Chapitre 138 : un concurrent attentionné

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Dans la salle d'attente, alors que le roi était reparti avec le premier concurrent, tous les autres qualifiés retournèrent à leur place. Dès que la porte fut refermée, les deux fées exécrables se resservirent un verre et continuèrent leur discussion. Avant l'intervention du souverain, Syara s'apprêtait à les remettre à leur place, mais à présent qu'elle connaissait la nature de la prochaine épreuve, elle se dit qu'il valait mieux ne pas faire de vague et leur enfoncer son poing dans leur visage lorsque le moment serait venu.

Cependant, elle n'était pas la seule pour qui les remarques graveleuses étaient dérangeantes. Plus les deux concurrents parlaient, plus la beast voyait les poings de l'un des derniers arrivé se serrer. Celui-ci leur jetait un regard assassin et, au bout d'un certain temps, amorça un pas pour s'approcher d'eux.

Voir ces pervers avides de pouvoir s'en prendre une aurait plu à Syara, mais d'un autre côté, elle avait un certain élan de compassion pour celui qui semblait penser comme elle. Avant qu'il n'ouvre la bouche et risque une disqualification pour agression en dehors d'une épreuve, la violoniste le saisit par le bras et le retint.

— Ils n'en valent pas la peine, lui souffla-t-elle à l'oreille. Garde ça pour la prochaine épreuve.

Le jeune homme la fixa un instant avec le même regard assassin, puis se radoucit en comprenant qu'elle le comprenait et pensait comme lui. Il dégagea son bras de son emprise et répartit à l'autre bout de la pièce pour ne pas entendre la conversation qui se déroulait sur le canapé.

Syara, elle, retourna à son poste d'observation près d'une des grandes fenêtres et se perdit dans ses pensées en observant le jardin en contrebas. Au bout d'une dizaine de minutes, la fée qui l'avait guidée jusqu'à la salle plongée dans le noir ouvrit la porte et demanda au second qualifié de le suivre. Celui-ci se leva et quitta la pièce. Quinze minutes plus tard, le deuxième homme exécrable partit en suivant le guide.

Tout de suite, la pièce parut plus silencieuse. Aucun autre concurrent ne s'approchait des autres et tous se préparaient mentalement pour l'épreuve ou pour rencontrer la princesse.

— Qui êtes-vous ? demanda une voix derrière Syara.

Étonnée que quelqu'un lui parle et elle-même plongée dans sa propre préparation, la beast se retourna et fit face à celui qu'elle avait retenu.

— Je suis celle... Celui qui a ramené la princesse chez elle. Si j'avais su ce qu'on lui réservait, je ne l'aurais jamais ramenée.

— Pourquoi participez-vous ? Vous voulez sa main ?

— Avant de te répondre, il faut que je sache une chose. Que veux-tu faire de Phi ?

— La rendre heureuse ! répondit-il sans aucune hésitation. Elle et moi sommes des amis depuis que nous sommes enfants...

— C'est encore une enfant, le coupa Syara.

— J'étais présent lorsque le roi a annoncé son plan à tout le royaume alors que sa fille n'avait que douze ans. Elle était inconsolable. La voir ainsi m'a profondément touché et je me suis mis en tête de participer moi aussi pour qu'elle ne se retrouve pas mariée avec un inconnu et forcée à...

Comme si les mots étaient trop durs pour sortir de sa bouche, le soi-disant ami de Phi grimaça comme s'il avait quelque chose de coincé dans la gorge. Enfin Syara avait trouvé quelqu'un de cette race mis à part Phi et sa mère qui ne pensait pas qu'à son bonheur personnel.

— En somme, tu essaies de la sauver.

— De faire ce qui est en mon pouvoir pour la voir sourire à nouveau, rectifia-t-il. Et vous ?

— Si je gagne, et je gagnerai, je l'emmènerai loin de ce tyran royaume dirigé par ce tyran. Il n'y aura pas de mariage, pas d'enfants et Phi sera libre. Mais au moins, cela me rassure de voir que je ne suis pas la... Le seul à penser à elle.

— Je me suis entraîné pendant deux ans pour ça, répondit-il avec détermination.

— Et quel est le numéro que tu as tiré pour les épreuves ?

— Le quatre.

Mentalement, Syara se représenta le tableau des combats. Il participerait au deuxième combat et elle au premier, ce qui voulait dire qu'ils se rencontreraient en demi-finale. Même si elle comptait vaincre tout le monde, cela l'aurait rassuré que son numéro soit supérieur à cinq. Ainsi, ils ne se seraient rencontrés qu'en final et l'avenir de Phi aurait été sauvé avant même la fin du tournoi.

— Nous verrons qui aura sa main lors de l'épreuve, se contenta-t-elle de lui répondre.

Se rendant compte que ces paroles avaient été prononcées pour clore la discussion, le jeune homme repartit s'isoler dans son coin et laissa Syara seule. Après plus de quarante minutes d'attente, le guide ouvrit la porte de la salle d'attente et demanda à la beast de le suivre. La violoniste le suivit jusqu'à une porte à l'autre bout du couloir et entra dans la pièce lorsqu'on l'y invita.

— Dix minutes, indiqua le guide avant de refermer la porte.

Au milieu de la pièce qui était vraisemblablement une chambre, Phi était assise à une petite table ronde et arborait un visage neutre et inexpressif. Cependant, dès qu'elle fut certaine qu'elles étaient seules, elle changea d'attitude et bondit de sa chaise pour sauter dans les bras de Syara.

— Tout ça sera bientôt fini, la rassura-t-elle en la serrant contre elle.

— Sors-moi de là, je t'en pris, pleura-t-elle en enfouissant son visage dans le manteau de la violoniste. Deux des concurrents sont des monstres et ils ne se cachent même pas. Ils m'ont dit des choses horribles !

— Je sais, je les ai entendus.

D'une main, Syara caressa les cheveux de la fée et, de l'autre, elle serrait son poing jusqu'à ce que ses ongles rentrent dans sa chair. Faire le malin devant les autres était une chose, mais déblatérer de telles ignominies face à la personne concernée en était une autre. Le sens moral de Syara lui criait de ne pas intervenir en dehors des épreuves, mais son cœur, lui, avait une autre idée. Si elle-même avait du mal à retirer la vie à quelqu'un, elle connaissait bien une autre personne pour qui cela n'avait pas vraiment d'importance. Elle pourrait très bien lui expliquer la situation et fermer les yeux sur les conséquences que cela engendrerait. Mais pour l'heure, elle avait autre chose à faire, comme consoler Phi et faire en sorte qu'elle pense à autre chose.

— J'ai un peu parlé avec le septième qualifié, tu le connais ?

— Oui, c'est un ami. Je ne pensais pas qu'il allait participer. Quand il a appris pour les épreuves, il est devenu plus distant et je ne l'ai presque pas revu depuis.

— D'après ce qu'il m'a dit, il est parti s'entraîner pour avoir toutes ses chances. Il fait ça pour toi.

— Au moins, tu n'es pas le seul qui ne s'intéresse pas au pouvoir, dit-elle avec un demi-sourire en essuyant ses yeux rougis. Il a toujours été gentil avec moi. Je pensais que c'était parce que j'étais la princesse, mais je me suis peut-être trompée. Ma peine serait allégée s'il gagnait, mais je préférerais de loin que ce soit toi qui l'emportes.

— Compte sur moi. Je gagne ce tournoi et on rentre à la maison, lui chuchota-t-elle d'une voix réconfortante.

Le reste de son temps, Syara le passa assise sur le lit, sa protégée dans les bras. Elle n'avait pas grand-chose à lui dire si ce n'est qu'elle pouvait compter sur elle, mais chaques secondes passée à ses côtés démultipliait sa force et sa détermination. À la fin de ce stupide tournoi, Phi serait libre.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant