Chapitre 162 : Témoignage d'un non-mage

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 Après le passage de Telak et de Rael, c'était au tour de Guard de s'exprimer sur ses ressentis en tant que non-mage accomplissant des missions au même titre qu'eux. Syara n'était d'ailleurs pas la seule à se demander ce qu'il pensait de cette condition. Ses deux acolytes mages voulaient eux aussi en apprendre plus. De son côté, Shay restait totalement insondable, adossé au mur du fond, les bras croisés. Quant à Elyazra, vu qu'elle ne pouvait pas intervenir vu qu'elle n'avait ni les critères nécessaires pour être considérée comme mage, ni ceux de non-mages, elle s'était assise et avait commencé à discuter avec un élève pour passer le temps.

Cette discussion mettait d'ailleurs mal à l'aise l'étudiant qui commençait à rougir et à fixer sa table. Elle devait encore avoir dit quelque chose qu'il ne fallait pas, se désola la beast. Ces années passées presque seule dans la forêt avaient eu un impact non négligeable sur elle. Mais le pire était sans doute qu'elle était consciente que ce qu'elle racontait au pauvre élève qu'elle avait désigné comme sa proie ne se disait pas. À mesure qu'elle parlait, elle se rapprochait peu à peu de lui en le dévorant du regard, augmentant la gène chez l'étudiant qui tentait tant bien que mal de garder une distance respectable.

— Ely, intervint le dragon. Ça n'est pas le moment.

— C'est jamais le moment, souffla-t-elle avant de rejoindre Syara.

— Ça va pas de faire ça ? Il ne t'a rien fait, chuchota la beast.

— Vous êtes chiants, râla-t-elle à voix basse. Avec un peu plus d'insistance, j'aurai pu boire à l'œil ce soir.

— Ely... Tu as un problème, constata la violoniste. On en reparlera plus tard, écoutons plutôt Guard.

— D'accord, mais c'est pas ça qui va me faire avoir des pintes gratuites.

Voyant que le problème Elyazra avait été réglé et que l'élève qu'elle avait perturbé écoutait de nouveau, le satyre put enfin commencer sa présentation.

— Bonjour à tous, je m'appelle Guard et la partie que je vais aborder ici ne vous concerne pas directement vu que vous allez bientôt recevoir vos instruments, mais je pense qu'il est tout de même bon pour vous que vous sachiez cela.

Ce sujet les concernait bien plus que ce qu'ils pouvaient croire, pensa Syara en lançant un regard noir au directeur. Sur cette classe, seul trois ou quatre personnes allaient réellement devenir mage. Les autres, s'ils voulaient réellement partir en mission, devraient faire comme Guard.

— Contrairement à mes acolytes, je n'ai absolument aucuns pouvoirs. Sachez donc qu'il est possible, lors de votre carrière, de tomber sur des personnes telles que moi et de faire équipe avec eux. Ce travail est de base très difficile, alors le faire sans les outils nécessaires est encore plus compliqué.

— Mais pourquoi faire ça ? questionna l'un des élèves.

— Il y a beaucoup de raisons qui peuvent pousser quelqu'un à embrasser cette carrière. Une envie d'aventure, vouloir prouver qu'il est possible de faire de grandes choses sans pour autant être mage, un besoin viscéral d'aider les autres. Pour ma part, m'engager dans cette voie est une sorte de rédemption et sert à me faire pardonner de mes erreurs passées.

— En fait, vous volez le travail des autres sans avoir leurs qualifications, commenta un autre étudiant sur un ton hautain.

— Je ne sais pas vraiment ce qu'il en est dans cette région du monde, mais là où nous sommes basés, il y a bien assez de travail pour tout le monde. J'irai même jusqu'à dire que les mages seraient débordés s'ils étaient les seuls à accomplir toutes les requêtes, répondit-il d'une manière posée.

— Je ne suis pas convaincu... répondit l'étudiant que Syara méprisait déjà.

Voyant qu'il n'allait pas lâcher le morceau et qu'il devait être du genre à être satisfait en rabaissant les autres, Shay s'approcha lentement de lui et laissa Guard se défendre.

— L'un des autres aspects que l'on néglige parfois est l'aspect relationnel. De par leurs pouvoirs, les mages peuvent paraître impressionnants pour certaines personnes. Le fait d'avoir quelqu'un sans aucun pouvoir dans l'équipe permet à ce genre de personne de se confier plus facilement. De plus, il peut servir de garde fou pour ses acolytes et de faire en sorte qu'ils gardent les pieds sur terre.

— Oui, vous êtes inutile quoi ! railla-t-il.

S'il voulait perturber Guard, il s'y était très mal pris. Le satyre avait gardé une expression totalement neutre et s'apprêtait à continuer son argumentation. Il n'eut cependant pas le temps d'ajouter quoi que ce soit. Shay venait de poser son index et son majeur sur la tempe de l'élève hautain qui se mit immédiatement à hurler de terreur. Le dragon retira sa main et toisa alors le jeune du regard.

— Il n'est pas mage et pourtant, il ne s'est pas dégonflé comme toi lorsqu'il a vu ça. Un jour ou l'autre, il est possible que ta vie ne tienne qu'au bon vouloir d'un non-mage, alors respecte les si tu ne veux pas qu'il te tourne le dos à ce moment-là.

Après avoir fait sa petite intervention, le dragon continua à regarder l'élève encore sous le choc, puis se tourna vers le directeur qui ne semblait pas inquiété par ce qui venait de se passer.

— Je pense qu'il va falloir passer un coup de serpillière... Et ramener un pantalon propre, annonça-t-il avant de retourner auprès des autres au fond de la salle.

— En effet, constata l'ancien enseignant de Syara. Je suis navré, mais il va falloir écourter cette présentation pour faire un peu de nettoyage.

— Tu lui as montré quoi ? s'inquiéta la beast.

— Tu as dit que tu avais combattu un cerbère, non ? Alors j'ai projeté une image de lui devant l'une de ces bêtes.

— Mais Guard n'était pas encore là, il n'y avait que Telak et moi, chuchota-t-elle.

— Peut-être, mais ce gamin ne le sait pas, sourit le dragon. Et pour ce qui est de respecter les non-mages, il y sera bien obligé un jour ou l'autre. Je peux t'assurer qu'il n'aura jamais d'instrument lié.

— Étrangement, savoir que ce genre de sale gosse n'aura pas de pouvoirs destructeurs entre les mains me rassure, répondit la beast.

L'odeur d'urine se répandent peu à peu dans la pièce, les élèves purent avoir une pause en avance et sortir de la salle. Inquiet, le professeur de ces élèves alla demander ce que Shay avait fait, mais n'eut comme seule réponse qu'il lui avait juste donné une leçon d'humilité. De son côté, monsieur Vedo était satisfait de leur présentation et les invita à le suivre jusqu'à une autre classe pour qu'ils recommencent avec d'autres élèves. Il précisa tout de même, avec un léger sourire, que le final n'était pas nécessaire et qu'il aimerait éviter d'avoir à nettoyer toutes les salles où ils passeraient.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant