Chapitre 61 : Le mage privilégié (Elyazra)

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 Elyazra entra avec entrain dans l'auberge, un large sourire aux lèvres. Depuis qu'elle était partie de chez elle, elle n'avait pas eu l'occasion de dormir dans un lit, et même si avoir le ciel comme toit ne lui posait pas de problèmes, être sur un matelas plutôt que par terre lui manquait.

Beaucoup de voyageurs étaient présents à l'intérieur et d'après le monde qu'elle avait vu sur la route, ce devait être les habitants de Sendra qui quittaient Léfarène pour rentrer chez eux. Heureusement, elle aperçut quelques tables vides et vit que tout une partie de l'auberge n'était pas utilisé. Il devait donc rester des chambres inutilisées.

La chasseresse allait pour s'asseoir lorsqu'elle remarqua que tous les clients avaient les yeux rivés sur une personne au comptoir.

— Comment ça aucune réduction ? s'indigna-t-il devant le patron. Vous savez qui je suis ? Je suis mage. Sans nous, votre misérable taudis aurait fermé depuis longtemps.

— Je ne vois pas en quoi être mage vous donnerait de tels privilèges. Vous faites un travail et les personnes vous rémunèrent pour cela. Il y a certes des mages pour qui je suis reconnaissant, mais vous, vous n'avez rien fait pour moi qui justifie une réduction.

— Vous rigolez ? C'est vous qui devriez me payer pour que je dorme dans votre trou à rat.

— Si vous ne payez pas, allez-vous faire à manger par vous-même et dormez où vous voulez, mais partez de mon établissement, commença à s'énerver le nain.

— Ou bien je pourrais mettre le feu à ce ramassis de planches pourries et de merde qui vous sert d'auberge, menaça le mage.

La chasseresse jubilait. Elle avait trouvé et un endroit pour dormir, et une distraction pour passer le temps. Guard, lui, n'avait pas la même définition de ce qui se passait sous ses yeux. Il avait peur que ce détraqué ne mette ses menaces à exécution et n'incendie cet endroit avec les clients à l'intérieur. Il allait pour intervenir lorsque Elyazra le retint.

— Non, il est à moi, dit-elle en sautillant sur place comme une gamine. Toi, va ouvrir la porte.

La jeune femme s'approcha du fauteur de troubles et lui tapota l'épaule pour qu'il se retourne.

— Tu veux quoi toi ?

Sans rien dire, elle prit d'une main l'homme par le col et le souleva d'une vingtaine de centimètres, puis, en effectuant un demi-tour rapide, le projeta à travers la salle avec une force surhumaine. Le mage ne toucha même pas le sol de l'auberge et passa par l'entrée que le satyre avait pris soin d'ouvrir.

— En plein dans le mille ! s'exclama-t-elle en levant soin point en l'air comme signe de victoire.

Toutes les personnes présentes, client comme employés, la regardèrent avec de grands yeux effarés. Son geste avait été si rapide que certains n'avaient même pas compris ce qui venait de se passer.

— Tu sais, il peut très bien incendier cet endroit en se trouvant à l'extérieur, intervint le satyre.

— Ne t'en fais pas. Je te l'ai dit, il est à moi.

Toujours avec la démarche d'une gamine, Elyazra sortit de l'auberge et attendit que le mage se relève et se tourne vers elle.

— Salope ! s'écria-t-il. Je vais t'apprendre à respecter ceux qui te sont supérieurs.

— Mais je t'en pris, instruis-moi, le nargua-t-elle en lui tournant autour pour éviter qu'il ne s'en prenne à l'auberge derrière elle.

L'homme invoqua son instrument, une guitare des plus basiques, alors que la chasseresse dégainait sa rapière. Une musique infernale et sans originalité ni technicité se mit alors à retentir. La jeune femme sentit alors la température monter autour d'elle et, un instant plus tard, se retrouva entourée d'un tourbillon de flammes.

— Alors ? T'en pense quoi ? beugla-t-il triomphalement.

Guard était inquiet. Il se trouvait sur le pas de la porte et sentait d'ici la chaleur du sort. Sa compagne de voyage était en mauvaise posture et n'allait sans doute pas s'en sortir indemne.

— Bon, elle vient cette leçon ? tonna une voix derrière le rideau de feu. J'ai pas toute la soirée moi !

Le tourbillon de flamme se mit alors à s'assombrir. D'un rouge vif, il perdit son éclat jusqu'à devenir totalement noir et ne plus diffuser de lumière. Il semblait même absorber celles environnantes. De ce feu surnaturel, on ne pouvait distinguer que deux points ambrés qui fixaient le mage. Le sort se mit alors à rétrécir jusqu'à ne recouvrir que la rapière. Elyazra était indemne et, plus étonnant, même ses vêtements n'avaient rien.

Avec une rapidité hors normes, la chasseresse courut vers le mage et lui asséna un coup de bas en haut. L'homme, surpris une nouvelle fois, tomba à la renverse et mit quelque temps avant de comprendre ce qui lui était arrivé. Il inspecta chacun de ses membres et en conclut qu'il avait esquivé l'attaque.

— Raté, annonça-t-il.

— Tu es sûr ? Regarde plus attentivement.

En un sens, le mage avait raison. Il n'avait aucune égratignure. Son instrument par contre avait été coupé en deux et était totalement inutilisable.

— Imp... Impossible, bégaya-t-il.

— Je ne suis pas une experte, mais sans instrument, un mage est sans pouvoir. À présent, je ne vois pas pourquoi vous auriez le droit à une réduction. Sur ce, je vous souhaite une bonne soirée et une bonne reconversion professionnelle. Au revoir.

L'affrontement terminé, Elyazra retourna vers l'auberge et trouva son compagnon sur le pas de la porte.

— Comment as-tu fait ça ?

— Fait quoi ?

— Les instruments liés sont indestructibles. Comment as-tu fait pour en détruire un ?

— Tout est dans le coup de poignet, répondit-elle en agitant sa lame de bas en haut.

— Je suis sérieux. Dis-moi, s'il te plaît.

— Non, rétorqua-t-elle sur un ton autoritaire. Premièrement, ça ne t'avancerait à rien de le savoir. Deuxièmement, si je te le disais, je serais obligé de te tuer ensuite. Et avant que tu ne poses la question, oui, je suis parfaitement sérieuse.

Pendant un très court instant, une lueur meurtrière passa dans les yeux de la chasseresse et fit frissonner de peur le satyre. Cela n'avait même pas duré une seconde, mais le message était parfaitement passé.

Comme si rien ne s'était passé, Elyazra entra dans l'auberge et choisit une table en ignorant totalement tous les regards rivés sur elle. Elle s'installa ensuite sur une chaise et s'étira longuement avant de s'affaler sur la table en attendant que son acolyte la rejoigne et que quelqu'un vienne prendre sa commande.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant