Au matin, peu avant l'aube, Syara et Elyazra courraient déjà dans tout l'appartement pour rassembler les affaires qu'elles allaient emmener en mission. Sous les regards amusés de Guard qui avait fait son sac la veille, les deux jeunes femmes paniquaient au moindre objet qu'elles ne retrouvaient pas. L'organisation n'étant le fort ni de l'une, ni de l'autre, c'était au satyre de répondre à leur moindre question, même sur ce qui ne lui appartenait pas.
Finalement, elles finirent leur paquetage une heure avant le départ pour le hall. Si la chasseresse était détendue, ça n'était pas le cas de Syara dont le stress montait. Ça n'était pourtant pas son genre. Le problème ici était que la mission leur serait confiée uniquement s'ils faisaient bonne impression auprès de ceux qui l'avait soumise.
Un mot de travers, une remarque désobligeante ou un geste mal interprété et ils devraient se rabattre sur des missions moins intéressantes. La beast espérait donc pouvoir se contenir et prendre sur elle si une remarque la visait. Elle pria aussi pour qu'Elyazra se tienne tranquille. Le tact ne faisant pas partie de son vocabulaire, c'était elle qui lui faisait le plus peur.
Pour se détendre et penser à autre chose, Syara s'empara du violon qu'elle avait acheté lors de ses études et s'isola dans sa chambre. La musique l'avait toujours aidée, il n'y avait aucune raison qu'elle ne réponde pas à son appel cette fois-ci. Comme elle le faisait pour le violon de cristal, la beast s'imagina un décor et une situation qui canaliserait ses émotions.
Tandis qu'elle se voyait dans une plaine à l'herbe verdoyante, bercée par une légère brise, les douces notes de l'instrument, d'abord inspirées par la scène, vinrent bientôt la nourrir pour amplifier le sentiment de bien-être. Ainsi, grâce à cette musique apaisante, la violoniste s'imagina adossée à un arbre solitaire sur une légère colline. De petits animaux s'installaient auprès d'elle et jouaient à se poursuivre.
Au bout d'un certain temps, un bruit sourd la sortit de sa transe. Le stress avait disparu et seule une profonde sérénité l'habitait.
— Syara, appela Guard à travers la porte. Il est l'heure d'y aller.
— D'accord, j'arrive... Merci, répondit-elle, autant pour le satyre qui l'avait prévenue que pour le violon qui avait calmé son esprit.
Avec une certaine révérence, la beast rangea l'instrument dans son étui et retourna dans le salon où elle le déposa auprès des autres. Elle jeta ensuite son sac sur le dos et, avec un large sourire et un signe de la tête, signifia à ses compagnons qu'elle était prête.
— Ce que tu jouais était magnifique, félicita Elyazra en se mettant en route. Tu dis que je suis douée en musique, mais comparé à toi, je ne vaux absolument rien.
— Avec un peu d'entraînement, je suis sûre que tu y parviendras, rétorqua-t-elle avec modestie.
— Je ne crois pas, contredit le satyre. Une personne aura beau s'entraîner aussi longtemps qu'elle le voudra, elle n'arrivera pas au même résultat que toi. Tu y mets ton cœur et insuffles de puissantes émotions dans ta musique. Après t'avoir entendu, je me sens apaisé et détendu. Je ne dis pas que les autres musiciens en sont incapables, mais tu as un véritable don pour transmettre les émotions.
— Merci. Si seulement j'arrivais à contrôler les pouvoirs de mon instrument lié aussi facilement...
— Je pense qu'il ne faut pas le voir comme un véritable violon, mais comme un tout autre instrument avec ses propres spécificités. Quand tu as commencé le violon, je suis sûr que tu n'arrivais pas à jouer parfaitement. Il en est de même pour ton instrument lié, tu finiras par le maîtriser avec le temps.
— C'est drôle, tu parles exactement comme les mages, remarqua la chasseresse. Tu en étais peut-être un avant de perdre la mémoire.
— Ça m'étonnerait. J'y ai déjà pensé et j'ai déjà essayé d'invoquer un instrument, mais je n'ai jamais réussi.
— Pourtant, tu te débrouilles bien à la batterie, réfléchit la chasseresse.
— Crois-moi, maîtriser un instrument ne t'assures pas de devenir mage. Mon meilleur ami était aussi bon que moi et pourtant, il n'en est pas devenu un.
— Ha oui, d'ailleurs, comment est-ce qu'on devient mage ? questionna Elyazra.
— Je ne peux pas l'expliquer...
— Aller, s'il te plaît.
— Très bien, souffla la violoniste. À la fin des études, toutes les classes sont réunies dans un sous-sol et chacun doit mettre sa main dans un coffre en cristal. Si la personne en sort un instrument, elle devient mage, sinon, ses souvenirs de l'épreuve sont effacés.
— D'accord... Et dans notre langue, ça donne quoi ?
— Comment ça ?
— Tu nous as donné les explications dans une langue inconnue, confirma Guard.
— C'est ce que je disais, je ne peux pas l'expliquer. J'ai été la cible d'un sort qui m'empêche de révéler quoi que se soit.
La discussion ne pouvant aboutir, les trois compagnons changèrent de sujet tout en continuant à marcher pour se rendre au hall des musiciens. Sur le parvis, comme à leur habitude, Telak et Rael les attendait et parlaient entre eux des lieux qu'ils avaient visités grâce aux missions. Avec son ouïe sur-développée, Syara les entendait raconter des anecdotes sur des endroits qu'elle ne connaissait pas ou qui se trouvaient à l'autre bout du monde. Cela mit en évidence que, contrairement à elle, les autres mages du groupe n'étaient pas des débutants. Il n'y avait donc aucune raison de s'en faire pour la rencontre avec les commanditaires.
— On est encore en retard ? s'étonna Elyazra en venant à la rencontre de l'elfe et du démon.
— Non, vous avez même un peu d'avance, la rassura Rael. Prête à partir en mission ?
— Prête ! confirma-t-elle avec entrain. Je suis toute excitée, ça va être ma toute première !
— Je suis content pour toi, mais évite de dire ça devant les clients, prévint Telak. Ils aiment être rassurés en se disant qu'avec ceux qu'ils engagent, la mission n'a aucune chance de rater.
— D'accord, je ne dirais rien.
— Ça n'est pas à ce point-là. Si tu as quelque chose à dire qui pourrais nous aider, dis-le.
— Au contraire, si tu veux dire quelque chose qui nous empêcherai d'avoir cette mission, ne dis rien, ajouta Syara.
— Ça va j'ai compris, je sais me tenir ! hurla la chasseresse.
— En effet, rit l'elfe. Allez, ils doivent déjà être à l'intérieur, ne les faisons pas attendre plus longtemps.
Avec une impatience presque palpable, le groupe pénétra à nouveau dans le hall des musiciens. Dans très peu de temps, ils allaient rencontrer leurs commanditaires et enfin savoir si la mission leur serait confiée.
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Le violon de cristal: les partitions perdues
FantasyDans un monde où musique est synonyme de magie, où presque toute forme de technologie à disparue, où les humains ne sont plus les seuls êtres pensants de la planète depuis bien longtemps et où la terre, ravagée par les guerres, se remet peu à peu, v...