Chapitre 135 : Disqualifiée ?

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 Cela devait faire une vingtaine de minutes que la compétition avait commencé lorsque Syara se posa sur la place du palais où nombre d'habitants s'étaient réunis pour voir les qualifiés à la seconde épreuve. Dès qu'elle se posa, la beast s'avança vers le balcon où se trouvait le roi, la reine et Phi. Cette dernière la regardait, inquiète, tandis que son père avait un large sourire aux lèvres.

— Vous revenez, mais sans la perle, constata-t-il. Dommage, vous auriez été la vingt-huitième autrement.

Souriant à son tour, Syara décrocha sa sacoche et tira sur le cordon pour l'agrandir, puis sortit l'objet qu'elle devait ramener. Juste avant de s'en aller, Fos lui avait conseillé de la cacher et de la mettre en sécurité au vu de sa fragilité et il avait eu raison. Les fées extérieures à la ville avaient créé un véritable barrage un peu avant la place et détruisaient les perles de quiconque s'approchaient pour valider cette épreuve.

Vu qu'elle s'était présentée les mains vides et qu'elle avait prétendu que sa perle avait déjà été détruite, les concurrents avaient accepté de la laisser passer. Le roi, à la vue de la perle, peinait à contenir sa rage.

— Vous êtes qualifiée pour la seconde épreuve, annonça le souverain entre ses dents.

Avec un sourire à la fois narquois vis-à-vis du roi et qui se voulait réconfortant pour la princesse, Syara les salua et alla voir ses compagnons qui se trouvaient parmi les spectateurs. Le premier pas pour secourir Phi était fait et il ne restait que trente et une personne à éliminer pour... Obtenir sa main. En quittant son école quelques mois avant, jamais elle n'aurait imaginé se retrouver mariée avec une fée, qui plus est en étant un homme.

Ses réjouissances furent cependant de courte durée. Alors qu'il ne restait qu'un concurrent à attendre, un garde se présenta devant le roi et lui parla à voix basse.

— Ça ne sent pas bon, dit Elyazra en fixant le balcon.

Contrairement à Syara, la demi-dragonne avait entendu ce que s'étaient dit les deux fées. La beast avait du mal à l'admettre, mais l'ouïe de son amie était bien plus fine que la sienne et, comme elle le craignait, le roi fit un signe dans sa direction, son sourire retrouvé.

— Grand dirigeant des gardiens des partitions d'Atéa, il semblerait que je doive vous éliminer de cette compétition.

Heureusement qu'Elyazra l'avait prévenue, autrement elle aurait réagi au quart de tour à cette nouvelle provocation. Elle se contenta donc d'intérioriser sa colère et s'approcha du balcon pour en entendre les raisons.

— J'ai pourtant été clair avant le départ. Aucun habitant qui ne participe aux épreuves ne doit être blessé par un concurrent. Et pourtant, vous vous en êtes prises à l'une d'entre elle.

Ça, elle s'y attendait. Pendant son trajet du retour, elle avait pensé à la voleuse qui lui avait dérobé la perle. Le fait que ce soit une femme n'était pas anodin. Ainsi, il était impossible de se méprendre et de dire qu'elle était une concurrente. Cependant, à bien y réfléchir, elle ne lui avait rien fait et cette accusation n'était pas fondée.

— L'une de vos citoyennes a effectivement dérobé la perle sous mes yeux et je l'ai poursuivie. Je ne vous ferais pas l'affront de dire qu'elle était sous vos ordres, peut-être était-ce une personne qui croyait qu'elle avait une quelconque valeur marchande. Je l'ai donc poursuivie pour la récupérer et, au lieu de la suivre, je me suis arrangée pour couper sa route. Au final, ça n'est pas moi qui l'ai frappée, mais elle qui m'a foncée dessus et s'est heurtée à moi. Je ne l'ai pas menacée et pas frappée.

— Une voleuse hein ? questionna le roi en feignant la surprise. Il n'empêche qu'il y a eu contact. Je ne peux décemment pas donner la main de ma fille à une personne qui représente un danger pour mon peuple dès la première épreuve.

La première épreuve n'était pas encore terminée et elle en avait déjà assez du roi. Il était temps qu'elle ait une petite discussion avec lui en tête à tête. Toujours sous l'effet de l'enchantement de Rael, Syara s'envola jusqu'au balcon et se posa devant le roi. Les gardes à quelques mètres de lui dégainèrent immédiatement leurs armes et amorcèrent un pas pour s'approcher et protéger leur souverain.

— Faites un pas de plus et les flammes noires de mon amie vous incinérerons sur place.

— Les menaces, cela aussi est exclu, dit le roi en ne se laissant pas démonter par cette arrivée.

— Ça n'est pas une menace, mais une constatation, regardez plutôt.

Parmi les spectateurs, Elyazra avait tout entendu et s'était mise à faire danser ses flammes entre ses doigts. L'altercation entre la beast et le roi à l'arrivée du groupe avait fait le tour du palais et les gardes savaient qu'elle était capable de créer un mur de feu en un instant. Ils hésitèrent donc un instant entre leur propre vie et la sécurité du roi. À quoi cela servait-il d'avancer plus si c'était pour mourir avant d'avoir été d'une quelconque utilité ?

— Rangez vos armes ! ordonna le roi qui avait perçu leur hésitation. Ne mourez pas inutilement, je sais qu'elle ne me fera rien.

— Bien, au moins, il vous reste un semblant de lucidité. J'ai essayé d'être compréhensive et de ne pas vous impliquer dedans, mais sachez que la voleuse m'a avouée immédiatement et sans menace de ma part que vous l'aviez engagée pour faire ça. Elle devait d'ailleurs s'emparer de la perle devant mes yeux pour que je ne crie pas à la triche en ne la voyant pas à l'endroit que vous m'aviez indiqué. Sachez aussi que j'ai accepté de jouer selon vos règles, mais ce qui m'importe au final, c'est de récupérer Phi. Refaites encore un coup comme ça pour essayer de me disqualifier et je vous promets qu'il faudra vous trouver une autre forêt. Encore une fois, ça n'est pas une menace, mais une constatation. Alors, que décidez-vous ? Revenez-vous sur ce que vous avez dit où suis-je réellement disqualifiée ?

— Vous êtes...

Voulant d'abord camper sur ses positions, le roi s'interrompit net, un frisson de peur le parcourant de part en part. Il chercha rapidement d'où pouvait provenir cette sensation et trouva, parmi la foule, deux yeux jaunes à la pupille fendue qui lui jetaient un regard meurtrier. Un instant, il crut déceler quelque chose d'autre. Une étrange aura noire entourait cette femme, s'étendait autour d'elle jusqu'à recouvrir l'assemblée et montait à un endroit en une forme qui ressemblait à quelque chose... Une patte ?

En relevant les yeux, le souverain les écarquilla de peur devant la chose qui recouvrait intégralement sa ville. Un immense dragon noir le fixait avec le même regard meurtrier et semblait prêt à cracher son feu destructeur. En un clignement de ses paupières, le dragon disparut. Personne ne semblait s'en inquiéter ou l'avoir vu, mais ce sentiment de danger imminent restait et s'accentuait chez le roi. En acceptant ces étrangers dans son royaume, il avait fait rentrer un monstre.

— Vous restez dans la course, souffla-t-il d'une voix peu assurée.

— J'aime mieux ça, rétorqua la beast avant de redescendre du balcon.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant