Syara et Telak se levèrent et sortirent de chez celui que les enfants appelaient papy peu avant l'aube. Ce dernier les accompagna jusqu'aux écuries du village et en sortit deux magnifiques chevaux qu'il sella avec soin.
— Nous vous promettons d'en prendre le plus grand soin et de vous les ramener le plus vite possible, heu... hésita Syara. Excusez-moi, mais il ne me semble pas connaître votre nom.
— Vous n'avez qu'à faire comme le reste du village et m'appeler papy ou grand-père, sourit l'homme. Quant aux chevaux, ce sont les meilleurs que nous ayons, ne les ménagez pas et ils vous conduiront à Sendra en un rien de temps. Promettez-moi plutôt de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour sauver la ville.
— Nous ferons notre possible, acquiesça Telak.
— Dans ce cas, je ne peux que vous souhaiter bonne chance et bon courage. Au revoir.
— Au revoir, dirent les mages avant de se mettre en route.
Le mentor et son apprentie longèrent la lisière de la forêt sans jamais pénétrer ni dans les bois, ni dans les plaines. Les heures passaient et le paysage monotone défilait à vive allure jusqu'à ce que le peu de lumière que laissait passer les nuages n'indique midi.
Syara descendit la première de sa monture et ne put qu'être étonné par son endurance. Les chevaux que grand-père leur avait confiés n'étaient même pas essoufflés après cette course effrénée. On ne pouvait cependant pas en dire autant des cavaliers qui les chevauchaient.
— J'ai mal au dos, se plaignit Syara en s'étirant.
— Tu t'y feras. Repose-toi le temps que nous mangions, nous partirons juste après.
Peu motivée quant au fait de continuer la route si rapidement, Syara mangea le plus lentement possible tout en faisant attention à ce que Telak ne voit rien. Habitué à la voir engloutir tout ce qui lui passait à portée de main, le démon ne put que sourire devant cette vaine tentative de reculer le départ.
Ce stratagème lui fit tout de même gagner un bon quart d'heure, mais ne fit pas une grande différence pour son dos.
Les deux mages continuèrent toute la journée et recommencèrent l'opération le soir venu. Voyant l'état de fatigue à peine entamé des chevaux, Telak décidé, contre l'avis de la beast, de continuer le voyage de nuit.
Son dos la faisait affreusement souffrir, mais elle tint bon jusqu'à enfin apercevoir les murs d'enceinte de la ville.
De là où ils se trouvaient, Sendra semblait protégée par une cloche en verre géante sur laquelle ruisselait les trombes d'eau que les nuages déversaient. Le fracas des vagues qui se heurtaient aux remparts s'entendait déjà alors qu'ils se trouvaient encore à plusieurs kilomètres.
Pressée d'en finir, Syara talonna sa monture et manqua presque d'être désarçonnée lorsque cette dernière refusa d'avancer.
— Regarde à tes pieds, indiqua Telak.
La pluie continue et torrentiel qui s'abattait sur ses terres avait transformé les environs en véritable marécage. Un seul faux pas et c'était la fracture assurée.
— Retournons sur la route, ils ont sans doute prévu quelque chose pour passer.
Les deux mages longèrent le marécage sous la pluie jusqu'à retrouver la route et aperçurent à une centaine de mètres, une étrange lueur bleue sur le chemin. Après s'être approché, Syara et Telak se rendirent compte que la lumière provenait d'un portail qu'ils empruntèrent sans hésiter. De l'autre côté, un bruit assourdissant assaillit les oreilles sensibles de la beast.
Syara chercha autour d'elle ce qui pouvait causer un tel raffut et obtint sa réponse en levant les yeux. Ce qu'elle avait pris pour un dôme de verre était en faite un puissant mur de vent qui recouvrait la ville et repoussait la pluie. À cela s'ajoutait des bruits réguliers qui pouvaient s'apparenter à un bâtiment qui s'effondrait.
— Mais dans quoi est-ce qu'on s'est embarqué ? questionna Syara, presque à court d'énergie.
— Bonjour, salua la personne qui venait à eux.
Les deux mages descendirent de leur monture et saluèrent à leur tour leur interlocutrice. Son apparence à la race des beasts ne faisait aucun doute, cependant et à l'inverse de Syara, celle-ci était d'ascendance herbivore, mouton pour être exact. Ses caractéristiques animales étaient aussi très prononcées, à tel point que la confusion était impossible.
— Syara et Telak je présume. Léfarène nous a prévenus de votre venue. Je vais vous guider aux chambres qui vous sont attribuées et je vous mènerai demain jusqu'au poste d'opération où on vous affectera à un secteur à protéger.
— Demain ?
— La route de Léfarène à Sendra est longue. De plus, la moindre erreur peut coûter très cher à la ville, donc à moins que vous ne soyez en pleine forme, il faut mieux vous reposer une journée pour être d'attaque le lendemain.
— Cette pause n'est pas de refus, souffla Syara.
— Nous avons quelque chose à remettre à la mairie, pouvez-vous nous y conduire avant tout ?
— Comme vous voulez. Suivez-moi.
La guide mena d'abord les mages à l'écurie pour déposer leur monture puis les conduisit à travers les rues sinueuses de Sendra. Sans cette pluie incessante couplée au fracas des vagues, cette ville devait être magnifique et très agréable à vivre. Cependant, à cet instant, tout semblait gris, terne et morose. Rien que de voir comment elle était à présent était déprimant.
— Voici l'hôtel de ville, indiqua la guide en pointant un imposant bâtiment du doigt.
La façade de l'immeuble avait des airs de hall des musiciens avec ses gargouilles dans chaque coin et ses piliers soutenant le parvis. Syara et Telak entrèrent dans l'édifice et trouvèrent rapidement l'accueil. Mis à part le réceptionniste, le hall d'entrée était totalement vide et froid.
— Bonjour, salua Telak. Nous venons vous ramener un objet qui était tombé entre les mains de voleur.
A ses mots, Telak détacha l'une de ses bourses et tira sur le cordon pour l'agrandir en un grand sac. Le démon plongea la main à l'intérieur et en ressortit une guitare.
— C'est... commença le réceptionniste, ébahi.
— Votre coursier s'est fait attaquer sur la route et nous a demandé de la reprendre aux voleurs. Nous avons aussi récupéré divers biens dans leur camp.
— Très bien, je vais récupérer ses objets et prendre vos noms pour les transmettre au maire. Il conviendra lui-même de la récompense à vous donner.
Le démon fit ce que le réceptionniste demandait et ressortit de la mairie. La beast les attendait et les mena à l'hôtel qui les hébergerait le temps de leur mission.
— Je vous attendrai demain à la même heure pour vous conduire au centre des opérations.
— D'accord, merci pour tout.
Les deux mages entrèrent dans l'hôtel, pressés d'enfin pouvoir se reposer. L'endroit devait être un lieu luxueux et hors de prix, mais, tout comme la mairie, était désespérément vide excepté une personne à la réception.
Le satyre derrière le comptoir somnolait sur sa chaise dans une posture qui était loin d'être professionnel.
— Excusez-moi, interpella Telak.
— Moui ? Grommela le Satyre.
— On nous a conduits ici en nous disant que vous pouviez nous prêter une chambre.
Le réceptionniste souffla longuement, puis tendit deux clés aux mages sans ajouter un seul mot.
— Allons nous reposer, décida Telak. Demain sera une rude journée.
Syara acquiesça et partit dans sa chambre. Exténuée, elle s'endormit dès que sa tête toucha l'oreiller doux et moelleux de son lit.
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Le violon de cristal: les partitions perdues
FantasyDans un monde où musique est synonyme de magie, où presque toute forme de technologie à disparue, où les humains ne sont plus les seuls êtres pensants de la planète depuis bien longtemps et où la terre, ravagée par les guerres, se remet peu à peu, v...