Chapitre 117 : le mur de feu

1.4K 223 30
                                    

 Plus Syara s'enfonçait dans la forêt, plus elle avait l'impression que la température montait. Au bout d'un certain temps, elle devint presque insupportable. La beast avait l'impression de se trouver juste à côté d'un incendie, et elle n'était pas si loin de la vérité. Peu à peu, les arbres laissèrent leur place à un paysage plus rocheux. Les pierres étaient totalement blanches et contrastaient avec l'étendue de flammes noires qui la recouvrait entièrement.

— Bon, eh bien je crois qu'elle est là, souffla la violoniste pour elle-même.

Pour l'avoir déjà vue en action, elle savait que ça n'était pas une bonne idée de foncer dedans tête baissée. Ces flammes étaient bien plus destructrices que toutes les autres. Le seul moyen de retrouver Elyazra était de se frayer un passage en les éteignant tout en espérant qu'elles ne se recréent pas derrière elle et ne finissent par la piéger. Rien qu'avec ça, elle comprenait pourquoi Shay leur avait dit de ne pas approcher et que cet endroit pouvait se révéler dangereux lorsque la demi-dragonne était dans cet état-là.

Cependant, sa curiosité l'emportait sur le reste. Elle voulait savoir pourquoi son amie était partie ainsi. Même si elle connaissait les grandes lignes de l'histoire, elle voulait en savoir plus pour pouvoir l'aider. Mais pour se faire, elle devait passer cette étendue de flammes.

La beast invoqua son violon et le cala sur son épaule. Elle se mit à jouer une mélodie lente et qui se voulait apaisante tout en se représentant la rivière qui coulait tranquillement à quelques pas de la maison de Shay. Petit à petit, une petite sphère d'eau apparut devant elle. Jusque-là, elle n'avait réussi qu'à créer des geysers avec cet élément, mais ça n'était pas ce dont elle avait besoin dans cette situation. Heureusement, son violon semblait répondre à sa demande et faisait exactement ce qu'elle souhaitait.

La petite sphère d'eau se mit à grossir jusqu'à dépasser légèrement la taille de son invocatrice. Syara changea pour jouer un air plus grave et la bulle s'ouvrit pour la laisser entrer. Dès qu'elle se fut placée au centre, le rideau d'eau se referma derrière elle et l'enferma totalement.

La protection était en place, il ne lui restait plus qu'à avancer. Comme elle le souhaitait, son sort la suivait à chacun de ses pas et éteindrait les flammes à son passage, du moins, elle l'espérait. Dès que la paroi aqueuse rencontra les flammes, un crépitement se fit entendre et de la vapeur commença à monter. D'abord hésitante, Syara fit un léger pas de plus et l'avant de sa protection finit de s'évaporer. La bulle n'étant plus entière, le sort s'effondra sur elle et la trempa de la tête au pied.

Si la présence des flammes lui donnait chaud, ce qu'elle venait de subir là était une douche glacée. Pourquoi fallait-il que ses sorts d'eau soient toujours aussi froid ? Et qu'ils finissent tous par lui retomber dessus ainsi ? Heureusement, sa protection s'était brisée dès le début, ce qui ne l'avait pas mise en danger, mais elle était de retour au point de départ.

Profitant de la présence du mur de feu pour se réchauffer et se sécher, Syara réfléchit à un autre moyen d'agir. La seule fois où elle avait réussi à voler avec ses pouvoirs de vent, elle se trouvait dans la dimension du violon de cristal. Ses autres tentatives à l'extérieur s'étaient toutes révélées catastrophiques. Utiliser son propre feu serait inutile et faire un pont de ronce lui demanderait beaucoup d'énergie. Sachant qu'elle se sentait encore faible à cause du rituel d'entrave et qu'elle n'avait jamais tenté de créer une telle structure, il y avait de fortes chances que cela échoue. Il ne lui restait plus que ses sorts de soins, inutiles dans ce genre de cas. Elle pouvait très bien crier pour qu'Elyazra l'entende, mais la connaissant, elle ferait sans aucun doute la sourde oreille et l'ignorerait.

Alors qu'elle faisait les cent pas à côté du mur pour trouver une solution, Syara aperçut quelque chose qui volait dans sa direction.

— Ha, c'est toi Phi, dit-elle en voyant la fée approcher.

La petite créature observa un moment la beast, puis se tourna vers le mur de feu noir qui bloquait le passage.

— Dis-moi, tu ne serais pas capable de me porter pour me faire traverser cet obstacle par hasard ? plaisanta la beast.

Phi pencha sa tête sur le côté avec une mine interrogatrice. Évidemment, comment une aussi petite chose pouvait la porter ? Si elle avait eu une telle force, elle ne se serait jamais faite emprisonner par les deux alchimistes qui voulaient l'utiliser comme ingrédient principal pour leur sinistre potion.

— Elyazra se trouve sans aucun doute derrière, expliqua la beast. J'ai tenté d'éteindre le feu, mais ça semble impossible et je n'ai pas tellement le droit à l'erreur.

Phi s'avança légèrement vers les flammes, provoquant immédiatement la panique chez la violoniste.

— Attention !

Confiante, la fée continua de progresser. Dès qu'elle fut assez près du mur, les flammes semblèrent se courber pour l'éviter. Un halo de lumière entourait Phi et contrastait avec le noir du feu.

— Ces flammes ne... Te font rien ?

Pour toute réponse, Phi écarta les bras. Le halo se mit à grandir et à repousser le feu jusqu'à éteindre celui qui se trouvait sous elle. D'un signe de la main, elle invita Syara à la rejoindre dans la protection qui pouvait à présent l'accueillir.

— J'espère que tu sais ce que tu fais, commenta Syara en entrant dans cette nouvelle bulle protectrice.

Cela ne faisait que peu de temps qu'elle la connaissait, mais il lui avait suffi pour se rendre compte que Phi était la maladresse incarnée. Ce qui faisait son charme et amusait tout le monde pouvait se révéler très dangereux dans ce genre de cas. Cependant, la fée paraissait sûre d'elle et commença à voleter devant Syara pour lui ouvrir le passage.

Comme elle l'avait imaginé, le mur de flammes se referma derrière elle et la piégea. Elle ne pouvait plus reculer à présent et devait suivre son guide. À l'intérieur du halo, elle ne ressentait presque pas la chaleur étouffante et suffocante des flammes et se sentait étrangement en parfaite sécurité.

La traversée ne dura qu'une minute, à peine cent mètres. Lorsqu'elles sortirent enfin de la fournaise, Phi et Syara trouvèrent Elyazra, assise sur un rocher aussi haut qu'elle. Elle semblait perdue dans ses pensées et avait le regard vide. Elle sortit malgré tout de cet état lorsqu'elle aperçut son amie et lui décrocha un regard bien plus étonné que furieux.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant