La lumière disparue, Syara put enfin ouvrir les yeux sans risquer d'être éblouie. La première chose évidente qu'elle remarqua était qu'elle avait été transportée autre part. Les environs lui étaient malgré tout familier. Un sol bleu clair jusqu'à l'horizon, des runes azures pulsant légèrement sous ses pieds, aucun obstacle... Elle se trouvait sans aucun doute dans la dimension de son violon.
— Bonjour, salua une voix derrière elle.
Elle n'avait pas besoin de se retourner pour savoir de qui il s'agissait. Seules deux entités vivaient dans son violon et une seule était assez aimable pour lui dire bonjour plutôt que d'essayer de la tuer. Elle se retourna malgré tout et fit effectivement face à l'esprit du porteur originel du violon de cristal.
— Bonjour Fos.
— On se connaît ? s'étonna-t-il.
Ça par contre, c'était étrange. Pourquoi poser une telle question alors qu'il suivait le moindre de ses gestes depuis ses débuts en tant que mage ?
— C'est moi, Syara !
— Vous me faites effectivement penser à quelqu'un, mais elle ne porte pas ce nom... réfléchit l'esprit.
— Non mais c'est pas vrai ! tonna une nouvelle voix derrière la beast.
Cette fois-ci, la violoniste fut quelque peu surprise. Avant qu'elle ne se retourne, Fos passa devant elle. Pourtant, il était déjà devant elle ! Il y en avait... Deux ? Ne comprenant pas vraiment ce qui se passait, Syara se frotta les yeux et regarda de nouveau devant elle. Il n'y avait aucun doute là-dessus, elle était en présence de deux Fos.
— Qu'est-ce que tu fiches ici ? s'étonna le premier. Je croyais m'être débarrassé de toi !
— Oui... En confiant le violon de cristal à quelqu'un... Se souvenir de la personne à qui tu as donné un instrument aussi puissant devrait être la moindre des choses !
— Ho ! Alors c'est vous ! s'exclama-t-il. Je vous préviens, si vous venez faire une réclamation, la maison ne reprend aucun article.
— Pardon, mais je ne comprends pas vraiment... Vous êtes tous les deux Fos ?
— Oui, répondirent-ils d'une seule voix.
— Je suis la partie de l'âme de Fos qui garde le violon de cristal... ajouta le second.
— Et moi celle qui garde le coffre de cristal, compléta le premier.
— Donc vous êtes la même personne en quelque sorte... C'est moi où tu n'arrives même pas à te supporter toi-même ?
— C'est parce qu'il est la pire partie de mon âme ! s'exclamèrent-ils en cœur, pointant chacun l'autre d'un doigt accusateur.
— Heureusement que Shay n'est pas venu avec moi, il aurait eu une attaque, rit la beast.
— Shay ? Notre Shay ? Elle parle de Dragounet ?
— Dragounet ? répéta Syara.
— Tiens, j'avais oublié ce surnom, commenta le Fos du violon. Ça avait le don de l'agacer au plus haut point. Oui, elle parle de lui. Si tu faisais plus attention à ce qui t'entoure, tu aurais remarqué qu'il se trouve à l'extérieur.
— Tu sais, l'extérieur, à part quand il y a de nouveaux mage à qui je dois confier un instrument, je n'y fais pas vraiment attention. Sais-tu au moins ce que ça fait d'être seul pendant aussi longtemps ?!
— Je te rappelle que j'étais avec toi presque tout ce millénaire, donc oui, je sais ce que ça fait.
— Je ne parle pas du millénaire, mais d'une période plus récente ! Deux ans que je vis seul !
— Ça ne fait même pas quatre mois, souffla le Fos du violon, exaspéré par ce lui-même.
— Peut-être, mais le temps semble bien plus long quand on est seul, chouina-t-il.
— Je croyais que vous ne vous supportiez plus, commenta la beast.
— A oui, c'est vrai, se rappela soudainement le Fos du coffre, son expression et son timbre de voix changeant immédiatement comme si l'échange sur le fait d'être seul n'avait n'avait jamais eu lieu.
— Donc, tu dis que Dragounet est là...
Bras tendu en avant, le Fos du coffre fit apparaître devant lui une fenêtre qui permettait de voir l'extérieur. En bas de l'estrade, les compagnons de Syara attendaient patiemment en discutant. Un peu à l'écart, Shay et le directeur parlaient, eux aussi. Tout deux jetaient d'étranges regards en direction du coffre et l'expression de leur visage était indescriptible. La seule chose dont Syara pouvait être sûre, c'était que leur conversation était des plus sérieuses.
— C'est bien Dragounet. Bref, que faites-vous là ?
— Avant de répondre, j'aimerais confirmer quelque chose. C'est toi qui distribues les instruments, c'est ça ?
— Je serai toi, je ne répondrai p...
— Oui, c'est moi, confirma l'esprit du coffre.
Avant que l'autre Fos n'ait le temps de le prévenir, Syara parcourut la distance qui les séparait et lui asséna un coup de poing au visage en y mettant toute sa force. L'esprit, tangible dans ce monde, tomba à terre sous le choc.
— Mais ça va pas ?! Vous êtes malade ! Pourquoi faut-il que je confie toujours le violon à des dégénérés ! hurla-t-il en se frottant la joue.
— Ça, c'est pour ne pas avoir donné d'instrument à Kuta.
— Je suis sûre que tu m'as pété une dent ! se plaignit-il.
— Elle ne peut pas, tu es un esprit, commenta l'autre Fos. D'ailleurs, beau crochet du droit.
— Un peu d'empathie, merde ! continua le Fos du coffre. Surtout envers toi-même. Et puis c'est qui ce Kuta, je ne le con... Attend... Ça me revient maintenant. Tu t'es énervée après que ton ami ait échoué.
— C'est d'ailleurs quand tu l'as vu frapper son professeur que tu as décidé de lui confier le violon de cristal parce que tu aimais son style, expliqua le Fos du violon.
— Je suis sincèrement désolé pour ton ami, mais moi-même, je n'y peux rien. Même si je l'avais voulu, je n'aurais pas pu lui en donner un. Si une personne n'est pas destinée à porter un instrument lié, sa main ne parvient pas jusqu'à cette dimension. Enfin bref, maintenant que tu as pu me frapper, puis-je savoir ce que vous foutez chez moi ?
— Je viens chercher la partition d'Athéa qui se trouve dans le coffre.
— Ha, je vois. D'accord. Mais porteuse du violon ou pas, il faudra que tu te soumettes aux épreuves.
— Comme tu veux.
— Mon moi du violon ne pourra pas t'aider, ajouta-t-il. Par contre, celle qui t'accompagne le pourra.
— Celle qui m'accompagne ?
Devant elle, l'esprit fit un mouvement de poignet de bas en haut dans le vide. Syara sentit alors que quelque chose bougeait dans sa poche et vit Phi en sortir. Elle avait totalement oublié que la jeune fée était partie faire une sieste dans la poche de son manteau !
Toujours endormie, la princesse se mit à grandir jusqu'à atteindre la taille d'une humaine, puis ouvrit péniblement les yeux en se les frottant.
— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle en baillant.
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Le violon de cristal: les partitions perdues
FantasyDans un monde où musique est synonyme de magie, où presque toute forme de technologie à disparue, où les humains ne sont plus les seuls êtres pensants de la planète depuis bien longtemps et où la terre, ravagée par les guerres, se remet peu à peu, v...