— Syara, réveille-toi, chuchota Telak en secouant doucement la jeune femme.
La beast, dans un élan de motivation... Enfouit sa tête au plus profond de son duvet pour se couper de l'extérieur et continuer à dormir encore un peu. Soit, pour elle, une heure ou deux.
— Très bien, comme tu voudras. Ça me fera plus de brioche pour le petit-déjeuner.
Intriguée, l'apprentie mage laissa dépasser une oreille de sa couette.
— L'aubergiste m'en a donné quelques-unes avant que nous partions, mais vu que tu ne sembles pas vouloir te lever, je vais devoir les manger avant qu'elles ne se perdent.
— Attends ! Je suis levé, je suis levé ! s'exclama Syara qui sauta d'un bond de son duvet. Alors, ou sont-elles ?
— Qui ? demanda-t-il innocemment.
Il ne fallut pas longtemps à la violoniste pour comprendre qu'elle s'était faite rouler. Telak avait réussi à la sortir de son lit en lui faisant miroiter un bon repas, et elle était tombée dans le piège comme une débutante.
— Tu ne paies rien pour attendre. Répondit la jeune femme avec un sourire sadique.
Rien ne servait de s'énerver maintenant, elle aurait sa vengeance, tôt ou tard.
Résignée à ne pas avoir ses brioches, Syara piocha dans ses propres provisions. Bien que les arbres qui les entouraient les protégeaient du vent, une telle fraîcheur dès le réveil n'était pas des plus agréables, et rien n'était mieux qu'un bon feu pour combattre l'engourdissement dû au froid.
Alors qu'elle mangeait tranquillement quelques fruits secs près du feu de camp, la beast remarqua que la taille du tas de bois qu'ils avaient ramené la veille avait grandement diminué. Ils ne pouvaient pas en avoir utilisé autant le soir et le matin. Cela ne voulait dire qu'une chose, son compagnon de route était peut-être espiègle, mais il était tout aussi attentionné.
— Tu n'as pas dû beaucoup dormir cette nuit, constata-t-elle.
— Pourquoi ?
— Tu as entretenu le feu toute la nuit.
— Comme-ci j'avais eu le choix, tes claquements de dents m'empêchaient de dormir.
L'apprentie mage commençait à connaître le personnage et, de ce fait, ne prit pas la remarque pour elle, se contentant de lui tirer la langue en réponse à son sourire habituel.
Une fois bien réveillés, les deux mages rangèrent le camp et se remirent en route. Ils marchèrent toute la matinée et le début de l'après-midi jusqu'à ce que quelque chose attirait leur attention. À une centaine de mètres, une charrette était arrêtée sur le bord du chemin et, à côté d'elle, un homme agitait ses bras pour leur faire signe.
— Restes sur tes gardes, conseilla Telak en gardant l'allure.
— Je vous en pris, aidez-moi ! supplia l'étranger une fois à portée de voix.
Le démon se plaça légèrement devant son apprentie afin de la protéger d'une hypothétique embuscade et salua l'homme une fois arrivé à son niveau.
— Bonjour. Un problème ?
La question était purement rhétorique. Chaque essieu de la charrette avait été brisé et la personne en face de lui semblait désespérée. La bonne question n'était donc pas de savoir s'il y avait un problème, mais bien quel était le problème.
— Vous êtes mage, n'est-ce pas ? Je vous en supplie, des bandits m'ont attaqué et ont pillé ma charrette.
— Ils doivent profiter de l'exode des réfugiés pour s'en prendre à eux, supposa la violoniste. C'est peut-être à cause d'eux que nous n'avons croisé personne hier.
— Avez-vous croisé d'autres personnes qui se sont fait attaquer ?
— Non. Je n'avais rencontré personne jusqu'à ce qu'ils sortent de nulle part, brisent mes roues et me menacent avec leurs armes pendant qu'ils pillaient tout ce que je transportais.
— Je suis vraiment désolé, mais nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps en faisant un détour. Une ville entière est en péril.
— Mais si un groupe de bandit s'attaque aux moindres personnes qui passe par là, sauver Sendra ne servira rien. Une ville peut être reconstruite, mais on ne peut pas ramener ses habitants à la vie. Imagine qu'ils ne se contentent plus de piller et commencent à les tuer pour ne pas laisser de trace.
— Votre ami a raison, je suis sans doute la première de leurs victimes, mais je ne serais peut-être pas le dernier. En plus, outre les quelques objets de valeur, ses malfrats ont dérobé une relique que la ville m'avait chargée de mettre en lieu sûr. S'ils apprennent que j'ai échoué, ils me tueront.
La peine de mort pour s'être fait attaquer ? Cette personne exagérait visiblement ce qu'il disait à cause de ce qui venait de lui arriver. À sa connaissance, aucun gouvernement au monde n'était assez strict pour punir ainsi une personne s'étant faite voler le bien qu'il devait transporter.
— Une relique ? Quelle relique ? questionna le bassiste, intrigué.
— La guitare du grand mage Volach ! s'exclama-t-il. Je devais l'emmener à Léfarène.
Volach. Syara connaissait ce nom. Il faisait partie de ses héros préférés lorsqu'elle était encore à l'école. Ce mage avait, à lui seul, repoussé l'attaque d'un dragon noir sur Sendra. Il avait combattu vaillamment la bête et s'était sacrifié pour protéger les habitants du courroux de dragon. Après le combat, seul son instrument lié avait été retrouvé et des statues le représentant avaient été dressé aux quatre coins de la ville en son honneur, pour que les générations futures se souviennent de son courage et qu'il devienne une source d'inspiration, de droiture et d'inflexibilité face à l'adversité.
— Que faisons-nous ? demanda Telak. La décision finale te revient.
Mettre entre parenthèses le sauvetage de la ville et partir à la chasse au bandit au risque de perdre définitivement Sendra, sachant qu'avec ce qu'ils avaient déjà dérobés, ils n'avaient plus besoin de voler qui que se soit. Ou bien ignorer sa requête et continuer la mission en prenant le risque qu'ils s'attaquent encore aux habitants et aillent jusqu'à les tuer pour prendre leurs biens.
La ville ou ses habitants ? Le risque de ne pas trouver la solution pour la sauver ou celui de ne jamais retrouver les malfrats ? Protéger ceux qui sont encore là-bas ou ceux qui ont déjà pris la route ? Pouvait-elle au moins refuser quelque chose d'aussi important en sachant que celui qui lui avait demandé de l'aide se trouvait devant elle ?
— Dans quel état était la ville lorsque vous êtes partis ? demanda-t-elle.
— Les mages déjà sur place ont bâti un mur gigantesque sur toute la côte pour la protéger et ont élevé un dôme sur toute la cité afin d'endiguer la montée des eaux à cause de la pluie. Ils sont coordonnés et peuvent tenir encore quelque temps. De plus, une autre partie des mages étudient le phénomène et essaient de déterminer ce qui provoque cette catastrophe, mais pour l'instant, ils n'ont rien trouvé.
— Très bien. La ville est donc entre de bonnes mains pour l'instant. Nous allons vous aider à retrouver la relique et nous la rapporterons à Sendra. De là, ils pourront envoyer quelqu'un d'autres pour la mettre en lieu sûr. Vous n'avez plus à vous en faire, nous nous occupons de tout !
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Le violon de cristal: les partitions perdues
FantasyDans un monde où musique est synonyme de magie, où presque toute forme de technologie à disparue, où les humains ne sont plus les seuls êtres pensants de la planète depuis bien longtemps et où la terre, ravagée par les guerres, se remet peu à peu, v...