Chapitre 41 : la bête des montagnes

2K 307 46
                                    

Les grondements retentirent de nouveau dans la brèche. Bien plus fort cette fois, cela présageait que la bête approchait du charnier. Syara l'attendait de pied ferme, prête à venger les villageois qui gisaient tout autour d'elle. Telak, lui, était plus réservé et gardait ses distances de la faille.

La beast avait invoqué son violon et scrutait la paroi de la montagne pour inonder de sorts le moindre petit bout de chair, de poil, de griffe ou de croc qui dépasserait. Elle ne put pourtant pas réagir lorsque la créature sortit de son trou. Haut de quatre mètres, un énorme chien a trois têtes et au pelage noir cherchait de ses yeux rouges une proie à tuer. Ses pattes aussi grosses qu'un torse humain était pourvu de griffes recourbées encore maculée de sang séché. De ses babines retroussées coulait une bave épaisse qui glissait sur des canines acérées et prête à déchiqueter n'importe quoi.

— Barre-toi ! hurla le démon qui prit immédiatement son envol pour se mettre hors de portée. On ne peut pas vaincre un cerbère à deux !

Les cris du bassiste la firent revenir à elle. Il n'était cependant pas question que cette chose immonde s'en tire vivante après ce qu'elle avait commis. Violon en position, Syara commença à jouer une mélodie rapide. Trop concentré sur le combat pour s'imaginer la moindre scène, elle se contenta d'enchaîner des notes basiques.

Deux lames de vents partirent sur la créature cauchemardesque et la frappèrent aux pattes. Malgré l'évidente puissance du sort, le cerbère ne semblait pas affecté plus que ça. Pire, il avait repéré la beast et fonçait sur elle.

Syara voulait attendre le dernier moment pour esquiver et relancer une attaque, mais Telak l'attrapa sous les bras et la souleva dans les airs.

— Je t'ai dit que nous ne pouvions pas l'affronter seuls !

Il n'y avait rien à faire, elle ne l'écoutait pas et se débattait pour qu'il la lâche. Incapable de voler dans ses conditions, le démon s'écrasa à une trentaine de mètres de la bête. Syara se releva immédiatement et fonça vers elle en préparant un nouveau sort.

— Tu vas te faire tuer !

Avant que la beast n'ait pu terminer son sort, le cerbère la balaya d'un rapide coup de patte qui fit voler la jeune femme à vingt mètres de la bête. À genoux et les mains au sol, Syara peinait à se relever. Juste à sa droite, Syara vit deux corps de villageois. Ses derniers se tenaient la main et semblaient se regarder dans les yeux.

— Je te déteste, hurla la mage, le visage déformé par la rage.

La Bête s'avançait vers elle, ignorant totalement les attaques du démon à son encontre pour détourner son attention. Il s'arrêta cependant à quelques mètres lorsqu'un éclair noir entoura un instant la violoniste. Le phénomène se répéta plusieurs fois et fit hurler la jeune femme d'un cri bien trop aiguë pour être humain. Les éclairs l'entourèrent entièrement alors que son corps se tordait et s'arquait.

Puis, comme elle était venue, l'obscure cage électrique s'évanouit. Syara était à présent debout, une expression de rage sur son visage. Elle donnait l'impression de ne plus être la même personne. Ses iris habituellement verts avaient pris une teinte sanguine alors que le blanc de ses yeux se nimbait d'un noir profond.

Lorsqu'elle tendit la main pour invoquer son instrument, le violon invoqué était radicalement différent. Comme pour les yeux de la jeune femme, ce dernier avait changé de couleur. Là où régnait avant un bleu cristallin apaisant, un noir qui semblait aspirer toute la lumière et tout espoir régnait à présent. Les runes et arabesques pales prirent une teinte rubis et émirent une étrange lueur à intervalles réguliers, tel le battement d'un cœur.

Une fois de plus, Syara poussa un autre cri inhumain en direction de la bête. Le cerbère, face à cet étrange ennemi, recommença à charger, gueules en avant et mâchoires grandes ouvertes. Malgré les cris du démon, la beast ne bougea pas d'un pas et approcha l'archet du violon. Les cordes crissaient sous le crin et produisaient une cacophonie difficilement supportable. Une lame d'énergie noire partit soudain de la jeune femme alors que la créature était sur le point de la happer.

Le cerbère se décala au dernier moment, mais ne fut tout de même pas assez rapide. La lame lui entailla le flan et fit gicler sur la terre déjà rougie une gerbe de sang. Tout en continuant à faire crisser son archet, Syara fit apparaître une sphère noire aux reflets violets parcourus d'éclairs obscurs, puis le projeta directement sur la bête, accompagnant le projectile de son cri suraigu.

La sphère percuta de plein fouet l'une des têtes du chien qui se remettait encore de l'attaque précédente et la fit disparaître derrière un écran de fumée. Lorsqu'il se dissipa enfin, la tête pendait, morte, brûlée et tailladée.

Avant qu'il ne se remette de cette blessure, une nouvelle lame d'énergie partit et trancha une seconde tête. Il ne restait plus que celle du milieu qui, enragé par ce qui venait de se passer, chargea une nouvelle fois, gueule grande ouverte, pour déchiqueter la mage.

Ses crocs étaient à quelques centimètres de la jeune femme lorsqu'un rayon d'énergie pure entra dans sa gueule et ressortit au niveau de sa queue. Le cerbère s'écroula, son sans donner un dernier coup de griffe qui lacera le mollet de la beast avant de rendre son dernier souffle.

L'ennemi vaincu, mais la rage toujours présente, Syara se retourna vers le seul être vivant qui restait. Elle poussa un nouveau cri et lança le même rayon qui lui avait permis de tuer la bête. Le démon esquiva l'attaque et s'envola à toute vitesse.

La violoniste faisait pleuvoir sur son acolyte des sorts en tout genre. Chacun n'inspirait que le mal et la destruction et manquait souvent de très peu Telak. Après plusieurs minutes de voltiges, l'un d'eux l'atteignit légèrement à l'épaule et lui fit perdre l'équilibre. Le bassiste s'écrasa à quelques pas de la jeune femme qui s'approcha alors pour l'achever.

Dès qu'elle fut à portée, Telak se releva rapidement et enlaça sa protégée qui se mit à hurler de plus bel.

— C'est terminé, arrête, souffla-t-il à son oreille.

Elle ne l'écoutait pas, ou plutôt ne voulait pas l'entendre. Avec un cri de rage, Syara, collé à son mentor, le mordit à l'épaule jusqu'au sang.

— C'est terminé, répéta-t-il avec douceur.

Les grognements se transformèrent rapidement en pleurs. La jeune femme lâcha son instrument qui disparut immédiatement et manqua de s'écrouler si son ami ne la maintenant pas.

— C'est terminé, dit-il une troisième fois en lui caressant affectueusement les cheveux.

— Que s'est-il passé ? Demanda-t-elle, désemparée, en larmes et sous le choc.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant