Le violon de cristal: les partitions perdues

Chapitre 152 : Au revoir Phi

 Finalement, malgré les doutes et les appréhensions, le couronnement s'était parfaitement bien passé. Phi n'avait ni trébuché, ni bafouillé et ne s'était même pas trompé une fois dans les textes qu'elle devait réciter. Une fois la couronne posée sur sa tête, la nouvelle reine était sortie du palais, suivie par toutes les personnes présentes, et avait fait un tour complet de la ville.

Cette procession avait duré une bonne partie de la journée et, lorsque enfin ils revinrent au palais, toute la salle du trône qui avait accueilli le couronnement avait été transformée en salle de banquet. Des tables avaient été installées pour former un grand U où la reine s'installa au milieu. Ses parents prirent place à sa droite et Syara et ses amis, en tant qu'invités d'honneur, se placèrent à sa gauche.

Pendant toute la soirée, les plats s'enchaînèrent sans interruption pour le plus grand bonheur de la beast. Elyazra, cependant, était un peu plus mitigée vu que l'alcool n'existait pas dans ce royaume. Il existait bien une boisson de couleur orangée qui coulait d'ailleurs à flots, mais elle ne semblait avoir d'effet que sur les fées.

L'ambiance, quant à elle, était assez protocolaire. Ils étaient loin des fêtes populaires auxquelles ils avaient déjà participé. Ici, tout était très mesuré, calme, sage. Ce n'était cependant pas le cas partout. Même de là où ils étaient assis, ils pouvaient entendre que la fête battait son plein dans les rues de la ville. Fête qui correspondait bien plus à Syara qu'un banquet de nobles.

Ce devait aussi être le cas pour la nouvelle reine qui ne pouvait s'empêcher de tendre l'oreille lorsque de la musique lui parvenait. Elle avait envie de s'amuser elle aussi, c'était évident et compréhensible vu son âge, mais ce banquet était en son honneur et elle ne pouvait se permettre de quitter la table.

Le banquet s'acheva quelques heures après que l'orbe lumineux qui éclairait toute la ville prenne une teinte bleutée pour simuler la nuit. Malgré les invitations d'Elyazra à aller continuer, ou plutôt commencer la fête à l'extérieur, Phi déclina et partit immédiatement se coucher. Physiquement, elle n'avait pas fait grand-chose à part arpenter les rues de la ville, mais mentalement, cette journée avait été épuisante, si bien que la jeune fée s'endormit dès qu'elle posa sa tête sur son oreiller.

Pendant les trois jours qui suivirent le couronnement, Phi visita le reste du royaume, à l'extérieur de la ville. L'effectif de son escorte étant bien moindre que lors de la procession où elle avait derrière elle tout son peuple qui habitait en ville, la jeune reine put souffler et profiter un peu plus de ce voyage.

Le fait qu'elle se sente bien était aussi, sans doute, le fruit du choix de ses amis qui avaient décidé de rester un peu plus longtemps à ses côtés avant de repartir. Tous purent donc avoir une toute autre vision de ce qu'était réellement le royaume des fées. Celui-ci était composé de larges plaines avec, en leur centre, l'arbre qui accueillait la ville et sur lequel reposait, comme s'il s'agissait d'un socle, une sphère lumineuse gigantesque. Ce qu'ils voyaient lorsqu'ils se trouvaient à l'intérieur n'était en réalité qu'un bout de la partie inférieure de ce qui leur servait d'astre solaire.

Partout où elle passait, Phi était acclamée par son peuple. Elle reçut d'ailleurs tellement de fleurs et de présents qu'il leur fallut une charrette entière pour pouvoir les transporter et ce, dès le deuxième village.

Quelque peu inquiète lors de son départ du palais, voir ces personnes sourire et lui assurer qu'ils allaient très bien et ne manquaient de rien la rassura peu à peu. Elle avait craint, notamment à cause de la première épreuve clairement injuste et inéquitable, que son père ait délaissé dans sa folie toute cette partie de son peuple. Heureusement, sa mère, elle, ne les avaient pas oubliés et avait fait le nécessaire pour eux.

Finalement, après ce périple de trois jours en campagne, Phi, Syara et le reste du groupe se retrouvèrent devant la plate-forme qui faisait le lien entre le royaume et le monde extérieur.

— Vous... Vous êtes certains que vous ne pouvez pas rester ? demanda la jeune fée en se retenant de pleurer.

— Nous avons encore des choses à faire à l'extérieur, répondit Syara, une pointe de tristesse dans sa voix.

— Le loyer ne va pas se payer tout seul, tenta de plaisanter Elyazra.

Voyant que le moment était venu pour eux de se dire au-revoir, Phi garda les yeux rivés par terre et renifla pour chasser une larme. Cette réaction arracha un sourire à la beast qui s'approcha d'elle et lui caressa affectueusement la joue.

— Nous partons, mais cela ne veut pas dire que nous ne reviendrons plus.

— Nous passerons te voir, c'est promit, ajouta Rael.

— C'est vrai ?

— Bien sûr, lui assura la violoniste. C'est prom...

Sans attendre qu'elle n'ait fini de parler, Phi se jeta dans ses bras et l'étreignit aussi fort qu'elle le pouvait. Un comportement digne d'une reine, s'amusa la beast en la serrant à son tour.

— Vous serez toujours les bienvenus, assura-t-elle en séchant ses yeux après s'être dégagée. Je ferais en sorte que le sort qui protège la forêt ne vous affecte pas. Je ne sais pas si ça sera difficile ou non, mais j'y arriverai.

— Tu n'auras pas à te donner cette peine. Le fait que nous soyons restés aussi longtemps dans ce royaume nous a immunisés contre l'enchantement d'amnésie, expliqua Shay.

Comme rassurée par cette nouvelle, Phi souffla longuement, puis se rapprocha des autres pour leur dire au revoir. Un à un, les membres du groupe serrèrent la fée dans leur bras et lui souhaitèrent bon courage avant de s'avancer vers la plate-forme. Lorsqu'ils étaient entrés, c'était entouré de gardes. Ici, ceux-ci créaient une haie d'honneur de chaque côté de la route en signe de respect.

Les uns après les autres, les membres du groupe disparurent dans un portail qui s'était créé à leur approche. Fermant la marche, Syara jeta un dernier regard en direction de Phi. Celle-ci la regardait avec un large sourire trempé de larmes. D'un signe de main, la beast la salua, puis emprunta à son tour le portail qui se referma derrière elle.