Chapitre 154 : Rattraper le temps perdu

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 Après deux jours de marche, le groupe était enfin de retour à Léfarène. Dès qu'ils avaient traversé le portail, une pause d'une semaine avait été demandée par Shay qui avait invoqué comme excuse qu'il avait besoin de ce temps pour localiser l'avant-dernier fragment des partitions d'Athéa. Cependant, tous savaient qu'il voulait en vérité patienter pour qu'Elyazra se calme. La demi-dragonne n'avait pas été satisfaite de ce voyage où elle n'avait presque rien fait mis à part affronter une seule personne qu'elle considérait comme étant d'une faiblesse affligeante. Son impatience de retourner en mission avait été ressentie par les autres membres du groupe qui se demandaient si emmener une telle personne assoiffée de combats était une bonne idée.

Étrangement, la jeune femme n'avait pas flairé le mensonge et s'était contentée de hausser les épaules, puis de lever son bras en signe d'au-revoir avant d'aller rejoindre la taverne la plus proche. D'après elle, il y avait quelque chose qu'elle devait rattraper.

Pour Syara, la nuit qui avait suivi leur retour fut quelque peu mouvementée. Elle était retournée dans son appartement en compagnie de Phi et de Guard et s'était couchée tôt, épuisée par les heures de marche qu'elle avait faite pour revenir. Elle trouva le sommeil en un instant, mais celui-ci ne dura pas autant qu'elle l'aurait voulu.

En plein milieu de la nuit, un étrange bruit la réveilla et la força à quitter son lit. Intriguée, elle rejoignit le salon où le satyre était en train de s'extirper de sa couverture, lui aussi dérangé par les tambourinements et les bruits plus discrets de métal qui s'entrechoquait.

Aucune ouïe sur-développée n'était nécessaire pour deviner d'où cela provenait. La beast alla jusqu'à la porte d'entrée de l'appartement et l'ouvrit. Elle découvrit, dans le couloir, Elyazra qui tenait ses clés en main et titubait tout en essayant de les enfoncer dans la serrure de la porte. Elle n'avait même pas remarqué qu'elle était déjà ouverte et continuait ses tentatives pour insérer sa clé.

— C'était pas fermé, souffla Syara.

Surprise, Elyazra sursauta et fit trois pas hasardeux en arrière avant de se stabiliser plus ou moins. La demi-dragonne fit de grands yeux à la violoniste, puis sourit de toutes ses dents en se balançant, sans doute involontairement, de gauche à droite et d'avant en arrière.

— Tu en as bu combien ? questionna la beast en s'appuyant contre le cadrant de la porte pour lui faire barrage et l'empêcher d'entrer.

— Trente-douze ! s'exclama-t-elle fièrement en levant son poing en signe de victoire.

Syara était partagée entre l'idée de la laisser dormir sur le palier ou bien la faire entrer. D'un côté, elle pourrait sans doute finir sa nuit tranquillement, mais d'un autre, la demi-dragonne risquait de réveiller tout l'étage à continuer à crier ainsi.

— Et combien cette virée nous a coûté ? demanda-t-elle pour s'aider à prendre une décision.

— Zéro ! J'ai organisé un concours de bras de...Hips... Fer. Le perdant paye une bière au vainqueur... J'ai tout gagné, finit-elle avec un sourire niai.

Au moins, elle n'avait pas pioché dans les économies qu'ils avaient, se dit la beast. Alors qu'elle réfléchissait à la possibilité de laisser son amie entrer, Phi arriva à son tour et se posa sur l'épaule de Syara tout en se frottant ses yeux endormis.

— Phi ! T'es trop mignonne ! Viens me faire un câlin !

Avec une démarche titubante mais néanmoins rapide, Elyazra s'approcha de l'entrée et tendit ses bras en direction de la fée. Avant qu'elle ne s'en saisisse et qu'il n'arrive malheur, Syara la repoussa en arrière et lui jeta un regard noir.

— Interdiction d'approcher de Phi tant que tu es dans cet état-là ! ordonna-t-elle avant de se tourner vers la fée. Va te recoucher, je m'occupe d'elle.

Toujours à moitié endormie et ne comprenant pas vraiment ce qui se passait, Phi hocha la tête et repartit dans l'appartement pour rejoindre le petit lit qu'elle s'était faite avec du coton.

— Aller, rentre avant qu'un voisin ne sorte, souffla de nouveau la beast en se poussant du passage.

Elyazra avança maladroitement jusqu'à arriver au niveau de la violoniste, puis, sans prévenir, se tourna dans sa direction et l'embrassa. Surprise, Syara resta interdite, les yeux exorbités tandis que la demi-dragonne éloignait son visage du sien.

— Je n'ai pas réussi à t'avoir quand tu étais un garçon, mais au moins, je t'ai eu en fille, lui dit-elle, un relent d'alcool s'échappant de sa bouche directement vers le nez sensible de la beast.

Sans attendre qu'elle ne réponde à ça, Elyazra tituba jusqu'à la chambre et s'engouffra à l'intérieur.

— Eh bien, je l'avais déjà vue ivre, mais jamais à ce point, sourit Guard, amusé par la situation.

— Elle va me le payer, ragea Syara en fermant la porte avec assez de force pour en faire trembler les murs. Très cher !

— Au moins, ça ne nous a rien coûté, relativisa le satyre.

— Prépare-toi, demain, dix heures, répétition de batterie dans la chambre.

— J'ai hâte, rit-il.

Alors que la beast se dirigeait vers la chambre, un autre bruit retentit, cette fois-ci à l'intérieur. En ouvrant la porte pour retourner se coucher, elle vit que la demi-dragonne s'était allongée en travers du lit. D'expérience, elle savait qu'essayer de bouger Elyazra quand elle était dans cet état-là était peine perdu. Elle avait la fâcheuse habitude de se cramponner aux draps, si bien que la virer défaisait tout le lit et qu'il était impossible de récupérer le moindre bout de couverture. De plus, comment pouvait-elle trouver le sommeil à côté de cette personne qui ronflait à en réveiller les morts ?

Dépitée, Syara referma la porte et se dirigea vers la salle de bain.

— Tu veux prendre le canapé ? proposa Guard.

— Non merci. Je vais aller me coucher dans la baignoire. L'inconfort me permettra de réfléchir plus longtemps à la vengeance qui s'abattra sur cette squatteuse ivrogne sans gêne.

— Prends au moins ma couverture, ça sera un peu plus confortable. Tu ne tireras aucune satisfaction de ta vengeance si tu as le dos en miette.

— Tu n'as pas tort, merci, répondit-elle en prenant la couverture qu'il lui tendait.

Énervée et exaspérée par sa colocataire, Syara entra dans la salle de bain et s'allongea dans la baignoire pour s'endormir d'un sommeil bien moins réparateur qu'elle l'aurait voulu.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant