Voletant entre les arbres, Phi trépignait d'impatience à tel point que ceux qui l'avaient sauvée et escorté jusqu'ici peinaient à la suivre. Depuis combien de temps était-elle partie de chez elle ? Pourquoi s'était-elle enfuie ? Après tout ce temps, elle-même ne s'en souvenait plus. Elle ne savait même pas comment elle avait fait pour se retrouver aussi loin de sa maison.
Pourtant, elle se souvenait de chaque arbre qui composait cette forêt. Elle approchait du but, son village se trouvait juste devant, bien caché par la magie de ses congénères. Son cœur s'accéléra alors qu'elle ne pensait qu'à une chose. Elle était enfin de retour à la maison.
Soudain, un bruit effroyable la fit sursauter. Tout son monde s'écroula et elle se releva en sursaut, perdue. La fée tourna vivement la tête de droite à gauche et ne vit aucun arbre, mais l'intérieur d'une habitation de ces races géantes à ses yeux. Devant elle, Syara arborait un large sourire en la regardant. Elle avait dans ses mains deux étranges disques couleurs or qu'elle rapprocha l'un de l'autre. Le son qu'elle avait entendu dans son rêve retentit de nouveau et lui vrilla les tympans tout en lui provocant un horrible mal de tête.
— Il est l'heure de se lever ! rit la beast.
Les traditions de ces géants étaient vraiment étranges, pensa la fée. Comment une personne aussi gentille et attentionnée qu'elle pouvait réveiller quelqu'un comme ça ? Mais soit. Maintenant qu'elle était réveillée, autant se lever. Phi tenta de se mettre debout et sentit que tout tournait autour d'elle. Elle en avait la nausée. De plus, une désagréable sensation lui assaillait la bouche, totalement desséchée.
— Tu te souviens de ce qu'il s'est passé hier soir ? questionna la violoniste d'un ton sec.
Pensive, Phi retraça les événements de la journée précédente. Ils étaient partis tôt le matin de la petite maison dans les bois, avaient volé sur le dos d'un énorme dragon puis voyagé à pied vers une ville où ils étaient passés dans un étrange cercle de pierre dont l'intérieur luisait de toutes sortes de couleurs. Cette chose les avait emmenés dans une autre ville et ils étaient entrés dans un grand bâtiment où ils avaient attendu toute la journée. Ils étaient ensuite rentrés dans une autre salle où elle avait revu ceux qui l'avaient capturée et Shay les avaient punis pour ce qu'ils comptaient lui faire. Enfin, ils s'étaient retrouvés sur une place avec pleins de monde autour. Après ça, rien.
Ne voyant donc pas de quoi elle voulait parler, Phi hocha la tête de gauche à droite et attendit de voir de quoi elle voulait parler. Faire ce simple mouvement lui donna d'autant plus mal à la tête et elle sentait, à mesure qu'elle se réveillait, que tout son corps la faisait souffrir. De plus, une odeur désagréable semblait la suivre et elle avait l'impression que sa peau collait. Même ses ailes refusaient de se déployer et étaient dans un triste état.
— Il faut que tu apprennes à être plus prudente, se radoucit Syara en s'asseyant sur une chaise et en rapprochant son visage d'elle. Tu as bien failli révéler au monde l'existence de ton espèce. Si s'était arrivé, imagine le nombre de personnes qui se seraient mis à la recherche de tes congénères pour leur faire subir le même sort que les deux alchimistes te réservaient.
Malgré les explications de la beast, Phi n'arrivait pas à se souvenir d'un passage où elle s'était montrée. Cependant, son explication lui donna froid dans le dos et elle baissa la tête, honteuse. À tous les coups, ce devait être dû à sa maladresse. Beaucoup de personnes en riaient et trouvaient ça touchant, mais pour elle, c'était une véritable malédiction au quotidien. Elle en avait assez d'être aussi empotée, un véritable danger pour elle-même et pour les autres.
Fixant le bois de la table sur laquelle elle était posée, Phi se mit à pleurer. Syara vit tout de suite que son explication l'avait bien plus touchée qu'elle ne le voulait et approcha sa main pour la réconforter. Elle ne savait pas vraiment comment s'y prendre avec une créature aussi petite et fragile et se contenta donc de lui caresser doucement le haut du crâne d'un doigt. La beast avait pensé à tellement de supplices qu'elle pourrait lui infliger lorsque la fée se réveillerait avec la gueule de bois, mais à présent, la voir ainsi lui fendait le cœur.
— Viens, on va faire quelque chose pour te détendre, offrit-elle en tendant sa main pour qu'elle monte dessus.
Incapable de déployer ses ailes, la fée accepta la proposition et s'assit dans le creux de sa main. Syara se leva et fit quelques pas pour la déposer sur le plan de travail de la cuisine. Elle fouilla ensuite dans les placards et y extirpa une casserole qu'elle remplit d'eau.
— Aller hop ! À la casserole ! rit-elle.
Horrifiée, Phi recula d'un pas.
— Je plaisante, ne t'en fait pas. Regarde, la rassura-t-elle en plongeant son doigt dans l'eau. Je suis désolée, mais je n'ai rien d'autre qui puisse faire office de baignoire. L'eau est chaude, mais pas trop, c'est pour que tu puisses te laver.
Soulagée, Phi souffla en mettant une main sur son petit cœur et s'approcha du récipient. Elle toucha l'eau et, satisfaite de la température, se déshabilla pour entrer dedans. Dès qu'elle y fut plongée, la fée sentit ses muscles se détendre. Syara, elle, sortit d'un tiroir un couteau et coupa de petits bouts du savon qui était posé à côté de l'évier. Elle en jeta quelques-uns dans l'eau pour la parfumer et en déposa d'autres sur la queue de la casserole afin que Phi puisse s'en servir.
— Lave-toi bien, je reviens dans quelques instants. Moi aussi j'ai vraiment besoin d'un bain, expliqua-t-elle.
À ces mots, Syara laissa la fée seule et alla s'enfermer dans sa salle de bain. Le principal inconvénient d'être mage, aux yeux de la beast, était que l'hygiène en mission n'était clairement pas au rendez-vous. Elle se serait bien baignée dans la petite rivière près de la maison de Shay, mais celle-ci n'était pas profonde et ne lui arrivait au mieux qu'au genou. En plus, l'eau était glaciale et vu que les autres étaient inquiets quant à son état après qu'elle ait subie le rituel d'entrave, elle n'avait pas vraiment pu s'isoler dans la forêt comme l'avait fait la demi-dragonne et était bien souvent accompagnée par quelqu'un. Si se baigner en compagnie de son amie ou de la fée ne la dérangeait pas, le faire alors qu'elle était en présence des garçons était un peu plus gênant.
Ainsi, Syara fut d'autant plus ravie de retrouver au moins pour une nuit son appartement et profita pleinement de sa baignoire où l'eau gardait toujours la même température quel que soit le temps qu'elle passait dedans.
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Le violon de cristal: les partitions perdues
FantasiDans un monde où musique est synonyme de magie, où presque toute forme de technologie à disparue, où les humains ne sont plus les seuls êtres pensants de la planète depuis bien longtemps et où la terre, ravagée par les guerres, se remet peu à peu, v...