Chapitre 151 : Le jour du couronnement

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 Affalée sur le grand canapé du salon royal, Elyazra observait avec un œil mi-amusé, mi-agacé la princesse qui ne cessait de faire les cent pas devant elle. Cela faisait déjà une demi-heure qu'elle tournait ainsi et la demi-dragonne hésitait à lui dire qu'elle se rapprochait de plus en plus de la table basse. Encore quelques tours et elle se prendrait les pieds dedans.

— Phi, calme-toi, tout va bien se passer, intervint Syara après être entrée dans le salon.

La princesse se stoppa net et fixa la beast avec une certaine inquiétude dans son regard. Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis que le tournoi avait pris fin et la violoniste avait retrouvé son apparence féminine originelle, pour le plus grand malheur d'Elyazra qui ne cessait de s'en plaindre.

— Comment veux-tu que je me calme, le couronnement est dans moins d'une heure !

— Et tout va bien se passer, la rassura Syara. Qu'est-ce qui pourrais mal se passer ?

— Tout ! Que je ne me souvienne plus de ce qu'il faut faire, que je ne trouve pas mes mots, que je me ridiculise devant tout le monde, que je tombe... Encore.

En quelques pas, la beast rejoignit la princesse et la prit dans ses bras. Avec la différence de taille entre elles, la violoniste se souvint que Phi n'était encore qu'une enfant. Il était normal qu'elle soit terrorisée. Il fallait qu'elle la rassure.

— Tu ne tomberas pas. Seulement deux étages te séparent de la salle du trône où aura lieu le couronnement. Ta mère nous a dit que tu n'étais jamais tombée dans les escaliers alors il n'y a pas de raison que ça arrive aujourd'hui.

Tiens, Elyazra avait vu une toute autre version en fouillant dans le passé du finaliste du tournoi.

— Quoi ? Tu rigoles ? s'exclama la fée, presque paniquée. De toutes les fois ou j'ai eu à descendre les escaliers, je suis bien plus souvent arrivée en bas sur les fesses que debout.

— Sa mère devait sans doute juste faire allusion au passage de sa vie où son père la surprotégeait, expliqua la demi-dragonne.

— Rien qu'ici, j'ai les jambes qui tremblent tellement que je risque de trébucher au moindre pas.

— Alors si tu as si peur de tomber en marchant... Arrête de tourner en rond ! Ça fait une demi-heure que tu me donnes le tournis ! s'exclama Ely.

Comme une enfant qui se ferait réprimander pour une bêtise, Phi s'assit immédiatement sur le canapé et ne bougea pas d'un cil dans l'espoir de ne pas se faire punir. Cette réaction arracha un sourire à Syara et la conforta dans l'idée qu'elle n'était encore qu'une enfant. Était-ce réellement une bonne idée de placer une personne aussi influençable sur le trône ? S'il suffisait de hausser un peu la voix pour se faire obéir de la reine, elle ne donnait pas cher du royaume.

— Phi, je comprends que tu sois anxieuse, tenta de la rassurer la violoniste. Tout le monde le serait à ta place. Mais dis-toi que nous sommes tous là pour toi et qu'il n'y a pas de raison pour que ça se passe mal. Et si tu tombes quand même, ça n'est pas grave. Tu ne feras que montrer à ton peuple que tu es resté toi-même et ça les rassurera.

— Et si je ne suis pas à la hauteur ?

— D'après ce que j'ai compris, ton père était un roi bon et juste avant de se faire corrompre par la partition. Je suis certaine qu'il t'aidera. Mais de ce côté-là je ne m'en fais pas. Tu as prouvé que le sort de ton peuple t'importait plus que ta propre sécurité. Tu seras une très bonne reine, il te faut juste un peu plus d'assurance.

Peu à peu, la beast vit dans le regard de son amie qu'elle reprenait confiance en elle. Elle avait bien fait de passer finalement.

— Ça va mieux ?

— Oui, merci.

— Alors on se retrouve en bas. Les gardes vont bientôt passer pour te chercher. Moi, je suis venu récupérer la squatteuse.

— Moi ? S'étonna la demi-dragonne.

— Oui, toi. Tu ne vas quand même pas descendre en même temps que la future reine ! C'est Shay qui m'envoie. Aller viens.

— Mais je suis bien moi ici !

— Il savait que tu allais dire quelque chose comme ça, alors il m'a dit de te dire que tu avais le choix. Soit tu venais maintenant, soit tu restais ici mais tu n'avais pas le droit d'assister à la cérémonie.

— C'est pas juste, bouda-t-elle.

Malgré son air renfrogné, Elyazra se leva tout de même et sortit du salon, suivie de près par Syara. Avant de sortir, la beast se tourna tout de même une dernière fois vers la princesse et lui sourit en lui faisant un clin d'œil.

Dès que la porte se referma, Phi souffla longuement pour se calmer. Les paroles de Syara l'avaient apaisée et elle se devait de les garder en mémoire pour ne pas craquer. Tout allait bien se passer, il n'y avait aucune raison que tout ceci se termine en désastre.

Rester assise comme l'avait demandé Elyazra n'était cependant pas tenable pour la future reine qui se leva et alla rejoindre la fenêtre. Dehors, elle pouvait apercevoir une foule compacte qui attendait dans l'espoir de la voir sortir.

Parmi tous ses sujets, son regard fut attiré par l'un d'entre eux. Adossé à un mur un peu à l'écart et les bras croisés, le finaliste qui avait affronté Syara, puis Elyazra était lui aussi présent. Lorsque le tournoi s'était terminé, elle avait insisté pour le rencontrer et savoir pourquoi il lui voulait tant de mal.

Ce dernier lui avait alors remémoré l'épisode de sa vie où il l'avait consolée. Ce qu'elle ne savait pas, c'était que le roi, corrompu par la partition à ce moment-là avait assisté à la scène et n'avait pas apprécié qu'il vienne en aide à sa fille. Il était alors tombé en disgrâce et avait, peu à peu, été rejeté par le reste de son entourage. En participant à ce tournoi, il avait donc dans l'idée de se venger du roi et de faire souffrir sa fille qui l'avait placé dans cette situation.

Phi n'avait alors pas eu le courage de le punir et lui avait juste pardonné tout en lui promettant qu'il ne serait plus rejeté ainsi. Malgré toutes les horreurs qu'il avait prononcées et les catastrophes qu'il avait causées, il demeurait donc libre. La princesse espérait que son choix était le bon, mais le fait qu'il se porte volontaire pour reconstruire le quartier qu'il avait dévasté l'aidait à s'en convaincre.

Perdue dans ses pensées, Phi revint à elle lorsqu'elle entendit la porte s'ouvrir. Deux gardes entrèrent dans la pièce et se postèrent devant elle, au garde à vous.

— Princ... Je veux dire, Reine Phindéréllia, le moment est venu.

— Je suis prête, annonça-t-elle d'une voix assurée, même si c'était bien la seule chose qui l'était chez elle.

Escortée par ces deux soldats, Phi quitta le salon et descendit les deux étages qui la séparait de la salle du trône. Lorsqu'elle posa un pied dedans, la musique annonçant sa venue se mit à retentir. La cérémonie du couronnement pouvait commencer.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant