Chapitre 30 : la créature des abîmes

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— Votre fille ? répéta la beast, abasourdie. Que ferait votre fille à Sendra ?

— Ne jouez pas l'innocente, je sais que vous l'avez enlevée ! Je sens sa présence derrière les murs que vous avez élevés pour me séparer d'elle.

— Je vous assure que le rempart n'a été élevé que pour protéger la ville de la tempête que vous avez déclenchée. Nous ne savions pas que votre fille était à l'intérieur. Nous n'étions même pas au courant de votre existence.

— Vous dites que le mur a été bâti pour vous protéger ?

— C'est exact, confirma-t-elle.

— Dans ce cas, expliquez-moi petit être. Comment se fait-il qu'il ait été créé avant que je ne passe à l'attaque ?

La question du triton étonna Syara. Le rempart n'avait donc pas été construit en réponse à la tempête, mais en prévision. Chaque pièce du puzzle s'assemblait dans l'esprit de la beast et lui fit entrevoir ce qui se passait réellement. Il manquait cependant certains éléments essentiels pour résoudre ce mystère.

— Résumons ce qui s'est passé si vous le voulez bien.

— Qu'essayez-vous de faire ? questionna le géant, à la fois méfiant et énervé.

— J'essaie de trouver un moyen de sauver à la fois la ville et votre fille ainsi que de trouver les coupables. La grande majorité des personnes qui sont actuellement à Sendra ne savent clairement pas ce qui se passe vraiment. À vous de voir si vous voulez que je vous aide à retrouver votre fille ou si vous voulez continuer à foncer sans réfléchir contre un mur qui se répare inlassablement.

Ses paroles semblèrent le calmer. Son visage s'était légèrement radouci alors qu'il commençait à comprendre que Syara n'était pas son ennemi et essayait de l'aider. Il paraissait même impressionné qu'un si petit être lui tienne tête ainsi.

— Donc, reprit-elle, Une ou plusieurs personnes ont enlevé votre fille et l'ont emmené à Sendra. En apprenant cela, vous avez essayé de la récupérer en créant un raz-de-marée, mais le mur était déjà là pour vous empêcher d'engloutir la ville. Depuis, vous essayez de le détruire à coup de tsunami. C'est bien ça ?

— Oui, répondit-il sobrement.

Cette créature était certes douée de raison, cependant la colère l'aveuglait et l'empêchait de réfléchir clairement. Syara retint un soupire de soulagement en imaginant tout ce qu'il aurait pu faire au lieu de foncer tête baissée. Avec ses pouvoirs, il aurait été aisé de faire déborder l'océan jusqu'à totalement entourer la ville et la noyer. Il aurait très bien pu tuer un à un les mages sur le mur en les propulsant dans le vide comme il l'avait fait avec elle. La beast allait d'ailleurs lui demander pourquoi il ne l'avait pas fait, mais se ravisa. La pire chose à faire était de lui donner de bonnes idées pour détruire la ville.

— Vous ressentez encore la présence de votre fille ?

— Elle est là-bas, je le sais. Et elle est faible, expliqua-t-il.

L'être imposant et colérique avait tout à coup laissé sa place au père désespéré et désemparé. Cela faisait plus d'un mois qu'il lançait assaut sur assaut contre Sendra. Utiliser autant d'énergie sans interruption l'avait épuisé. Cela se lisait sur son visage à présent que la colère avait disparu.

— Renvoyez-moi sur la terre ferme. Je la retrouverai et je vous la rendrais.

— Comme si je pouvais me permettre de faire confiance à un être de la surface, souffla-t-il.

— Vous n'avez pas le choix ! Vous êtes épuisés. Quelle que soit votre puissance, vous ne pourrez pas lutter éternellement contre une alliance d'autant de mages déterminés à sauver leur ville et vous l'avez dit vous-même, le temps est compté, votre fille est faible. J'ai sauté du mur pour vous rencontrer et comprendre pourquoi vous attaquiez la ville. À présent, je comprends et je vous serais plus utile de l'autre côté qu'ici à discuter. Renvoyez-moi et je vous ramènerai votre fille.

— Très bien, céda le triton, ramenez la moi et je vous promets que les attaques cesseront.

D'un geste de la main, un tourbillon enveloppa la beast et la propulsa à la surface. Elle ne s'arrêta cependant pas au niveau de l'eau et continua son ascension jusqu'à arriver en haut du mur. Là, le tourbillon changea brutalement de direction et traversa le bouclier de vent pour enfin disparaître et relâcher la beast.

Quelque peu désorientée, Syara observa les alentours. Deux mages la regardaient d'un air ahuri, la bouche grande ouverte. Elle n'était pas très loin de l'endroit d'où elle avait plongé.

À peine fut-elle relevée que Telak et Rael apparurent à ses côtés.

— Eh bien, vous avez fait vite pour me retrouver, constata-t-elle.

— Deux jours ! explosa le démon. Tu as disparu pendant deux jours !

— Impossible, je suis partie pendant maximum une demi-heure.

— Tu t'es éloignée à plus de cent kilomètres de cotes, indique l'elfe noir.

Cent kilomètres ? Deux jours ? Soit ils racontaient n'importe quoi, soit le temps n'était pas passé à la même vitesse dans les profondeurs de l'océan. Ce mystère pouvait attendre, elle devait voir une certaine personne, et vite. Sans donner plus d'explication, la beast avança vers le bord du rempart et sauta dans le vide.

Comme elle s'y attendait, des tourbillons de vent entourèrent ses membres et ralentirent sa chute jusqu'à ce qu'elle touche le sol.

— Tu aurais pu prévenir avant de faire ça ! réprimanda Telak en atterrissant à ses côtés. Recommence encore une fois ce genre de chose et je te fais enfermer pour ta propre sécurité... Et celle de mon cœur qui ne tiendra pas longtemps à cette vitesse-là

— Où allons-nous ? questionna Rael, nullement affecté par ce que venait de faire la beast.

— Au poste d'opération.

Les trois mages se rendirent rapidement au lieu en question et entrèrent dans le bâtiment. Syara fendit la foule avec agilité et ouvrit violemment la porte du fond.

— Qu'est-ce que c'est ? Encore vous ? rétorqua le mage qui s'occupait des affectations.

En deux grandes enjambées, Syara parcourut la distance qui les séparaient. D'un geste vif, la beast prit la tête du mage entre ses deux mains puis l'écrasa avec force contre la maquette. L'homme s'écroula à terre, inconscient et le visage en sang alors que les cris de surprise et de stupeur résonnaient dans la pièce.

— Maintenant que j'ai votre attention, nous allons pouvoir commencer, clama la violoniste avec un regard meurtrier. Où est-elle ?

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant