Chapitre 20 : Les bandits

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Après avoir accepté la requête du voyageur, les mages lui conseillèrent de prendre le strict nécessaire dans la charrette et continuer la route à pied. Une fois le voyageur infortuné parti, Telak s'accroupit et examina les différentes traces au sol.

Si leur attaque avait été rapide et méthodique, les voleurs n'étaient cependant pas spécialisés dans la discrétion. Leurs traces étaient nettes et le scion tracé par leur passage dans la forêt des plus faciles à suivre.

Syara, elle, ne perdait pas une miette de l'expertise de son mentor. La beast essayait de suivre chacun de ses résonnements et de capter le moindre détail qui le faisait changer de direction. Une chose était sûre, ça n'était pas la première fois que Telak pistait quelqu'un.

— Ils sont encore loin ? chuchota la jeune femme au bout d'une trentaine de minutes.

— Oui. Ses traces datent déjà de plusieurs heures. Ça m'étonnerait qu'on tombe sur eux tout de suite.

— Tu ne trouves pas ça étrange que nous n'ayons croisé personne hier et ce matin ? Si lui n'as vu aucune personne attaquée et que nous non plus, alors où sont les réfugiés ?

— La ville doit les envoyer par vague pour justement éviter qu'une famille se retrouve isolée en cas d'attaque et pour faciliter leur accueil une fois arrivé. La personne que nous avons croisée devait être celui en tête du groupe avec lequel il devait partir.

— J'espère avoir fait le bon choix en acceptant de l'aider.

— Tu as peur de ce qui pourrait arriver à Sendra si nous arrivons en retard ?

— Pas spécialement. Je ne pense pas que l'absence de deux mages, dont une apprentie fasse une grande différence. Je m'en fais surtout par rapport à ce qui nous attend. Qu'allons-nous faire s'ils sont trop nombreux et que mes pouvoirs ne marchent pas ?

— Aies confiance en toi, tu y arriveras. Et puis, une fois que nous les aurons rattrapés, nous allons d'abord nous faire discrets et voir combien ils sont. S'ils sont trop nombreux ou s'ils comptent des mages parmi eux, nous ne pourrons rien faire à part revenir sur le chemin et nous dépêcher de rejoindre Sendra pour prévenir les dirigeants.

Bien qu'habituellement tête brûlée, il fallait bien avouer que se retrouver contre une dizaine de bandits la rendait nerveuse. La boule au ventre, Syara suivit son mentor en silence jusqu'à ce qu'il lui fasse signe de s'arrêter. Trop concentrée sur la manière de procéder ainsi que sur les différentes techniques qu'elle connaissait pour combattre la nervosité, la beast ne savait même pas depuis combien de temps ils arpentaient la forêt.

Le doigt sur sa bouche, Telak intimait à son apprentie d'être la plus discrète possible. Intriguée, la jeune femme huma l'air et tendit l'oreille. Une légère odeur de feu ainsi que des voix, faibles à cette distance, lui parvinrent. Comment son compagnon avait-il deviné qu'ils approchaient du but ? Le voyait-il dans les traces au sol ? La violoniste garda ses questions dans un coin de sa tête et se promit de lui demander de plus amples explications une fois la mission terminée.

Le plus discrètement possible, les deux mages s'approchèrent du camp des bandits. Les battements de cœur de Syara étaient inversement proportionnels à leur vitesse de progression. S'ils se faisaient attraper maintenant, tout était perdu. De plus, elle craignait que le teint de peau rouge du bassiste ne les trahisse.

Tout ce temps passé à se préparer et à se calmer n'avait, au final, servi à rien. L'odeur de leur feu de camp se faisait de plus en plus présente, presque entêtante. Elle arrivait à présent à entendre des bribes de leur conversation et à distinguer plusieurs voix. Cinq, non... Six ! Ils étaient au moins six.

En quelques minutes, ils arrivèrent enfin à leur destination. Allongés au sol, les mages observèrent leurs cibles, à l'abri sous une épaisse végétation. De là, la beast ne put qu'admettre son erreur. Ils étaient deux fois plus nombreux que ce qu'elle croyait. Assis en cercle autour du feu, l'un d'eux distribuait la part de butin aux autres qui allaient s'empresser de les mettre en sécurité dans leur tente.

Leur groupe était des plus hétéroclites. Homme, femme, humain, démon, beast, cyber... Tous riaient et trinquaient à leur réussite. D'après ce qu'elle arrivait à entendre, certains ne se connaissaient que depuis peu de temps et commençaient tout juste à faire connaissance. Le reste des conversations ne volaient pas bien haut et démontrait une certaine non-intelligence chez certains.

Au bout d'une dizaine de minutes, l'un d'eux sortit enfin l'objet qu'ils convoitaient. La guitare de Volach était exactement comme les légendes la décrivait. D'une couleur bordeaux et à la forme épurée, elle n'en restait pas moins une prodigieuse anomalie dans ce monde où la mort du mage signifiait la disparition de l'instrument. Elle était, à elle seule, le symbole de la détermination de son porteur à protéger son foyer, même après sa mort.

Cependant, les voleurs ne voyaient en elle qu'un banal instrument, un objet de valeur qui se vendrait à prix d'or au marché noir. Comble du blasphème, l'homme qui venait de sortir la guitare avait commencé à jouer un morceau avec. Comment osait-il souiller une telle relique ?!

Le morceau n'avait ni rythme, ni structure, ni quoi que ce soit. Une véritable cacophonie aux oreilles de la beast. S'en était trop, elle ne pouvait pas laisser cet énergumène lui vriller les tympans une seconde de plus !

— Reste-là et attends mon signal, chuchota-t-elle.

Sans plus d'explication et avant qu'il ne la retienne, Syara contourna discrètement le camp de manière à arriver dans le dos de sa cible et sortit de sa cachette. D'un pas assuré et tranquille, elle s'avança vers le groupe jusqu'à arriver derrière le guitariste.

— Je peux essayer ? susurra-t-elle à son oreille. J'ai toujours rêvé de jouer d'un instrument.

— Tien ! Amuse-toi bien, répondit-il en lui tendant la relique.

Syara s'empara de l'instrument au moment où les autres membres du groupe remarquèrent sa présence.

— C'est qui ? Une nouvelle ? demanda l'un d'eux.

— Bande d'abruti ! hurla le chef. Elle est pas des nôtres, choppez-là !

Dix mètres, c'était tout ce qui la séparait de ses assaillants. L'adrénaline avait fait fondre la boule qu'elle avait au ventre et, à présent, seules les actions de Telak allaient déterminer si elle s'en sortirait indemne ou non.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant