chapitre 115 : Dessins

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 Une fois sortie de la maison, Syara se dirigea vers le ruisseau qui se trouvait un peu plus loin. Elle y trouva, assis et adossé à un arbre, Guard qui semblait absorbé par quelque chose qu'il tenait en main. Sans faire de bruit, elle s'approcha et jeta un œil par-dessus son épaule.

Le satyre était en train de dessiner sur un calepin la fée qui posait devant lui. Le dessin était très ressemblant et parfaitement représentatif. Que ce soit dans les proportions ou dans les traits du petit être ailé, Guard prenait un grand soin à ce qu'aucun détail ne lui échappe. Même les nervures sur les ailes étaient identiques aux vraies.

— J'ai bientôt fini, indiqua-t-il à la fée.

— C'est magnifique, la félicita Syara.

Surpris, le satyre sursauta. Heureusement, la beast s'était attendue à cette réaction et avait attendu qu'il lève le fusain pour éviter qu'il ne dérape et gâche ce qu'il avait fait.

— Je ne savais pas que tu dessinais, et encore moins aussi bien.

— Je pense que ce devait être une de mes passions avant que je ne perde la mémoire. Je m'y suis mis un peu par hasard, et je me suis rendu compte que j'arrivais parfaitement à reproduire les choses et à estimer leurs proportions.

— Décidément, dessin, batterie, combat, cuisine... Tu as d'autres talents cachés comme ça ?

— Je n'en sais rien, admit-il en mettant un dernier coup de fusain pour accentuer une ombre. Voilà, c'est terminé. Désolé, je n'ai pas de couleur sur moi.

La fée, avec un large sourire, se releva et alla se positionner sur l'épaule du satyre. Son visage s'illumina d'autant plus lorsqu'elle posa les yeux sur sa représentation. Même si elle ne parlait pas, il était aisé de voir qu'elle était ravie.

— Tu en as d'autres sur toi ?

Guard laissa encore un instant la fée s'admirer, puis donna le calepin à la violoniste. Tout aussi curieuse de voir les autres œuvres, la petite créature changea d'épaule et vint se poser sur Syara qui commença à feuilleter le carnet. Elle tomba d'abord sur la représentation de Shay. Il avait parfaitement su transmettre à travers ses traits le côté insondable du dragon. La suivante était aussi Shay, mais sous sa forme originelle cette fois-ci.

— On ne l'a pas vu beaucoup sous cette apparence, comment as-tu fait pour le reproduire avec une telle précision ?

— J'ai une bonne mémoire, se contenta-t-il de dire en haussant les épaules.

Pour quelqu'un d'amnésique, c'était plutôt ironique, pensa la beast. Le dessin suivant était celui de Sae, la jeune harpie avec qui le groupe avait sympathisé. Il l'avait représentée telle qu'elle était, avec ses bandages aux bras, mais aussi avec ses yeux pétillants et le sourire émerveillé qu'elle arborait lorsque Syara usait de sa magie.

— Je sais que tu l'apprécies beaucoup, tu peux garder celui-là si tu veux.

— Merci, mais je pense que je l'abîmerais si je la prenais maintenant. Tu me la donneras lorsqu'on sera de retour à Léfarène.

— Comme tu veux.

Syara continua à feuilleter le calepin et remarqua que les suivantes étaient en couleur. Celle après Sae représentait la statue géante qui trônait au centre du hall des musiciens. Elle arriva ensuite à sa propre représentation en couleur. Elle était dessinée en pleine action avec son violon, reproduit lui aussi à la perfection. D'innombrables couleurs semblaient danser autour d'elle.

— Je ne savais pas que je pouvais lancer ce genre de sort, sourit-elle.

— Ça ne représente pas un sort, mais la musique et les émotions que tu arrives à transmettre à travers elle, expliqua Guard.

Syara resta encore un instant à regarder ce dessin, puis tourna encore la page. Sur celle-ci, c'était Elyazra qui était à l'honneur. Elle arborait une position fière, rapière dégainée et large sourire aux lèvres. Tout autour d'elle, de nombreuses flammes noires dansaient, si bien que cela donnait l'impression qu'il n'avait pas utilisé de couleurs pour ce dessin là alors que la demi-dragonne était exactement comme en réalité.

Encore une fois, la beast tourna la page et trouva, cette fois-ci, un dessin en format paysage. Il représentait tout un groupe de personnes de divers horizons. Elle avait l'impression de voir une famille qui posait avec le sourire et semblait heureuse d'être là. Ce dessin apporta d'abord un sentiment de bien-être à Syara, jusqu'à ce qu'un des visages lui rappelle quelque chose. Ces personnes n'étaient autres que la bande de voleurs dont Guard avait fait partie.

— Je suis désolée, annonça-t-elle en lui rendant son bien.

Le satyre posa les yeux sur son ancienne bande et caressa doucement le papier.

— Tu n'as pas à l'être. Nous savions tous ce que nous risquions à faire ça. Même si nous n'avons jamais tué personne, ni Ely ni toi ne pouviez être au courant. Elle a fait ce qu'elle croyait juste et toi, tu n'as fait que te défendre et tenté de récupérer quelque chose que nous avions volé. Je ne peux pas t'en vouloir.

— Et pour Ely ? Tu lui en veux ?

— Je ne peux pas nier qu'une partie de moi garde une certaine rancune à son égard. Après tout, ils étaient un peu comme ma famille à défaut de ne plus me souvenir de la mienne. Ça n'est pas parce qu'elle a tué notre chef que je lui en veux, mais parce qu'elle s'en est prise à ceux qui étaient désarmés et qui tentaient de fuir. Mais comme je l'ai dit, elle ne pouvait pas savoir. Je suis tout de même heureux qu'elle ait accepté de m'écouter et qu'elle ait laissé partir les autres.

— Tu penses qu'ils font quoi à présent ?

— J'espère qu'ils nous ont écoutés et qu'ils sont allés à Sendra pour aider à la reconstruction de la ville... Enfin bref, assez parlé de ça. Tu devrais aller voir Telak. Il s'inquiète pour toi.

— Et tu sais où il est ?

— Dans une clairière un peu plus loin par ici, indiqua-t-il en pointant le nord. Il s'entraîne avec Rael.

— D'accord, merci. Je vais aller les rejoindre. À tout à l'heure.

— Oui, à tout à l'heure.

Tout en se dirigeant dans la direction qu'avait pointée Guard, Syara se remémora sa première rencontre avec les bandits. Lors de l'affrontement, elle en avait tué certains d'entre eux. Faisaient-ils parti de ceux qu'elle avait vu en dessin ? Elle ne se souvenait même plus de leur visage.

Comme l'avait dit le satyre, elle n'avait fait que récupérer un objet volé et se défendre, mais savoir qu'ils n'étaient pas des meurtriers lui laissait un goût amer. La fée, toujours sur son épaule, posa la main sur sa joue en la regardant d'un d'air interrogateur.

— Ça n'est rien, il faut juste que je me change les idées.

Et dans cette optique-là, assister à un combat entre deux mages expérimentés allait sans doute l'aider.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant