Chapitre 10 : L'appartement

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— Tada ! s'exclama-t-il fièrement, les bras levés vers un bâtiment haut d'une dizaine d'étages.

Le démon avait mené la beast dans un quartier résidentiel proche du hall des musiciens. Cet endroit, bien moins animé que le centre-ville, semblait calme et accueillant avec ses petits jardins dispersés un peu partout. À la fois proche de tout pour les commerces, mais assez loin pour une bonne tranquillité, c'était le lieu parfait pour commencer une nouvelle vie dans une nouvelle ville.

— Voilà tes clés. Ton appartement est le numéro mille douze.

Syara parut surprise. Comment avait-il fait pour obtenir ses clés. Le seul moment où elle s'était séparée de lui avait été après le repas. Les avait-il depuis le début ? Mais il lui avait avoué qu'il attendait plus de monde donc, si c'était le cas, il devait avoir plusieurs clés sur lui. Alors comment savait-il dans lequel ses affaires avaient été déposées ? Encore un secret d'organisation de la cérémonie, conclut-elle.

— On se dit demain, neuf heures, hall des musiciens ? Reprit-il en lui remettant les clés.

— Tu ne viens pas ?

— Non, je préfère te laisser découvrir ton appartement seule. En plus, cette matinée a dû t'épuiser et je te conseille de te reposer pour demain. Aller, au revoir !

Sans rien ajouter, Telak déploya ses ailes et s'envola, laissant Syara seule au milieu de la rue. Elle aurait préféré qu'il reste un peu plus pour répondre à ses questions, mais elle n'avait même pas eut le temps d'ouvrir la bouche qu'il était déjà parti. Il venait de se carapater comme le faisait Kuta. Et en plus, cette fois, elle n'avait rien fait ! Tant pis, il ne lui restait plus qu'à voir ce fameux appartement mille douze.

La jeune femme entra dans le bâtiment et comprit, après trois étages, la supercherie. Ça n'était pas mille douze, mais dix douze ! Dixième étage, douzième porte ! Voilà pourquoi il ne voulait pas l'accompagner, il ne voulait pas monter tous ses étages. Entre l'accès à l'amphithéâtre et son appartement, Syara en avait plus qu'assez des marches. Aux moins, celles-là étaient toutes de la même taille.

Un calvaire plus tard, elle était enfin devant sa porte et, miracle, c'était une poignée normale et non une de celle où l'on se retrouvait coincé dehors si on oubliait les clés ! Elle n'aurait pas à la défoncer pour entrer chez elle ! N'attendant pas plus longtemps, la beast entra dans son appartement.

Une petite entrée menait, à droite, aux toilettes et en face, à la salle principale. Un ingénieux système combinait magie de l'eau et magie de l'air et permettait d'avoir l'eau courante même à une telle hauteur. La pièce de vie, d'une vingtaine de mètres carré, était dotée d'un petit coin cuisine. Syara ne put refréner un léger soupire de soulagement lorsqu'elle vit que toutes ses affaires avaient bel et bien été transférées. Une petite table, deux chaises, un bureau, une étagère et un petit canapé, répartis de manière à ne pas avoir l'impression d'un appartement vide.

La décoration n'était vraiment pas son fort et l'emplacement des meubles lui convenait très bien de toute façon. La jeune femme ouvrit ensuite la seule porte, autre que celle de l'entrée, et atterrit directement dans sa chambre. En face d'elle, son lit était collé au mur, accompagné d'une petite table de chevet. Les organisateurs n'avaient pas fait ça à moitié. Son lit avait même été fait à la perfection, alors qu'elle était partie tellement vite de chez elle qu'elle avait laissé sa couverture en boule dessus. Mis à part cela, à sa droite, une petite armoire encastrée dans le mur contenait tous ses habits et tous ses instruments trônaient à sa gauche.

Une porte au fond de la chambre la mena directement à la salle de bain où se trouvait... Une baignoire ! Son ancien appartement n'était équipé que d'une douche dont les sorts acheminant l'eau n'étaient pas tout jeunes. Une fois sur deux, elle devait se laver à l'eau glacée ce qui la mettait de très mauvaise humeur pour le reste de la journée.

Elle se souvint alors que son réveil tardif ne lui avait pas permis de se laver. Sans plus attendre, elle se fit couler un bain et, satisfaite de la température, entra dedans. L'effet fut immédiat, l'eau chaude détendit ses muscles autant que son esprit. Toute tension s'échappa de son corps, si bien qu'elle finit par s'endormir, enivrée par les douces senteurs des huiles essentielles.

Lorsqu'elle se réveilla enfin, l'après-midi était sur le point de laisser sa place au soir. L'eau dans laquelle elle se prélassait n'était pas descendue d'un Celsius. Ha, quelle merveilleuse invention que la magie ! Syara enroula la première serviette qu'elle attrapa autour de sa poitrine et en fit de même avec ses cheveux. Deux trous dans cette dernière lui permirent de passer ses oreilles au lieu de les rabattre de force sur son crâne.

Elle sortit de sa salle de bain, direction la pièce principale, s'affala dans son canapé et se mit à réfléchir sur ce qui allait lui arriver par la suite. Elle serait bien, dans cet appartement et dans cette ville. Après tout, dix étages à monter et à descendre entretiendrait sa santé, relativisa la jeune femme.

Si seulement Kuta était là... Pourquoi avait-il fallu que cet imbécile échoue ? Et pourquoi avoir fait sa demande à ce moment-là. Il avait été son seul véritable ami pendant ses longues années d'études. Le seul qui n'avait pas réellement peur de son caractère et qui la comprenait. Comptait-il sur le sort d'oubli si jamais elle refusait ? Comble de l'ironie, lui avait oublié, mais pas elle.

Leurs enfants auraient sans doute eut des oreilles et une queue de loup avec des cornes et des sabots. Quel mélange exotique, pensa-t-elle avec un sourire. De toute façon, les hybrides étaient rares et le patrimoine génétique d'un satyre et d'une beast étaient bien trop éloignés pour en avoir. Ils auraient fini en vieux couple. Heureux, mais sans enfants.

Les souvenirs de son ami, couplé aux spéculations de la vie qu'ils n'auraient jamais ensemble, finirent par lui donner le cafard. Elle décida de mettre quelque chose de plus habillé qu'une simple serviette puis s'assit sur son lit, sa guitare à la main. Jouer lui avait toujours vidé l'esprit de toutes mauvaise pensée et, là encore, cette technique fonctionna.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant