Chapitre 47 : de retour à la maison

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Une semaine était passée depuis que la caravane d'enfant avait rejoint Léfarène. Dès qu'ils étaient arrivés, le grand-père, accompagné de Telak, avaient rencontré les dirigeants de la ville. Ces derniers avaient été incroyablement compréhensifs et avaient mis à disposition un bâtiment inoccupé pour qu'un orphelinat y soit installé. Leur seule demande était qu'il devait, a terme, accueillir tout enfant qui se retrouvait sans famille, quelque soit sa race, et non juste les réfugiés du village, chose que le vieil homme accepta sans hésitation.

Grâce à l'argent qu'avait généreusement donné Syara, l'orphelinat fut meublé en un rien de temps et tous purent s'installer dans leur nouveau chez eux. Dès lors, la beast était restée enfermée chez elle à se morfondre de ce qu'elle considérait comme son échec. Elle n'arrêtait pas de revoir le Cerbère lui foncer dessus, et, un instant après, de se retrouver dans les bras de son ami à pleurer. Que s'était-il passé entre temps ? Comment la bête était-elle morte ? Pourquoi Telak ne voulait rien lui dire?

Une seconde pensée tournait dans sa tête. Les paroles de l'aubergiste la hantaient depuis son retour à son appartement. Comme si vouloir passer à autre chose allait l'aider à oublier l'horreur qu'elle avait vue et le visage de ses enfants qui avaient tout perdu. Assise sur son lit, les genoux repliés sur sa poitrine et les yeux rivés sur son instrument, Syara repensait aux épreuves qu'elle avait endurées depuis qu'elle était entrée dans la salle de cérémonie à peine un mois avant.

Elle avait l'impression que le sort s'acharnait contre elle et s'efforçait de contrebalancer chaque moment de bonheur avec un de malheur et vis versa pour au final la rendre malheureuse. Kuta avait raté son épreuve alors qu'elle l'avait réussi. De ce fait, elle avait été obligée de le quitter. Elle avait réussi à sauver une ville inhabitée pour, au final, échouer à sauver des personnes qu'elle savait être amicaux et accueillants.

Que lui réservait l'avenir à présent ? Un autre moment heureux qui serait entaché par quelque chose de bien pire ? Si être mage voulait dire endurer ça toute sa vie, elle ne voulait plus l'être. Pourtant, à part la musique, elle savait qu'elle n'était bonne à rien et serait une catastrophe ambulante pour quiconque oserait l'embaucher dans un travail fixe. Elle aimait l'aventure, le fait qu'aucune journée ne se ressemble. Syara se rendit alors bien vite compte qu'aucun travail ordinaire ne lui correspondrait et que la voie de mage était la seule qu'elle pouvait emprunter. Mais, pour le moment, elle ne s'en sentait plus capable.

Le bruit de sa serrure la sortit de ses pensées. Elle releva juste la tête et attendit que l'intrus vienne à elle. Après tout, elle n'avait ni la force ni l'envie de se frotter à quelqu'un. Si c'était un voleur, il pouvait très bien se servir, et même emmener ce violon maudit avec lui s'il voulait, au moins, elle en serait débarrassée et ne se poserait plus autant de question.

La porte de sa chambre s'ouvrit avec lenteur et révéla une tête rouge rehaussée de petites cornes.

— Bonjour, salua Telak. Toujours à te morfondre dans le noir ? Tu pourrais au moins ouvrir les volets ou allumer la lumière.

— Comment es-tu rentré chez moi ? questionna-t-elle sans lui rendre son salut.

— J'avais gardé un double de tes clés et comme je ne te voyais pas revenir ni au hall des musiciens ni à l'orphelinat, je commençais à m'inquiéter. Al s'inquiète aussi pour toi tu sais.

— Al ?

— Alan. C'est le vrai nom de grand-père.

C'est vrai. Après tout ce temps passé avec lui, elle n'avait même pas pris la peine de lui demander son nom.

— Et donc, que me vaut cette intrusion chez moi ?

— Je te l'ai dit, je m'inquiète pour toi. Tu n'as toujours pas fait soigner tes mains, remarqua-t-il.

— Comme si je pouvais aligner deux notes avec mes bandages, rétorqua-t-elle.

— Syara... Tu n'es pas la seule mage de cette ville. Si tu allais au hall, tu trouverais sans doute quelqu'un qui pourrait te soigner.

— Je le ferai, promis, souffla la beast. Maintenant que tu as pris des nouvelles, tu comptes rester sur le pas de ma porte encore longtemps à me dire que je ne vais pas bien ou tu as quelque chose d'autre à me dire ?

— J'ai été appelé par un groupe de mage que je côtoie depuis des années pour une mission très importante et je voulais te proposer de m'accompagner. C'est une mission pour les mages de rang supérieur à trois, ça devrait te plaire.

— Merci, mais je passe mon tour pour cette fois-ci. Amuse-toi bien.

— Comme tu voudras... Une dernière chose. J'ai croisé notre ami l'elfe noir cyber, Rael, au hall. Il n'a pas prévu de partir en mission pour le moment alors je vais lui remettre les clés de ton appartement pour qu'il s'assure que tu ailles bien.

— Super...

— Je fais ça pour ton bien.

— Mais bien sûr, tu fais toujours tout pour mon bien. Comme le fait de ne pas me raconter ce qui s'est passé contre le cerbère.

— On en a déjà parlé, souffla-t-il. Crois-le ou non, savoir ce qui est arrivé ne t'aiderai pas pour le moment. Je dois y aller à présent, prends bien soin de toi, dit-il en sortant de la chambre.

— Comme si tu n'avais pas tout fais pour que je le fasse, cria-t-elle avant qu'il ne soit sorti de l'appartement.

Pas de réponse, juste le bruit de la porte d'entrée qui se refermait. Syara se retrouvait de nouveau seule, dans la quasi-obscurité. Son violon posé devant elle, la beast plongea son regard dans la douce lumière bleue qui en émanait. Pourquoi avait-elle pensé, ne serait-ce qu'un instant, que se débarrasser de lui serait une bonne idée ? Ses hauts et bas, ses bonheurs et malheurs qui s'enchaînaient avaient commencé bien avant qu'elle ne l'ait, alors pourquoi le tenait-elle pour responsable ? Envoûtée et apaisée par les runes luminescentes de cet objet prodigieux, la jeune femme s'en saisit et s'allongea dans son lit. Elle s'endormit ainsi, l'instrument collé contre elle comme s'il était la chose la plus précieuse qu'elle n'avait jamais eut.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant