Face à la reine, Syara ne savait pas comment réagir. D'un côté, elle n'avait rien dit qui aurait pu la contrarier et faire d'elle son ennemie comme le roi l'avait fait, mais de l'autre, elle n'avait pas non plus bougé pour venir en aide à sa fille.
— Entrez, l'invita Telak avant que la beast ne se soit décidée. Après tout, vous êtes chez vous.
— C'est gentil de votre part. Je ne m'attendais pas à ce que vous acceptiez après ce qui s'est passé dans la salle du trône.
Les yeux de la reine trahissaient son inquiétude. Ça n'était cependant pas le groupe qui lui inspirait cette crainte. Il y avait autre chose. Peut-être qu'elle avait peur du roi, pensa la violoniste. Dans tous les cas, pour le moment, elle décida de ne pas la considérer comme son ennemie.
— Tout d'abord, je tenais à vous remercier personnellement de m'avoir ramené ma petite Phindéréllia. J'étais si inquiète qu'il ne lui soit arrivé quelque chose dans le monde extérieur.
— Si nous avions su ce qui lui était réservé en revenant ici, nous ne l'aurions pas remmenée, trancha Elyazra qui, elle, ne s'était pas laissée convaincre par une simple lueur dans le regard.
Pourtant, un signe supplémentaire, un détail avait frappé Syara et lui faisait penser qu'elle allait se ranger de leur côté. Elle aurait pu parler de Phi en l'appelant « ma fille » ou « phindéréllia », mais elle venait de dire « ma phindéréllia ». À la connaissance de la beast, seuls ceux qui étaient vraiment attachés à quelqu'un utilisaient un possessif devant leur nom.
— Vous devez penser que nous sommes des parents indignes et qu'elle était bien mieux à l'extérieur...
— Si vous êtes venue pour me dissuader de participer aux épreuves, sachez que mon choix est fait, clama Syara en croyant deviner où elle voulait en venir.
— Je ne suis pas là pour ça, lui assura-t-elle. Je suis venue vous demander une toute autre chose, mais avant, j'aimerai vous donner tous les éléments qu'ils vous manquent pour comprendre ce qui se passe ici.
— Nous vous écoutons, l'invita Guard.
— Tout d'abord, avez-vous remarqué une quelconque maladresse chez Phindéréllia ?
En entendant cette question, les lèvres de tous s'élargirent en un large sourire. Par respect pour sa mère, ils essayèrent de se contenir, mais pour Rael et Elyazra, il était plus que difficile d'éviter d'au moins pouffer de rire.
— Nous avons remarqué, oui, répondit Syara.
— Et si je vous disais qu'elle n'avait pas toujours été comme ça et qu'elle faisait la fierté de mon époux ?
— Les deux sont difficile à croire vu la claque qu'elle s'est prise en guise de salutation, rétorqua Telak.
— C'est pourtant la vérité et, ceci est malheureux, mais le fait qu'il se comporte ainsi avec notre fille et qu'elle soit maladroite est en grande partie de sa faute.
— Vous comptez nous raconter l'histoire d'une traite ou le faire en question réponse comme vous êtes partie ? questionna Elyazra qui, pendant qu'ils parlaient, s'était éloignée pour fouiller dans les placards. Parce que je vous préviens, si vous choisissez la deuxième option, il va me falloir une bière... Ou cinq ! D'ailleurs, elles sont où ?
— Qu'est-ce qu'une bière ? s'étonna la mère de Phi.
— Une boisson fermentée, l'informa Guard. Elle est bue dans le monde entier.
— Nous n'avons pas de ça ici, aucune de nos boissons n'est fermentée, s'excusa-t-elle. Nous préférons les boire le plus tôt possible pour garder le goût frais des fruits.
— Quoi ! Pas de bière ? Pas d'alcool ? se liquéfia la demi-dragonne.
— Tu t'en remettras, rit Syara en voyant son amie tomber à genoux. Mais revenons au sujet principal. Que vouliez-vous nous dire sur Phi et son horrible de père.
— Il y a quatorze ans, lorsque Phindéréllia est venue au monde, elle était un véritable joyau aux yeux de mon époux. Il l'aimait, la cajolait et faisait en sorte qu'elle passe le moins de temps possible avec sa nourrice pour l'avoir au plus près de lui. Phindéréllia quant à elle était une enfant éveillée et curieuse. À trois ans, elle essayait d'imiter tout le monde pour comprendre ce qu'ils faisaient. Cela amusait tout le monde et le roi voyait en elle une héritière qui prendrait soin du royaume et de ses habitants. Cependant, à trop vouloir imiter, Phi a tenté de s'envoler alors qu'elle n'avait pas l'âge pour ça. Elle a chuté de plusieurs mètres sans que personne ne puisse faire quoi que se soit et est restée inconsciente pendant une semaine. Mon époux et moi sommes restés à son chevet pendant toute sa convalescence et je l'entendais ressasser sans cesse qu'il ne la laisserait plus jamais se mettre en danger ainsi. Je pensais qu'il disait ça pour se rassurer, mais je ne m'imaginais pas une seule seconde qu'il irait aussi loin dans sa promesse. Êtes-vous déjà tombés dans des escaliers ?
Selon les personnes, les hochements de tête se firent de haut en bas ou de gauche à droite pour signifier qu'ils avaient déjà vécu cette expérience ou non.
— Après son accident, Phindéréllia n'est pas tombée dans des escaliers. Pas parce qu'elle faisait attention, mais parce que son père la portait au moindre obstacle. Pendant les deux ans qui ont suivi sa chute, mon époux a surprotégé notre fille qui a petit à petit changé jusqu'à devenir la jeune fille maladroite que vous connaissez. Voyant qu'elle n'était plus celle qu'il voulait qu'elle soit, il s'en est peu à peu détaché jusqu'à en venir à la détester et décider qu'elle ne monterait jamais sur le trône. Au final, il ne l'avouera jamais, mais c'est lui qui l'a rendue comme ça.
— De là à la marier de force... souffla Rael. C'est une tradition chez vous ce genre d'épreuve ?
— Absolument pas, c'est une première. Je l'ai épousé par amour et, malgré ses rapports compliqués avec notre fille, je l'aime toujours. Croyez-le ou non, mais c'est un roi bon et juste et un mari aimant. À présent, je dois vous demander quelque chose. Lorsqu'elle était avec vous, ma fille était-elle heureuse ?
— À vrai dire, nous ne la connaissons que depuis quelques jours, même si j'ai l'impression qu'elle est avec nous depuis des mois, avoua Syara. Dans le monde extérieur, nous ne l'entendions pas, mais elle nous comprenait et elle souriait très souvent. Donc oui, je pense qu'elle était heureuse.
— Je vois. Je crois savoir ce que vous êtes en train de faire dans ce chaudron, dit-elle en se tournant vers Shay qui avait commencé à préparer la mixture dans son coin sans se soucier de ce qui l'entourait. Je ne dirai rien à mon mari si vous me promettez une chose. Je veux que vous gagniez ce tournoi.
— Vous savez que si Syara sort victorieuse, nous emporterons Phi, prévint Rael.
— Je préfère que ma fille soit loin de moi et la savoir libre et heureuse que de la voir tous les jours, mariée de force et malheureuse, dit-elle avec conviction.
— Je gagnerai, assura Syara avec un regard qui en disait long sur son sérieux et sa détermination.
Après un léger sourire, la reine retourna vers la porte d'entrée et s'arrêta juste avant de sortir du salon.
— La première épreuve sera une course de voltige à travers la ville. Ma fille et moi comptons sur vous.
Après avoir donné l'indication, la mère de Phi salua le groupe et repartit en fermant la porte, les laissant réfléchir et se préparer à l'épreuve. Syara, elle, n'en était pas encore là et se remémorait chaque information sur le passé de la fée. Le problème était plus complexe qu'il n'y paraissait à la base. D'après la reine, le roi n'était un tyran qu'avec sa fille. Il restait donc un ennemi pour elle, mais cette information la retiendrait sans doute de le tuer si jamais elle devait s'enfuir avec son amie.
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Le violon de cristal: les partitions perdues
FantasyDans un monde où musique est synonyme de magie, où presque toute forme de technologie à disparue, où les humains ne sont plus les seuls êtres pensants de la planète depuis bien longtemps et où la terre, ravagée par les guerres, se remet peu à peu, v...