Chapitre 160 : Le nouveau directeur

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 À peine quelques minutes après que madame Taliga ne soit partie, celle-ci revint en compagnie d'un homme. Étrangement, même si Syara avait passé des années à étudier dans cette école, elle paraissait étonnée de voir cette personne venir à elle.

— Vous ? s'exclama-t-elle sur un ton presque agressif.

— Pas taper ! implora l'homme en adoptant une posture défensive, les bras devant son visage pour se protéger.

— Ça n'est pas le directeur ? demanda Elyazra.

— Non. Lui, c'est juste le pire professeur de cette école, répondit-elle en lui jetant un regard noir.

Elle se souvenait très bien de lui. Ses cours étaient d'un ennui extrême avec sa voix lente et monotone. Elle l'avait eu chaque année qu'elle avait passée ici et il prenait un malin plaisir à s'acharner sur elle. À chaque fois qu'il posait une question dont la réponse était difficile à trouver, elle était certaine que c'était pour elle. La beast avait aussi remarqué, au fil de ses examens, qu'il n'utilisait pas les mêmes barèmes pour elle et pour le reste de la classe. Pour un travail équivalent, elle s'était plus d'une fois retrouvée avec une note catastrophique alors que les autres s'en étaient bien sortis.

Malgré tout ceci et ses plaintes à la direction, ils n'avaient jamais rien fait pour qu'il change et avaient tout de même replacé Syara dans sa classe l'année suivante, comme si cela les amusait. Pour couronner le tout, le jour de l'épreuve du coffre de cristal, il avait dévoilé un tout autre visage et montré qu'il pouvait parler sans que l'on s'endorme, mais au contraire que l'on soit suspendu à ses lèvres.

— Un ou deux nez cassés, commenta Telak. Il aurait peut-être été bon de préciser que c'était le nez d'un enseignant.

C'est vrai. Madame Taliga ne faisait pas référence à lui lorsqu'elle avait parlé de ça, mais Syara avait tout de même fini par frapper ce professeur. Le bien-être qu'elle avait ressenti à ce moment-là avec toute la frustration qu'elle avait en elle après tout ce qu'il lui avait fait subir, avait été comme une libération. Cela lui donnait presque envie de recommencer dès maintenant.

— Syara, tu ne taperas pas cette personne, prévint Shay. N'oublie pas qu'il est notre employeur.

— Et alors ? Ça ne serait pas la première fois qu'on s'en prend à notre employeur ou à quelqu'un de proche de lui.

À dire vrai, dans sa courte carrière de mage, elle avait accepté quatre missions. Celle qui consistait à rapporter une relique volée et celle où elle devait escorter les enfants du village humain décimé s'étaient bien passé, mais pour les deux autres, elle avait attaché et frappé l'une des personnes qui était chargée de commander les mages lors de la protection de la ville de Sendra et Shay s'était chargé de punir les alchimistes qui avaient voulu sacrifier Phi.

— Qu'est-ce que vous faites là ? demanda-t-elle plutôt. Je croyais que nous devions voir le directeur.

— Celui que tu as connu a pris sa retraite et je l'ai remplacé, répondit son ancien professeur. Je suis le directeur Vedo, enchanté de faire votre connaissance. Venez parler dans mon bureau, nous serons plus à l'aise qu'ici.

Ça, il devait en être fier de son bureau si peu mérité. Cela devait lui changer du placard qu'il avait et qui était à la hauteur de son talent pour l'enseignement, pensa Syara. Elle ne dit cependant rien et se contenta de le suivre. En un sens, Shay avait raison. Elle ne pouvait pas se permettre de le frapper vu que son loyer en dépendait.

Le groupe entra donc dans le bureau qui ressemblait bien plus à un salon qu'à une pièce de travail. Au centre de la pièce, deux canapés se faisaient face avec, entre eux, une table basse. Au fond, le nouveau directeur alla s'installer derrière son bureau et les invita à s'asseoir.

— Je m'excuse de ne rien pouvoir vous proposer à boire, mais c'est une école, l'alcool y est interdit.

— Dommage, souffla Elyazra en s'affalant dans le canapé.

— Je dois dire que j'ai été étonné lorsque j'ai vu que de telles personnes acceptaient ma requête. Un mage de terre de rang trois, un d'air de rang cinq et la sauveuse de Sendra. Pour les autres, je suis désolé, mais je n'ai rien reçu vous concernant.

— Ça veut dire qu'on ne va pas être payé ? s'inquiéta la demi-dragonne qui voyait déjà son rêve de dépenser tout son argent dans un bar s'envoler.

— Non, ne vous en faites pas, vous serez payé au même titre que vos compagnons, la rassura le directeur. Ce que je veux dire, c'est que vos fiches étaient vides. Vous concernant, mise à part vos noms et une quête parlant de récupérer un composé alchimiste et dont le compte-rendu n'a pas été rempli, je n'ai rien sur vous. Pour celui qui se prénomme Shay, je n'ai même rien du tout.

— Tout ceci est normal, répondit Shay. Pendant très longtemps, mes missions ont gardé un caractère secret. Il n'existe aucune trace écrite de mon travail. Du moins, aucune trace auquel vous puissiez avoir accès.

— Je vois. Il vaudrait mieux éviter de parler de ceci aux élèves. Leur dire qu'ils pourraient accepter des missions non officielles pourrait les mener sur des chemins dangereux.

— Je comprends, ne vous en faites pas.

— Pour en revenir à ce que je disais, j'ai été étonné de voir que des mages de haut rang acceptaient cette quête. D'habitude, il s'agit plutôt de personnes qui stagnent au rang neuf depuis ds années et qui se disent que présenter le métier de mage est quelque chose de facile par rapport à la récompense promise. C'est d'autant plus surprenant que, cette fois-ci, les élèves pourront avoir le point de vu de non mages qui participent tout de même aux missions.

— Il est parfois difficile de tenir leur rythme, avoua Guard. Surtout avec ce groupe-ci. Mais c'est une bonne expérience tout de même et je ne regrette pas de les avoir suivis.

Même s'il n'avait pas eu le choix, compléta Elyazra dans sa tête en le regardant avec un léger sourire.

— Bien évidemment, je vous demanderai de ne pas parler du coffre de cristal, ils ne comprendraient pas de toute façon.

— Le quoi ? questionna le satyre.

— Le coffre de cristal, répondit Elyazra. D'après ce que j'ai compris, c'est un coffre qui distribue les instruments liés.

— Ho, je vois.

À la suite de cette explication, le directeur écarquilla les yeux, stupéfait. Il ne connaissait pas la nature draconnique d'Elyazra et, pour lui, elle était inscrite en tant qu'aventurière non-mage. Le fait qu'elle connaisse l'existence du coffre et qu'elle puisse en parler aussi librement était normalement impossible.

Toutes les personnes qui avaient vu ce coffre ne pouvaient pas en parler ainsi ou l'avait tout bonnement oublié. Il en était de même pour l'écriture puisque les personnes qui en faisaient référence se mettaient, sans s'en rendre compte, à écrire dans une langue inconnue. Il ne voyait donc pas comment elle pouvait connaître son existence sans que personne n'ait pu lui en parler et qu'aucune trace écrite lisible n'existe.

— Vous savez peut-être que Syara a eu un instrument quelque peu particulier, intervint Shay en voyant la tête que tirait monsieur Vedo.

— Et comment ! J'étais là et les enseignants qui étaient aussi présents en parlent encore.

— Alors dites-vous que pour Elyazra et moi, notre cas est tout aussi particulier. Je ne peux pas vraiment entrer dans les détails, mais il y a une bonne raison pour que nous soyons au courant pour le coffre. Quant à Guard, il sait tenir sa langue et ne dira rien.

— D... D'accord, je n'insiste pas alors. De toute façon, je pense qu'il est temps pour vous de rencontrer votre public. Si vous voulez bien me suivre.

À ces mots, le directeur se leva et quitta son bureau, le groupe de mage venus pour présenter leur métier sur les talons.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant