Chapitre 78 : retrouvailles

1.7K 272 8
                                    

Lorsque Telak traversa le portail, son premier réflexe fut de prendre une longue et grande bouffée d'air. Enfin, il était de retour à Léfarène. Plus de brouillard, plus de paysages lugubres et désolés. Il était de retour dans sa ville préférée, celle qui l'avait accueilli et fait de lui ce qu'il était aujourd'hui. Qu'il était bon d'être chez soi.

En sortant de la place aux portails, le démon remarqua tout de suite que la ville n'était pas dans son état habituel. Les habitants s'attelaient à installer toutes sortes de décorations, banderoles, scènes, tables. Léfarène revêtait ses plus beaux atours pour la fête qui s'annonçait.

À cet instant, Telak avait l'impression égoïste que tout ceci était fait en son honneur. Lui et son groupe avaient tout de même retrouvé un fragment des partitions perdues. Cependant, il se devait de garder le secret pour ne pas attiser les convoitises.

Cette prodigieuse réussite n'avait pas été sans conséquence non plus. Il lui était déjà arrivé de perdre des compagnons en mission, mais jamais d'aussi proches que Grem. Ça n'était pas qu'un acolyte qu'il avait perdu, mais un ami d'enfance. Quelqu'un qu'il connaissait avant même d'entrer dans une école de musique.

Réflexion faite, pour lui, cette fête était en l'honneur de son ami disparu, de sa femme et de leur fils qui était à présent sans père. Mais pour l'heure, les préparatifs n'étaient pas terminés et il restait encore du temps. Avant de passer chez lui, le démon voulait s'assurer d'une chose. Lorsqu'il avait quitté Syara, la violoniste était dans un état lamentable autant mentalement avec sa dépression que physiquement avec ses mains brisées et sa blessure à la jambe.

En allant la voir, il n'espérait pas un miracle, mais voulait au moins s'assurer qu'elle n'était toujours pas renfermée dans le noir et qu'elle était au moins sortie pour se soigner. Même s'il avait missionné Rael pour qu'il la surveille, il craignait tout de même que son absence prolongée n'ai aggravé la situation.

En à peine quelques minutes grâce à ses ailes, il rejoignit l'immeuble de son amie et atterrit pour y entrer normalement. Après avoir pris le couloir de lévitation qui l'emmena au bon étage, le démon utilisa sa clé et pénétra dans l'appartement de Syara.

Dès qu'il posa un pied dans le salon, le bassiste tomba nez à nez avec un satyre dont l'une de ses cornes était brisée.

— Attendez... Je vous reconnais... dit-il d'un ton suspicieux.

— Heu... Les filles ? appela Guard.

Avant que le démon ne fasse quoi que se soit, la porte de la salle de bain s'ouvrit en grand et une jeune femme en sortit, des vêtements sous le bras. Elle ressemblait indéniablement à Syara, mais ça n'était pas elle. Très peu vêtue, la légèreté de sa tenue ne semblait pas la déranger outre mesure malgré la présence d'autres personnes dans la pièce.

— Bonjour, lança-t-elle sans même lui jeter un regard avant d'aller s'enfermer dans la chambre.

— Mais qui êtes-vous à la fin ? Et où est...

— Ely ! Tu n'aurais pas vu ma tenue ? questionna la beast en déboulant, elle aussi de la salle de bain et tout aussi peu vêtue. Je l'avais posée...

Dès qu'elle aperçut Telak, Syara se stoppa net, autant dans sa phrase que dans son mouvement. Pendant quelques secondes, elle le dévisagea, la bouche à moitié ouverte, avant de lui offrir un large sourire et lui sauter au cou.

— Tu es revenu ! s'exclama-t-elle sans se décrocher.

— Bien entendu, rétorqua-t-il en l'étreignant à son tour. Je suis content de voir que tu vas mieux.

— Il faudra que tu me racontes les moindres détails de ta mission.

— Malheureusement, je ne crois pas pouvoir, mais j'y réfléchirai. Quant à toi, tu devras m'expliquer qui sont ces personnes. D'après mes souvenirs, lui faisait partie de la bande de bandits que nous avons rencontrés dans la forêt. Enfin... Tu me diras tout ça lorsque tu te seras habillée.

Se rendant compte du peu de tissu qu'elle avait sur elle, la beast rougit légèrement et chercha quelque chose du regard.

— Si se sont tes vêtements que tu cherches, j'ai vu Elyazra entrer dans la chambre avec, l'informa Guard.

— Quoi ? Non, pas encore ! tonna la jeune femme en se dirigeant vers la chambre. Ely, rends-moi mes vêtements !

À son tour, Syara disparut derrière la porte et prit soin de la fermer pour étouffer le bruit. Malgré cela, on pouvait clairement entendre, depuis le salon, qu'elle hurlait sur la chasseresse qui avait, apparemment, déjà enfilé les vêtements qu'elle s'était mise de côté et que ça n'était pas la première fois qu'elle faisait ça.

Pour tout argument, Elyazra se défendait en disant qu'elle n'avait avec elle que peu d'habits de rechange et qu'aucun ne convenait pour un festival. Les hurlements montèrent d'un cran et, lorsque les phrases commencèrent à se répéter, Telak, amusé, préféra reporter son attention sur le satyre.

— D'après ce que j'ai compris, vous vivez tous les trois dans l'appartement de Syara. Tu dois te sentir chanceux d'être aussi bien entouré, plaisanta le bassiste.

— Vous voulez ma place ? Je vous la cède bien volontiers, souffla l'ancien bandit. Elles n'arrêtent pas de se crier dessus pour un rien et c'est moi qui en prends plein la gueule, même si je ne dis rien. Si je dois peser les pour et les contre d'une cohabitation avec ces deux furies, les contre l'emportent largement.

— J'ai pourtant voyagé avec Syara pendant un petit moment et ça n'était pas vraiment dérangeant, s'étonna le démon.

— Et il en est de même pour moi et Elyazra, mais c'est lorsqu'elles sont ensemble que ça pose problème. Et le pire, c'est qu'au final, elles s'adorent donc je ne risque pas d'avoir la tranquillité avant un long moment.

— Et qu'est-ce qui t'empêche de partir ?

— C'est un peu compliqué. Disons que je suis, en quelque sorte, devenu le serviteur d'Elyazra. Cela me permet de me racheter pour ce que j'ai fait avec mes anciens compagnons. Et avant que vous ne demandiez, le groupe n'existe plus. Les survivants sont partis aider les habitants de Sendra à reconstruire la ville.

— Les survivants ?

Avant qu'il n'ait le temps de répondre, Syara et Elyazra sortirent de la chambre, habillées cette fois-ci, en arborant un large sourire, comme si leur dispute n'avait jamais eu lieu.

— Nous sommes prêtes. Allons faire la fête ! s'exclama la chasseresse.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant