Chapitre 92 : Les harpies et la musique

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Tandis que Telak finissait les bandages de la harpie, Syara et Elyazra revinrent de leur recherche de bois. Malgré le peu d'arbres à proximité, elles avaient, avec l'aide des deux harpies plus âgées, réussi à en ramener assez pour que le feu tienne une bonne partie de la nuit. Pendant ce temps-là, Rael avait sorti tout le nécessaire pour cuisiner et commençait à préparer les ingrédients pour faire un pot-au-feu. Un instant, la beast se demanda où il avait bien pu cacher la petite marmite et tout ce qui lui permettait de la maintenir au-dessus du cercle de pierre qui entourerait bientôt le feu de camp, mais se rappela qu'elle-même avait une sacoche qui pouvait s'agrandir et accueillir un coffre entier puis se rétracter pour ne faire que la taille d'une bourse.

— Ça va mieux ? s'enquit la violoniste en s'approchant de la jeune harpie.

— Oui, merci beaucoup.

— Je vais m'occuper du feu, déclara la chasseresse en installant les branches dans le cercle de pierre.

Avant qu'elle n'ait le temps de faire quoi que se soit, Syara s'approcha d'elle et se pencha pour lui parler. Quelque chose la faisait douter et il fallait qu'elle en ait le cœur net.

— Dis, chuchota-t-elle. Tu sais faire des flammes normales ?

— Non, pourquoi ?

— Et comment est-ce que tu comptes faire du feu ?

— Bah, avec mes pouvoirs, répondit-elle en haussant les épaules.

— Dans ce cas, je crois que tu devrais me laisser faire. Tes flammes sont peut-être chaudes, mais ne produisent pas beaucoup de lumière. En plus, j'aimerais éviter que la jeune harpie revoit ce sort. Cette expérience l'a peut-être traumatisée.

— Comme tu voudras, céda-t-elle en se relevant. Guard. Un entraînement en attendant que tout soit prêt, ça te dit ? Ne t'en fais pas, j'irai doucement.

— Pourquoi pas. Il me reste encore un peu d'énergie à revendre après avoir escaladé cette falaise.

Devant le regard intrigué des deux grandes harpies, la chasseresse et l'ancien bandit s'écartèrent un peu et dégainèrent leurs lames avant de se jeter l'un sur l'autre. Syara, elle, ne prêta pas attention à leur petit numéro qui, elle en était sûre, servait à impressionner les harpies. Se concentrant plutôt sur sa tache, la violoniste invoqua son instrument et, une nouvelle fois sans archet, commença à jouer pour allumer le feu de camp.

Faire ceci lui rappela le premier exercice que lui avait donné Telak lorsqu'ils étaient partis pour Sendra. À ce moment-là elle avait voulu transmettre par sa musique une scène épique, remplie de flammes et de combats contre une créature gigantesque sans trop de succès. Ici, elle prit l'aspect réconfortant et chaleureux qu'un feu de camp pouvait apporter et retranscrit avec sa musique les émotions qui s'en dégageaient lorsqu'elle se trouvait près de lui.

Cette fois-ci, la beast ne fut pas trempée jusqu'aux os et réussit rapidement à embraser les branches. Avec un léger sourire, Rael la remercia et lui assura qu'il prenait le relais en posant sa marmite au-dessus du feu. Ses corvées étant terminées, Syara se retourna pour observer les passes d'armes de ses amis, mais se stoppa en apercevant la jeune harpie. Celle-ci n'en avait que faire du combat et la regardait avec des yeux remplis d'étoile et un grand sourire. Il s'effaça cependant lorsqu'elle baissa le regard sur ses propres mains pourvus de trois doigts griffus.

Comprenant ce à quoi elle pensait, la beast s'approcha et se mit à son niveau pour lui parler.

— Tu sais, il existe beaucoup d'instruments aussi beau que le violon et où les serres ne sont pas un problème.

— Vous jouez tellement bien. C'est la première fois que je vois un instrument comme ça, ça me change de mon village.

— Et encore, je ne peux pas vraiment y jouer comme je le veux, mais si tu veux, lorsque nous serons chez toi, je te ferai écouter le vrai son d'un violon. Mais dis-moi, vous jouez de la musique dans ton village ? demanda-t-elle en s'asseyant et en l'invitant à en faire de même.

— Un peu. Nous chantons et faisons des percussions, mais rien d'aussi élaboré que votre instrument.

— J'aimerai beaucoup entendre ces chansons et en découvrir plus sur votre culture à toi et tes sœurs... Enfin, si ce sont vraiment tes sœurs.

— Elles le sont vraiment, pourquoi ?

— A vrai dire, je ne sais pas si ce sont des hommes ou des femmes.

— Tu n'arrives pas à reconnaître ça ? s'étonna la jeune harpie. Celui qui prépare à manger est un homme ou une femme ?

— Un homme, répondit-elle, sans savoir où elle voulait en venir.

— Et les deux personnes qui se battent ?

— Guard, le satyre est un homme et Elyazra est une femme.

— Tu vois, tu y arrives, alors pourquoi tu n'arrives pas à le reconnaître chez des harpies ? Nous ne sommes pas si différentes.

— On m'avait assuré que les hommes et les femmes de ton peuple se ressemblaient à un tel point que personne ne savait vraiment reconnaître le sexe d'une harpie.

Face à cette réponse, la jeune harpie se mit à rire sans réussir à s'arrêter, volant même un instant la vedette aux deux combattants. Voyant qu'il ne lui arrivait rien de grave, les deux aînées sourirent en l'apercevant dans cet état et reportèrent de nouveau leur attention sur le combat.

— Ce doit être parce que personne n'a vu d'homme harpie. Déjà que très peu de personnes s'aventurent dans les montagnes, aucun n'ose aller dans les villages harpies, ce doit être pour ça que vous croyez ça. En réalité, ils ne sortent que très rarement du village et ils ne sont pas aussi nombreux que les femmes.

— Pas aussi nombreux ? répéta la beast.

— Sur vingt harpies, seule une est masculin, expliqua-t-elle. Vu qu'ils sont bien plus rares, ils ne s'aventurent pas très loin pour éviter qu'il leur arrive quelque chose.

Syara se rappela qu'elle tenait cette information de Rael. Il n'était pas aussi bien informé que ça finalement. Elle se promit de faire plus attention aux informations qu'il pourrait avoir à l'avenir.

En attendant que le dîner soit prêt, la beast demanda de plus amples informations sur la manière de vivre des harpies. La jeune semblait prête à partager cela avec elle et elle espérait trouver la raison qui poussait ce peuple à vivre reclus dans les montagnes et à attaquer quiconque s'approchait de trop près alors qu'ils semblaient bien assez intelligents pour s'intégrer. Elle n'eut cependant pas de réponse avant que l'elfe ne prévienne que tout était prêt. Qu'importe. Elle aurait le temps de le découvrir plus tard.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant