Chapitre 128 : Le destin de Phi

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 Son visage au plus près de celui de Syara, le roi essayait de soutenir son regard et de paraître fort. Les gardes avaient cessé d'essayer d'intervenir et l'assemblée s'était tu en attendant de voir la suite des événements. Vu son caractère, ce devait être un régent autoritaire, mais jamais il n'avait dû être confronté à quelqu'un comme la beast. Il était face à une véritable bête déterminée à le maintenir en place tant qu'elle n'aurait pas ses réponses.

— Phindéréllia se trouve dans sa chambre, céda-t-il en baissant le regard, vaincu. Maintenant lâchez-moi.

— Pas avant que vous ne m'ayez dit ce que vous lui réservez.

— Je veux qu'elle fasse ce pour quoi elle s'est enfuie, à savoir accepter ses responsabilités.

— Vous voulez qu'elle vous succède ? questionna Telak.

Même avec la menace que représentait Syara, le roi ne put s'empêcher de rire aux éclats en entendant cette question. Étonnée, la violoniste se tourna vers la reine qui tentait tant bien que mal de se faire discrète et de dissimuler la gêne que lui inspirait son mari.

— Cette empotée, reine ? s'esclaffa-t-il. Non, ce sera quelqu'un d'un peu plus dégourdi qui prendra ma place, donc son enfant.

— Son enfant ? Mais Phi n'a que quinze ans ! s'indigna Guard.

— Quatorze, rectifia le souverain. Et cet héritier serait déjà né si elle ne s'était pas enfuie à la veille des épreuves qui auraient déterminé son mari. Épreuves que nous allons donc pouvoir faire passer au plus tôt maintenant qu'elle est de retour.

Plus il expliquait quel était le sordide destin qu'attendait Phi, plus la respiration de Syara s'accélérait. Sa vision s'étrécit pour ne se focaliser que sur cet immonde personnage et son cœur s'emballa tandis qu'elle avait l'impression que des tambours résonnaient dans ses oreilles.

— Qu'est-ce que c'est que ça ? D'où vient ce bruit ? s'inquiéta le roi.

Les tambours qu'elle entendait ne battaient pas au rythme de son cœur, remarqua la beast, et elle n'était apparemment pas la seule à les entendre. Elle avait l'impression d'entendre le genre de percussions qui servaient aux soldats à se donner du courage avant une bataille et à effrayer les adversaires.

Le rythme devenait de plus en plus soutenu et de plus en plus fort, mais cela n'était pas suffisant pour qu'elle détourne ses yeux du roi. Ça n'était pas quelques tambours qui allaient l'effrayer et l'empêcher d'avoir les réponses qu'elle cherchait. Elle n'en avait définitivement pas terminé avec lui.

— La symphonie des valkyrs, souffla Shay. Elyazra, éloigne Syara du roi !

— Mais...

— Tout de suite !

Vu l'empressement du dragon, Elyazra parcourut les quelques mètres qui la séparait de son amie et la prit par le bras. Syara était totalement focalisée sur le roi et ne semblait même pas sentir la présence de la demi-dragonne qui dut y mettre de la force pour la faire lâcher son emprise sur le souverain et l'éloigner.

Alors que la beast reprenait conscience de ce qui l'entourait, les tambours se firent plus faible jusqu'à totalement disparaître. Elle jeta cependant un regard interrogateur vers sa colocataire, ne comprenant pas pourquoi elle l'avait empêchée de continuer son interrogatoire.

— Vous dites qu'il va y avoir des épreuves pour trouver un mari à Phi ? questionna le dragon, montrant ainsi qu'il reprenait les choses en main.

— Ça n'est pas vraiment un mari pour elle, mais plutôt un père pour l'héritier que je cherche. Avec sa maladresse, il faut bien le plus adroit de mes sujets pour contrebalancer et quoi de mieux qu'une série d'épreuves pour les départager.

— Vous êtes ignoble, commenta Rael, dégoutté. Vous ne pensez même pas à votre fille.

— Dites-vous qu'elle n'aurait pas eu à subir ça si j'avais pu avoir un autre enfant, mais dès sa naissance elle a été un véritable fléau et a privé la reine d'avoir un jour un autre enfant.

— Vous ne voyez les femmes que comme des ventres qui pourraient vous donner des héritiers, intervint Elyazra en serrant les poings. J'en ai déjà tué pour moins que ça.

— Je n'ai pas à me justifier devant des inc...

— Je vais participer, clama Syara.

Tous, membre de la compagnie comme fées se tournèrent vers elle. Depuis que les tambours avaient cessé, elle n'avait pas dit un mot et semblait perdue dans ses pensées. L'entendre prononcer ce genre de chose n'étonna pas son groupe, mais ils se demandaient comment le roi allait réagir.

— Vous ? Mais vous n'êtes pas une fée. Vous n'êtes même pas un homme alors comment comptez-vous me donner un héritier ?

— Détrompez-vous, contredit le dragon. Dans le monde à l'extérieur de la forêt se trouve une race appelée polymorphe. Ils ont différentes capacités, dont celles d'être inter-compatible avec toutes les espèces et de pouvoir changer à leur guise d'apparence et de sexe, Syara est l'une d'entre elle. Mais vous ne pouviez pas le savoir, vu que vous restez cloîtrés dans votre arbre.

Tout ceci était bien évidemment un mensonge. Syara était à moitié beast et à moitié humaine et elle n'était en aucun cas capable de se transformer en homme. Mais si cela lui permettait de participer aux épreuves pour libérer Phi sans que ce soit considéré comme un enlèvement et donc la mettre en danger, elle était prête à se travestir.

— À cela, j'ajouterai que Phi est bien plus dégourdie que ce que vous le pensez, dit Telak. La preuve en est qu'elle a réussi à se débrouiller pendant une année entière dans un monde qui lui était inconnu alors qu'elle n'avait jamais manqué de rien. En auriez-vous été capable, vous ?

— Je refuse qu'un inconnu participe à ce tournoi ! s'obstina le souverain.

— Très bien, ça y est, j'en ai assez, souffla Shay. J'ai essayé d'être conciliant, mais ma patience a des limites ! Alors voilà ce qu'on va faire. Vous allez laisser Syara participer au tournoi et, si elle gagne, elle aura la main de Phi et vous nous donnerez les vraies partitions d'Atéa.

— Comment ?

— Ne jouez pas à ça avec moi ! hurla-t-il, sa voix de dragon reprenant un instant le pas sur celle humaine. Vous croyez que vous pouvez tromper un dragon avec une imitation comme celle que vous nous avez donnée ? Vous croyez que, de là où j'étais, je n'ai pas entendu ce que vous avez dit au garde qui est partie la chercher ? J'ai aidé à construire cette ville il y a mille ans, je peux très bien en être le destructeur aujourd'hui, alors acceptez nos conditions ou je rase cette forêt en m'assurant que vous soyez le seul à vous trouver à l'intérieur !

— T... Très bien, j'accepte, trembla le souverain, blême.

— Bien, dit Shay en reprenant son calme. À présent, nous allons nous retirer dans les quartiers que vous allez gentiment nous prêter. Rappelez-vous, les gardiens doivent être traités avec tous les égares dus à leur rang.

À ces mots et sans attendre une quelconque réponse du souverain, Shay se dirigea sans se presser vers l'une des portes qui menait aux différentes ailes du palais. Avant de sortir, il fut rejoint par le reste du groupe qui quitta la pièce en même temps que lui alors qu'aucune personne n'osait ne serait-ce que bouger dans l'assemblée.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant