Chapitre 34 : l'arme du passé

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— Si vous avez été un temps sois peu attentive en cours d'histoire, vous savez quels dégâts ce genre d'arme peut causer, et à quelle vitesse. Je vous prierais donc de vous éloigner de mon trésor. Il serait regrettable qu'un tire perdu ne brise la fine plaque de verre qui retient toute cette eau et maintient en vie la chose qui va me rendre riche. Aller, bougez !

Syara,les mains en évidence pour montrait qu'elle ne manigançait rien, se déporta lentement, pas à pas, vers sa droite. Elle savait pertinemment que, dès que l'aquarium ne serait plus dans l'axe de tir, l'homme n'hésiterait pas une seule seconde à l'abattre.Cependant, et comme il l'avait lui-même fait remarquer, elle ne pouvait pas prendre le risque qu'il rate son tir et ne condamne de ce fait la sirène.

Alors qu'elle progressait aussi lentement que possible, toutes sortes d'idées affluèrent pour trouver un moyen de se sortir de cette situation. Lui sauter à la gorge ? Mauvaise idée. Essayer de se cacher ? Très risqué vu qu'elle ne savait pas à quel point il maîtrisait le maniement de son arme et qu'elle était totalement entourée de murs de caisses instables. Gagner assez de temps pour que Telak et Rael ne la rejoignent ? Tout aussi risqué, rien ne lui indiquait que les combats à l'extérieur avaient avancés et,qui plus est, en leur faveur.

Il ne lui restait que deux mètres à parcourir avant d'être sûre de se faire tirer dessus. La violoniste opta donc pour la troisième option pour satisfaire sa curiosité ainsi que la seconde comme plan de secours.

— Vous êtes prêts à risquer la vie des milliers de mages qui protègent cette ville ainsi que le foyer de toutes ses personnes qui se sont réfugiés à Léfarène ?

— Je raserai un pays sans hésiter si la récompense est à la hauteur,rétorqua-t-il avec un sourire amusé. Mais je vois très bien ce que vous êtes en train de faire. Vous voulez gagner du temps pour que vos amis vous rejoignent et m'arrêtent.

Merde !Il était grand temps de passer au plan de secours et de tenter la fuite. Cependant, Syara avait bien plus envie, à cet instant et après ce qu'il venait de dire, de lui sauter dessus pour lui arracher la trachée avec les dents.

— D'accord,reprit-il. Discutons un peu. Après tout, grâce à vos amis, ma part augmente à chaque associé mort. Alors dites-moi, comment avez-vous découvert cet endroit et ce qu'il renfermait ?

La beast n'en croyait pas ses oreilles. Son adversaire était conscient qu'elle essayait de gagner du temps et il la laissait tout de même faire. Soit il était absolument certain de sa victoire, soit il était impératif pour lui de savoir comment elle était remontée jusqu'à lui. Il fallait qu'elle sème le doute dans son esprit.

— C'est Xain qui nous a révélé tout ce qui se passait.

En utilisant un demi-mensonge tel que celui-ci, en omettant qu'il l'avait fait sous la contrainte, Syara espérait provoquer chez son ennemi un sentiment d'abandon et une impression d'avoir été trahi.Cela étonna donc d'autant plus la jeune femme lorsqu'elle le vit rire à gorge déployer en apprenant cette nouvelle.

— Alors cet imbécile m'a trahi ! Formidable ! Ma part des gains vient littéralement de doubler ! Merci de m'avoir révélé cela, mais à présent, j'ai d'autres choses qui m'attendent et un ancien associé à faire assassiner.

À ses mots, l'homme appuya sur la détente, son arme pointée sur le cœur de la beast. Syara ne s'attendait pas à ce qu'il finisse ce semblant de discussion aussi tôt et avait baissé sa garde. Elle ne put donc que fermer les yeux et prier pour survivre à ça. Le bruit infernal du tire provoqua d'atroces sifflements dans les oreilles à l'ouïe sur-développé de la violoniste.

Chose étrange, ces sifflements étaient bien plus douloureux que la balle qui était sensée l'avoir transpercée. À dire vrai, elle ne la sentait même pas. Après quelques secondes d'attente, Syara s'autorisa à ouvrir un œil.

L'homme qui lui avait tiré dessus était à genoux, sa main gauche tenait son bras droit qui se finissait par une main totalement éclatée. Il manquait deux doigts à cet amas de sang et de chair noircie et un troisième pendait, uniquement rattaché au reste par un fin lambeau de peau.

À mesure que les sifflements s'estompaient, ceux-ci étaient remplacés par les cris de l'homme. Entre deux grognements de douleur, il vociférait insultes et menaces à l'encontre de la personne qui lui avait fourni cette réplique d'arme « fidèle » et« fonctionnelle ».

Les yeux fermés, elle n'avait pas vu ce qui s'était réellement passé.Cependant, il était aisé en voyant sa main et l'arme au canon éclaté qui gisait à ses pieds de deviner qu'elle avait explosé au moment où le percuteur avait touché la balle.

Avec un sourire satisfait, Syara s'approcha de sa future victime qui ne semblait, à présent, plus aussi sûr de lui.

— À l'aide ! Hurla-t-il alors que la jeune femme invoquait son instrument.

Un instant, le kidnappeur se tut, hypnotisé par la beauté de l'instrument que Syara tenait en main. Même sans entendre le moindre son du violon, sa simple présence semblait apaiser ses maux. Il reprit malgré tout conscience de la situation dans laquelle il se trouvait lorsqu'il croisa le regard meurtrier de la beast. Il ne disait toujours rien, apeuré tel un enfant encerclé par une meute de loups prête à lui bondir dessus. Ce regard. Tel une entité supérieur, il jugeait son âme, le moindre de ses crimes qu'il avait commis lors de sa vie, même ceux dont personne n'était au courant.

— Je vous aurait bien achevé en vous noyant, c'est tout ce que vous méritez. Mais je ne maîtrise pas encore très bien mes pouvoirs et je n'ai aucune envie de vous soigner. En plus, vous n'êtes même pas digne d'entendre le moindre son de cet instrument.

Avec ses paroles, l'homme souffla longuement, rassuré de pouvoir s'en sortir. Les yeux rivés vers le sol, il ne vit pas la beast prendre l'instrument de ses deux mains et lui asséner un puissant coup sur la tête. Le choc le fit tomber sur le flan, inconscient.

— Pratique ce côté indestructible, sourit-elle.

La menace écartée, Syara revint auprès de la sirène et plaça sa main sur la vitre. La créature nagea à sa rencontre et observa longuement le visage de celle qui venait pour la sauver puis imita son geste.

— L'extérieur est nettoyé, annonça Telak en se plaçant à ses côtés. Je vois que tu l'as trouvé. Que faisons-nous à présent ?

— Impossible de la transporter jusqu'à l'océan, elle est trop faible,expliqua-t-elle.

— Donc ?questionna Rael, un peu en retrait.

— Donc nous allons faire venir l'océan à elle, conclut-elle.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant