Depuis la salle du trône, Fos entendait les bruits de la bataille qui se déroulait à l'entrée du palais. Il était aisé de se représenter l'affrontement, juste avec le son. Plus le temps s'écoulait et moins les détonations d'armes à feu se faisaient entendre. Était-ce parce que les soldats tombaient sous le coup des sorts ou était-ce dû à leur manque de munitions. En effet, contrairement à la magie, on ne pouvait pas puiser dans ses dernières ressources pour lancer quelques projectiles de plus. Si les chargeurs étaient vides, c'était terminé.
Au bout de seulement cinq minutes d'affrontement, les bruits cessèrent et quelques instants plus tard, le violoniste entendit ceux de pas pressés qui se rapprochaient de lui. Comme il l'avait prévu, le conseil au grand complet entra dans la salle du trône, accompagné de Shay.
Avant de remarquer Fos, ils virent tout d'abord leur partenaire étalé au sol dans une flaque de sang, la tête éclatée.
— Qu'est-ce qui est arrivé ? questionna l'un d'eux.
— Il est mort, se contenta de répondre Fos.
— Comment ?
— D'une balle dans la tête, dit-il d'un ton égal.
— Je vois que tu n'as pas mis beaucoup de temps à trouver la place que tu veux occuper, rétorqua un autre, sans chercher à cacher son accusation.
— Détrompe-toi, je me fous totalement de ce genre de pouvoir. Je n'ai aucune envie de remplacer une dictature par une autre. Je trouve le système de conseil avec un représentant de chaque race bien plus stable et à l'écoute du peuple.
Pour accentuer sa défense, le violoniste se leva du trône et l'abandonna pour les rejoindre. Il passa à côté du corps du dictateur ainsi que celui du membre du conseil sans même leur lancer un regard. Il arriva à leur niveau lorsque de nouveaux mages entrèrent à leur tour.
— Commandant, la victoire est à nous. Quelles sont vos nouvelles instructions ?
Le violoniste attendit un instant et, vu que le conseil ne semblait pas vouloir reprendre les rennes avant la fin des opérations, il donna ses nouveaux ordres.
— Amenez la moitié des troupes ici, sur la place. Pour l'autre moitié, je veux qu'ils fouillent chaque maison de cette ville à la recherche des habitants. Pour ne pas perdre trop de temps, faites une fouille rapide, pas besoin de regarder dans toutes les cachettes. Dès que l'un d'eux est trouvé, ramenez-le sur la place. Que je sois bien clair, je ne veux pas de pillage et pas de violence. Si l'un d'eux résiste, désarmez-le, assommez-le au pire, mais je ne veux aucune mort civile.
— A vos ordres !
Les mages sous le commandement de Fos repartirent immédiatement d'où ils étaient venus et les laissèrent seuls.
— Et maintenant, que faisons-nous ? s'enquit Shay.
— Nous attendons. Je veux pouvoir parler aux habitants de cette ville et leur montrer qu'ils n'ont rien à craindre de nous, contrairement à ce qu'ils croient. Je vais essayer de les gagner à notre cause pour que nous puissions lutter ensemble contre la menace cyber.
— Et que faisons-nous des dirigeants de leur armée ?
— Rien pour l'instant, ils nous seront utiles plus tard. Ils sont influents. S'ils finissent par nous rejoindre, ils serviront d'émissaire auprès des autres territoires humains. Trop de sang a coulé dans cette guerre stupide, il faut nous unir si nous voulons survivre.
Comme le présageait Fos, réunir un maximum de monde sur la place du palais n'était pas quelque chose qui se faisait rapidement, si bien qu'une grande partie de la journée fut consacrée à ça. Les humains, au début, ne comptaient pas se laisser faire, si bien qu'il avait été décidé de les parquer à l'intérieur d'un dôme magique que l'on pouvait franchir dans un sens, mais pas dans l'autre. Ainsi, toute révolte était impossible.
Lorsque toutes les maisons furent fouillées et tous les humains trouvés, Fos, Shay et le conseil se présentèrent au balcon où le dictateur devait autrefois s'adresser au peuple. Encore une fois, ils laissèrent le violoniste prendre la parole, jugeant qu'il était plus sage de laisser parler un membre de leur espèce.
— Le général est mort ! clama-t-il sans introduction.
Les chuchotements s'élevèrent dans la foule. Fos les laissa faire un instant, puis reprit la parole avant que les voix ne s'élèvent.
— Vous êtes effrayés, vous avez peur, je le sais. Peur pour vos vies, peur pour votre famille, vos amis, peur pour votre avenir. On vous a raconté que les satyres, les nains, les démons et toutes les autres races n'étaient que des monstres assoiffés de sang, mais il n'en est rien. Ce sont des réfugiés et, s'ils sont là, c'est de notre faute, à nous les humains. Lorsque le grand portail s'est ouvert, cela a condamné leur monde et ils n'ont eu d'autres choix que de le quitter pour survivre. À cet instant, nous ne les avons pas compris et nous les avons rejetés, mais nous nous trompions. Ils ne nous veulent pas de mal, juste vivre en paix avec nous.
— Menteur ! hurla un homme dans la foule.
— Je sais que c'est difficile à croire, continua-t-il sans lui prêter plus d'attention. Mais nous allons mettre dès à présent en place un gouvernement constitué d'une personne de chaque race, les humains compris. Je vous demande de faire un effort pour passer au-delà de vos préjugés. Tout d'abord, nous vous allouerons un quartier de cette ville immense où seuls les humains y seront autorisés. Je vous promets que vous ne manquerez de rien, que vos demandes seront écoutées et que vous ne serez pas importunés. Ce sera à vous de faire le premier pas et de le quitter lorsque vous vous sentirez prêts et d'ainsi accepter cette entente à votre propre rythme. Sur ce, laissez-moi vous jouer une courte mélodie qui symbolise le renouveau et le changement.
Fos invoqua son violon et quelques humains effrayés se mirent à crier, de peur de mourir. Il se mit alors à jouer une mélodie douce et apaisante qui soigna tous ceux qui avaient été blessés dans cette attaque. humains comme autres races, mages comme soldats sous les ordres du dictateur, tous sentirent leur énergie revenir et leurs plaies se refermer.
En grand final, le violoniste accéléra le rythme. Tous les membres du conseil n'eurent même pas le temps de comprendre ce qui se passait et furent empalés sur place par d'épaisses pointes d'acier qui sortirent du balcon.
Sans rien ajouter, Fos entra dans le palais, suivi, un instant après de Shay.
— Mais qu'est-ce que tu as fait ! hurla le dragon en le forçant à lui faire face. Tu veux prendre le pouvoir, c'est ça ? Tu as trente secondes pour m'expliquer cette action et j'espère pour toi que tes arguments se tiennent, sinon je te tue ! Fait vite, il ne t'en reste plus que vingt !
— Ne sois pas si énervé, je sais que tu peux les ressusciter si tu veux. Ce que tu cherches, c'est une raison de ne pas le faire.
Le dragon parut déstabilisé. Jamais il ne lui avait montré ou fait mention de ce pouvoir.
— Je n'ai menti à aucun moment. Un conseil sera créé et cette chanson signifiait le changement et le renouveau.
— C'est toi qui as tué le représentant démon ?
— Oui, répondit-il froidement. Si j'ai fait ça, c'est pour que le pouvoir n'appartienne plus à ceux qui en ont soif, mais à ceux qui veulent l'utiliser pour le bien de tous. La pire des choses aurait été de remplacer un dictateur par plusieurs. Ça aussi je l'ai dit. Et si tu penses que je me venge pour mon ami, tu te trompes, je l'aurai fait, même s'il était encore en vie. Pour ma part, je resterai à disposition en tant que consultant pour continuer à unir les races. Je l'ai dit, je ne veux pas du pouvoir. Je ne serais même pas membre de ce nouveau conseil.
— Et tu as une idée pour celui qui représentera les humains ?
— Oui. Je pense que celui qui sera le plus à même de faire ça sera la personne qui m'a traité de menteur pendant mon discours.
Surpris, Shay arqua un sourcil d'incompréhension. Ses trente secondes étaient cependant passées depuis longtemps et Fos en déduisit qu'il ne risquait plus rien.
— En se trouvant au cœur de la politique, il pourra défendre sa race et se rendre compte que les autres ne sont pas des monstres. Si nous arrivons à changer le plus réfractaire, le reste suivra naturellement. J'irai moi-même lui faire cette proposition. Un nouvel age est sur le point de naître. Un âge où nous vivrons tous en paix, mais pour y arriver, nous devrons tous nous unir pour vaincre notre ennemi commun. La guerre entre les races libres et les cyber est sur le point de commencer.
VOUS LISEZ
Le violon de cristal: les partitions perdues
FantasyDans un monde où musique est synonyme de magie, où presque toute forme de technologie à disparue, où les humains ne sont plus les seuls êtres pensants de la planète depuis bien longtemps et où la terre, ravagée par les guerres, se remet peu à peu, v...