Chapitre 93 : Le village dans les montagnes

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 Après un repas copieux offert par Rael, le groupe et les harpies restèrent un temps à parler au coin du feu avant d'aller se coucher. Bien qu'ils ne doutaient pas des trois sœurs, ils instaurèrent tout de même des tours de garde pour éviter toute attaque nocturne venant d'autres harpies. Au final, aucune menace n'était venue, mais cela avait au moins permis d'alimenter le feu et de le maintenir toute la nuit.

Au matin, tous se levèrent et rangèrent leurs affaires pour repartir vers le village du clan des plumes noires. Avoir rencontré les trois sœurs s'avérait finalement être une bonne chose vu que Même Elyazra ne savait pas exactement où il se trouvait. De plus, depuis que la beast avait allumé le feu de camp, la petite harpie restait constamment auprès d'elle. La violoniste aimait sa présence et l'écoutait de bon cœur. Elle lui posait pleins de questions sur le monde des autres races et alla même jusqu'à lui avouer qu'elle avait envie de tout découvrir elle-même, mais qu'elle avait bien trop peur de ce qu'on pouvait lui faire à cause de la réputation de sa race.

Il est vrai qu'avant de la rencontrer, ce qu'elle avait entendu sur elle n'était pas glorieux et incitait bien plus les personnes à les combattre sans poser de question. Avec cette confidence, une idée avait donc germé dans la tête de la violoniste. Et si, en même temps que l'ingrédient d'alchimie, ils ramenaient avec eux quelques harpies en tant qu'ambassadeurs ? Elle ne savait pas pour les autres villes, mais les dirigeants de Léfarène étaient bien souvent à l'écoute et pourraient peut-être l'aider dans cette démarche pacifique. Enfin, cela resterait possible si la rencontre avec les chefs du village se déroulait comme ils l'entendaient.

Pendant quatre heures, le groupe marcha en direction du nord sans apercevoir la moindre trace d'un village ou d'un quelconque signe de civilisation. Guidés par les trois harpies, ils se retrouvèrent devant l'entrée d'un défilé dont les parois montaient sur une dizaine de mètres. Le passage était sombre et ne disait rien qui vaille à la plupart d'entre eux.

— C'est un petit peu lugubre, mais c'est le seul accès possible par voie terrestre, expliqua la jeune harpie.

— Eh bien, nous n'aurions jamais trouvé de nous-mêmes, souffla Rael. Heureusement que vous êtes là.

L'aînée ouvrant la marche et la benjamine la fermant, le groupe pénétra dans le couloir sinueux. Après quelques mètres, un bruit au-dessus d'eux leur fit lever les yeux au ciel. Une harpie venait de décoller d'un perchoir dissimulé dans la roche et volait en direction du village.

— C'est une sentinelle, elle est partie prévenir le village.

— Et c'est plutôt bon ou mauvais signe ? s'inquiéta le satyre.

— Je ne sais pas, avoua l'aînée. Ce chemin est très peu utilisé et à ma connaissance, aucun non-harpie n'est jamais entré dans le village.

— Alors votre présence est encore plus précieuse que ce que nous pensions, dit Telak en remarquant qu'une harpie venait de se poser sur un autre perchoir au-dessus d'eux.

— En gros, si vous voulez retourner votre veste, c'est le moment, plaisanta Elyazra qui, elle, s'était rendue compte du nombre important de harpies que les parois cachaient.

— Non merci, Sae ne nous le pardonnerait pas.

À l'évocation de son nom, la jeune harpie se tourna vers Syara et lui offrit un large sourire. En un sens, cela la rassurait de voir le visage rayonnant de la jeune harpie, car ceux de ses congénères qui se massaient de plus en plus sur les perchoirs et qui se montrait à mesure qu'ils avançaient n'avaient rien de tranquillisant.

Au bout de plusieurs minutes de marche dans le défilé à être aux aguets pour ne pas se faire attaquer malgré leur escorte, le passage finit enfin par s'élargir pour découvrir le village des plumes noires. Constitué de plusieurs maisons très larges mais dépourvues d'étage, le tout était constitué de bois et était agencé de tel manière qu'il était impossible de le traverser sans passer par la place centrale.

L'endroit semblait cependant, aux yeux de la beast, bien trop petit pour accueillir toutes les harpies qu'elle avait vues sur le chemin. Mais après tout, elle ne connaissait presque rien de leur culture.

Alors qu'ils approchaient de la place, toutes les harpies qu'ils avaient remarquées revinrent et se posèrent sur les toits et sur chaque espace par terre, ne laissant qu'un cercle de quelques mètres autour des étrangers.

Elyazra, d'habitude calme et arborant un large sourire presque supérieur, avait machinalement posé sa main sur la poigne de sa rapière et arborait un visage sérieux, prête, à dégainer au moindre signe d'agression. Elle n'eut cependant pas à aller jusque-là. Certains habitants s'écartèrent et laissèrent passer une harpie qui venait de sortir d'une des demeures.

Plus grande que toutes les autres, celle-ci arborait fièrement toutes sortes de colliers et bracelets dorés. L'air sévère qui se dégageait d'elle était accentué par une fine couronne en bois pourvue d'épines.

— Qui a osé faire venir ces étrangers chez moi ! hurla-t-elle en scrutant l'assistance.

La voix de la harpie était sèche et autoritaire. Nul doute qu'elle n'appréciait pas leur présence et les trois sœurs s'en étaient rendus compte. Malgré tout, Sae allait pour esquisser un pas et se présenter devant elle, mais fut retenue par la benjamine tandis que l'aînée avançait à sa place.

— Ma reine, commença-t-elle en lui faisant face. C'est moi qui...

— Petite idiote insolente ! tonna la chef du village en lui assenant un puissant coup au visage l'envoyant à terre.

Le groupe avait été surpris par son geste et commençait à cerner la personnalité tyrannique de la reine. La sœur de Sae n'essayait même pas de se relever et fixait le sol en signe de soumission alors que du sang s'écoulait de la balafre qu'elle lui avait faite avec ses serres.

— Reine des plumes noires, s'avança Rael afin d'éviter à la harpie de se prendre d'autres coups. Nous ne sommes pas vos ennemis, nous sommes venus pour...

— Silence ! ordonna-t-elle. Les inconnus n'ont pas le droit à la parole ic... Un instant...

Alors qu'elle s'approchait du groupe, personne, aventuriers comme harpies, n'osait bouger. La reine huma bruyamment l'air devant chacun d'entre eux et s'arrêta devant Syara.

— Toi, grogna-t-elle. Je reconnais ton odeur.

— Je vous assure que c'est la première fois que...

— Silence ! Après ce que tu as fait, tu ne mérites que la mort. Je t'écorcherai vive moi-même, toi qui as tué mon cerbère.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant