peur qu'on coule, vous avez qu'à vous foutre là dedans, railla-t-il en pointant l'un des tonneaux. Ça vous servira d'embarcation de secours. Par contre, je garantis rien en ce qui concerne l'odeur.

Fier de sa remarque, le capitaine partit dans un fou rire gras des plus disgracieux. Personne ne semblait véritablement à l'aise sur le pont et aucun membre du groupe ne savait où s'installer. À l'avant se trouvaient les tonneaux qui, comme l'avait si bien fait remarquer le propriétaire du bateau, étaient loin de sentir la rose. Mais à l'arrière, le capitaine venait de s'installer à la barre.

— Vu que vous êtes là, vous pourriez peut-être vous rendre utile et remonter l'ancre. Si vous savez pas comment faire, adressez-vous à la spécialiste.

— La spécialiste, elle va te faire passer par-dessus le bord, grinça Syara entre ses dents.

Pendant qu'elle aidait à remonter l'ancre, certaines questions lui vinrent à l'esprit. Avaient-ils payés pour cette traversée ? Était-il toujours seul sur ce bateau ? S'il lui arrivait d'avoir un équipage, comment faisaient-ils pour le supporter ?

Tandis qu'un déclic annonçait que l'ancre était relevée, le capitaine tira sur un levier à proximité et fit descendre la voile. Grâce à une manivelle qui se trouvait elle aussi à sa portée, il l'orienta de façon à ce qu'elle gonfle.

Craquant de toute part, l'embarcation se mit à quitter le port et avança sur les flots qui, pour le moment, étaient calme. Même si le vent n'était pas totalement en leur faveur, il ne venait pas de face non plus, ce qui permettait d'avancer à une bonne allure. Il ne restait plus qu'à attendre d'arriver à l'île d'Horn.

Il n'y avait cependant pas grand-chose à faire pour passer le temps. La mer grise sur fond de ciel tout aussi gris n'était pas un spectacle très distrayant et tout ce qui se rapprochait à la magie, comme la musique, était à proscrire pour éviter que le capitaine ne se rende compte qu'ils n'étaient pas marchands, mais mage.

Au moins, il était concentré sur sa navigation et ne faisait plus de remarques. Il ne semblait même plus remarquer leur présence sur son bateau.

— Ely, c'est toi qui l'a trouvé ? questionna Syara à voix basse en s'approchant de son amie.

— Oui. D'après ce qu'il m'a dit, il transporte régulièrement toute sorte de chose vers l'île, notamment des denrées alimentaires. Vu que c'est une petite île, il n'y a pas assez de place pour faire pousser de quoi subvenir à tout le monde. Il y a bien la pêche, mais on ne peut pas se nourrir exclusivement de poisson.

— Donc il sert de navette de ravitaillement. Comment les habitants font pour payer tout ça ?

— Il y a une mine riche en pierre précieuse sur l'île. La grande majorité des habitants sont soit pécheurs, soit mineurs. Les autres métiers ne font que tourner autour de ces deux professions.

— Tu sembles bien connaître cette endroit. Tu y es déjà allé ?

— Çà, tu le verras bien assez tôt.

Voulant clore cette discussion, Elyazra s'éloigna de Syara et alla se positionner près du capitaine. Sachant qu'il ne portait pas la beast dans son cœur, la demi-dragonne savait qu'elle n'insisterait pas au risque de se prendre d'autres réflexions.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant